• Aucun résultat trouvé

PARTIE I : CADRE DE RECHERCHE

Chapitre 1 : De la langue wolof

1.1 État de l’art

1.1.2 Aspects sociolinguistiques et linguistiques

En tant que langue à forte tradition orale, il est difficile d’aborder l’étude du

wolof d’un point de vue historique. La codification plutôt récente de cette langue,

dans les années soixante-dix, lui confère une histoire assez récente.

Les différentes influences reçues par le wolof d’autres langues nationales procéderaient, entre autres origines, des phénomènes de l’esclavage et de la colonisation qui ont créé un repli identitaire des autochtones. Face à l’invasion

étrangère, se sont tissés des liens qui ont d’une certaine manière favorisé de fortes

interférences linguistiques.

D’un point de vue sociolinguistique, l’évolution des parlers wolof a été évidente. Dumont (1983) a abordé la coexistence du wolof avec le français et retenait un « harmonieux bilinguisme » dans un « pays qui échappe à la règle quasi générale de la balkanisation linguistique » (Dumont, 1983 : 25). Nous pouvons à ce niveau retenir que la langue wolof a tardé à faire l’objet d’étude du fait de la culture orale qui la sous-tend, mais elle fait l’objet de description et de davantage de recherches.

Il est une réalité religieuse qui fait que le wolof reste fortement influencé par la langue arabe. Pour une population islamisée à un peu plus de 90%, il en résulte une connaissance tout de même passive de l’arabe. Très assimilateur, le wolof a ainsi dans son lexique beaucoup de mots provenant de l’arabe même si par la suite des changements phonologiques et morphologiques peuvent être notés.

Le wolof est parlé en Gambie, mais aussi dans une partie de la Mauritanie. Ce pays qui est une zone tampon entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne, partage une partie de son histoire et de sa culture avec le Sénégal. La population mauritanienne qui vit à la frontière, Rosso, est écartelée entre les cultures mauritanienne et sénégalaise. En ces lieux, le wolof ainsi que d’autres langues comme le pulaar sont utilisées comme langue de communication au même titre souvent que le parler le plus répandu en Mauritanie, la langue hassanya.

Nous avons évoqué le fait que la codification du wolof est survenue très

récemment. C’est une langue «officiellement écrite» depuis moins de 50 ans.

Beaucoup de travaux ont été faits et continuent à être faits sur le wolof, mais nous n’avons pas eu des documents s’intéressant à l’étude systématique de l’étymologie

32

de la langue wolof, aux emprunts et glissements, enrichissements. Le wolof étant notre langue maternelle, d’une part, et puisque nous baignons dans un cadre culturel multilingue (français, anglais, espagnol, à notre actif, en plus des connaissances passives de l’arabe et de quelques autres langues nationales), d’autre part, nous avons pu déceler des cas d’emprunts. Mais il reste qu’une étude représentative et détaillée est nécessaire en vue d’avoir des résultats soient généralisables.

Le wolof comporte plusieurs dialectes. Mais contrairement à une autre langue nationale comme le diola qui peut comporter des variations profondes pouvant entrainer une absence totale de compréhension entre membres de la même communauté linguistique, les variations sont très faibles. Le parler qui est considéré par beaucoup de linguistes comme le fond originel est le lébu. Il est parlé par la communauté vivant dans la presqu’île du Cap Vert (Dakar et sa région).

Le parler du djolof a en fait imposé le wolof, notamment à travers l’empire

du Djolof. Cet empire qui, au XIIème siècle, a réussi à dominer d’autres empires comme le Cayor, Baol, Walo, avait également imposé en même temps la langue peul et la langue wolof dans ses royaumes annexés.

Ce qu’il faut comprendre avec les parlers c’est qu’ils dépendent pour

beaucoup des anciens royaumes qui avaient, dans leur organisation politique, le wolof comme langue véhiculaire. Il y a une association presque systématique qui est faite, en ce qui concerne la dénomination, pour se référer à un wolof (locuteur et langue) qui utilise un langage spécifique à ces anciens royaumes. Ces derniers peuvent être délimités géographiquement comme suit : le Cayor : essentiellement la région de Thiès, Pire, Gourey Sud de Ndand (dans la région de Louga), le Baol, qui est représenté par la région de Diourbel, le Saloum représentant la région de kaolack essentiellement, le Walo qui peut être situé dans la partie nord du Sénégal avec notamment la région de Saint-louis. Des appellations historiques sont données aux habitants de ces zones : kajor-kajor, baol-baol, saloum-saloum, walo-walo.

Le wolof gambien est très influencé par l’anglais ; et même au niveau phonologique il y a une forte déformation qui peut occasionner une incompréhension prononcée entre un locuteur qui parle un wolof gambien et un autre qui utilise un wolof dit « standard ».

Nous pouvons dire que les différents parlers wolofs constituent des variations de langue et de langage qu’on peut noter dans toutes les langues. Toutefois, à l’écrit, surtout dans le domaine scientifique, il y a une certaine harmonisation grâce aux

travaux du CLAD qui tiennent compte des réalités propres à la langue wolof. S’il y a

ses considérations géographiques qu’au contraste entre le wolof tel qu’il est utilisé en milieu urbain et le wolof utilisé en milieu rural (Robert, 1991).

En dehors des considérations sociolinguistiques internes à la langue, on peut souligner l’influence des langues comme le français ou encore l’arabe.

Une langue vivante évolue certainement de manière plus ou moins rapide, cette évolution touchant son lexique bien plus que ses règles grammaticales. L’intérêt qui peut être accordé au lexique permet donc d’appréhender cette évolution de manière concrète. Les unités terminologiques ne sont pas que des unités d’expression de base de la terminologie, elles véhiculent des concepts. L’influence d’une langue sur une autre ne se limite pas uniquement à l’aspect matériel de l’entrée d’un terme ou d’un mot dans un lexique donné. Cet aspect matériel n’est que le plus visible, le plus palpable des influences. L’intrusion, dans certain cas d’emprunts, de lexiques étrangers dénote un certain nombre de limites de la langue réceptrice : des limites par rapport à son renouvellement, des limites quant à l’appropriation de connaissances nouvelles.

Dans le cadre de la littérature wolof généralement, pour la poésie notamment, le génie poétique de la langue arabe a fortement influencé les écrits wolofals produits par de grands intellectuels Sénégalais comme nous le rappelle

(Mboup, 1977). Il nous semble important de mener une étude rigoureuse sur l’apport

de l’arabe sur le wolof. Une étude détaillée sur cet apport de la langue arabe dans les différents corpus, à notre sens mérite d’être faite, de manière plus poussée, étant donné que le wolofal est le premier système d’écriture à avoir été adopté. Aussi, dans une optique de recherches terminologiques, nous parait-il tout à fait opportun de s’y référer. Une analyse en diachronie a tout de même été faite par Niasse

(2014) ; dans cet ouvrage l’apport des langues étrangères, de manière générale, sur

le wolof est mis en avant, mais une place particulière est accordée à l’arabe, son influence sur le plan de la morphologie et du lexique.

En milieu urbain, le wolof qui est parlé comporte beaucoup d’emprunts français. Des auteurs comme Thiam (1994), Calvet (1994) ou encore Juillard (1994) se sont intéressés à l’emprunt. Il constitue un élément qui modifie la pratique

langagière de beaucoup de locuteurs pour Thiam. Alors que Calvet met l’accent sur

la wolofisation du pays malgré la concurrence du français, Juillard relève qu’à travers le wolof urbain, il est possible de déterminer les appartenances ethniques des jeunes locuteurs.

Il est souvent utilisé par ces jeunes locuteurs qui mêlent le wolof à l’anglais,

au français donnant lieu à un «wolofranc». La modernité que l’on connait aux villes

34

jeunes locuteurs adoptent de manière tout à fait spontanée ces technologies tout comme leurs dénominations. Il s’ajoute à cela une propension à substituer même des termes qui existent en wolof à d’autres termes étrangers. Ce phénomène décrit comme une utilisation simplifiée du wolof, (Diouf, Yaguello, 2000), apparaît comme un moyen qui permet à un plus grand nombre de personnes désireuses de comprendre ou de parler le wolof, de pouvoir le faire sans trop de difficultés. En milieu rural, il y a un attachement à la culture et à la langue qui fait que même si les termes étrangers intègrent le lexique, à défaut d’équivalents trouvés ou élaborés, on reste dans un parler ancré dans le wolof des puristes.

Un état de l’art des travaux linguistiques en wolof, révèle un certain nombre d’ouvrages anciens réalisés par les premiers missionnaires, du moins pour ce qui est des œuvres écrites.

Ces travaux tournaient autour de vocabulaires d’usage. Il s’est agit à

l’époque, de disposer de lexiques de base pour converser avec les autochtones.

Ainsi, le wolof a-t-il commencé à susciter de l’intérêt, en tant que langue, au XIXème

siècle. Le premier ouvrage est à caractère lexical, il a été réalisé par Dard (1823). Il a fait un dictionnaire français-wolof pour des besoins purement didactiques puisque, pour lui, la langue maternelle donne plus de facilité d’apprentissage. Les premières

personnes à avoir proposé des documents écrits qui se singularisent par le fait d’être

laïcs, puisque les autres sont des évangélistes, sont Boilat (1956), Kobes (1825). Ils ont publié des livres de grammaire.

Ce n’est que dans les années 1970 qu’une transcription officielle latine de la langue wolof est faite. Cette transcription du CLAD (Centre de Linguistique Appliquée de Dakar), constitue avec le wolofal (transcription arabe du wolof) les seules qui existent à l’heure actuelle.

Le premier travail linguistique organisé et reconnu est l’œuvre de Serge Sauvageot au milieu des années soixante. Il s’est attaché à décrire de manière systématique la phonologie de la langue wolof tout en donnant une vue d’ensemble de l’organisation, de la structure du wolof. Par la suite, Éric Church propose un travail majeur qui est totalement dédié au système verbal wolof (Church, 1981).

À la suite de Sauvageot et Church, Stéphane Robert, dans une approche énonciative, propose également une étude systématique de la langue en montrant les spécificités de ses conjugaisons et de son système verbal plus globalement.

Dans le cadre de notre étude sémantique et lexicale, Robert a également, dans son approche énonciative de la langue wolof, révélé un certain nombre de faits qui nous intéressent tout particulièrement. Il s’agit des différences de représentations

linguistiques de langue à langue. En reprenant l’idée de Culioli à propos des mots qui constituent des représentants de représentation, elle rappelle le mode d’accès au référent qui demeure un processus construit et de sélection. Selon Robert qui reprend Lackoff (1987) et Langacker (1991), ce processus passe par un parcours référentiel qui ne confond pas référent et item lexical, mais met en évidence des :

valeurs sémantiques d’un item lexical [qui] peuvent être décrites comme un réseau de valeurs spécifiques, organisées en relations de famille autour d’une valeur schématique commune (Robert, 1997 : 3).

L’alphabet du wolof est calqué sur celui du français avec une seule lettre de

plus (ŋ), ce qui fait un total de vingt-sept lettres. Du point de vue phonologique, le

décret stipule que toutes les consonnes, à l’exception de quelques unes, peuvent géminer, tranchant ainsi le débat sur la possibilité et l’impossibilité de gémination. Les consonnes fricatives (f, s et x) et le q, ne peuvent pas être g éminées. Par ailleurs, toutes les consonnes peuvent être prénalisées (mb, mp, nd, etc.). Au niveau du système vocalique, l’on peut relever des particularités. Pour chaque voyelle

brève, correspond une voyelle longue sauf pour la voyelle a qui comporte trois types

(a, a ouvert et ã nasalisé). Il y a également une opposition de localisation qui est faite entre les voyelles e et o. Le dernier point sur le système vocalique porte sur l’accentuation de voyelles qui se suivent, celle-ci étant portée par la première

voyelle. Le système de ponctuation est totalement est le même qu’en français avec

comme seule précision dans le décret que celui-ci doit prendre en compte la structure de la phrase wolof. Du point de vue phonétique, la langue dispose de trois types de sons, les voyelles, les consonnes et les semi-voyelles. Les voyelles sont au nombre de huit et sont réparties dans trois sous-groupes (antérieur, central postérieur) formant le triangle vocalique. Une seule de ces huit voyelles ne se

dédouble pas, comme nous le présentons dans le tableau ci-dessous:

Antérieure Centrale Postérieure

brève longue brève longue brève longue

Fermée i ii - u uu

mi-fermée é ée ë - ó óo

Ouverte - - - -

mi-ouverte e ee a aa o oo

36

Vingt consonnes composent le système consonantique. Le contraste de longueur entre consonnes simples et consonnes géminées différencie certains lexèmes :

Sëg (cimetière) / Sëgg (se courber) Bët (œil) / Bëtt (percer)

Dég (épine) / Dégg (entendre) Fat (ranger) / Fatt (boucher un trou)

Le wolof est une langue flexionnelle, morphologiquement riche donc fondamentalement ouvert à l’enrichissement lexical. Il comporte par ailleurs un caractère synthétique perceptible dans sa syntaxe et pris en charge par son système verbal. Sans davantage développer la morphologie et la syntaxe qui seront abordées

dans le sous-chapitre qui suit, nous pouvons retenir qu’en synchronie, la

décomposition en morphèmes de lexèmes révèle leur nature et leur fonction et conséquemment leurs possibles combinatoires.

Deux types de transcriptions existent actuellement et sont officiellement reconnus : la transcription latine et la transcription arabe. La transcription latine est la forme officielle qui a été adoptée par décret15.

Ce qu’il convient de souligner dans tout ce qui est mentionné ci-dessus, en référence au décret sur l’orthographe la transcription, est avant tout l’absence d’harmonisation ou de respect de bien des points stipulés dans ce décret. Si chez certains auteurs les variantes sont plutôt sensibles, le constat est bien plus amer si l’on observe les pratiques des publicistes et autres régies publicitaires qui ne suivent aucune règle de transcription sur les panneaux d’affichage publicitaires. L’orthographe wolof est francisée à souhait : le x est substitué au kh, le ë est remplacé par eu, le ñ par gn, etc. Pour les documents sur lesquels nous avons eu à travailler, l’on a mentionné qu’un respect strict de la transcription n’est certes pas observé, mais l’on mettra sur le compte du caractère plus où moins récent de l’adoption de cette transcription pour justifier les flottements.