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PARTIE II : ÉTUDE EMPIRIQUE

5.2 Approches et pistes de recherches

L’étude de la combinatoire des mots est l’objet d’étude de la syntaxe et de la phraséologie. La collocation en tant que fait de cooccurrence particulier montre une certaine idiosyncrasie, mais peut également révéler un degré élevé de terminologisation, de spécialisation. Les cooccurrences de type collocation

apparaissent d’une langue à une autre de manière différente même s’il est possible

de retrouver des schémas cooccurrents semblables. Leur traduction constitue une difficulté majeure.

 Traduction

La traduction est d’abord une activité linguistique qui requiert de réelles compétences linguistiques. Toutefois elle exige d’autres aptitudes d’analyse sémantique et de synthèse que la curiosité et la culture générale du traducteur

favorisent. L’objet et le but permettent de bien cerner les contours de la traduction.

Elle est un exercice linguistique qui a une visée de communication. Cet objectif de

la traduction explique peut-être aujourd’hui la prééminence de l’approche du sens

sur les autres théories développées. Différents courants linguistique, sociolinguistique, herméneutique, entre autres, en ont eu des approches singulières. Dans le cadre de la présente étude, le skopos de l’activité traductrice revêt un caractère primordial.

En effet, la place de la traduction dans notre travail est non négligeable. Il sera nécessaire de travailler sur des documents traduits. Le phénomène sociolinguistique de contact des langues (français, autres langues étrangères et langues nationales) a un impact sur le travail terminologique qui sera mené. L’intérêt porté à la finalité prend également en compte l’environnement culturel, puisque le destinataire est toujours situé dans ce cadre-là qu’il influence certes, mais qui l’influence également.

 Terminologie

Les études sur la terminologie sont très développées dans les pays européens, notamment l’Espagne et la France, mais aussi en Amérique du Nord et au Canada bilingue. Au vu de ce que représentent les langues de ces trois pays, l’on peut

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aisément comprendre la raison d’un tel intérêt. Dans un monde de technique, d’évolution de la technologie à une grande échelle, la survie des langues dépend de

leur capacité à se renouveler. Les locuteurs ont besoin de moyens d’expression afin

de ne pas recourir aux emprunts que proposent les langues créatrices de techniques et de technologies.

Les langues de grande diffusion comme le français et l’espagnol comptent

beaucoup d’anglicismes, d’où la mise sur pied de politiques linguistiques (en

Catalogne pour l’Espagne), ou d’organisation officielle (la DGFLF, en France). La terminologie est donc d’abord une discipline pratique, exercée dans un cadre qui se veut réformateur et/ou normalisateur. La discipline en tant que science est venue après quelques travaux menés par l’un de ses précurseurs Wüster23. La première remarque qui peut être faite sur sa théorie est qu’elle est générale (d’où le nom qui

lui est donné TGT). La théorie s’appuyait sur ses travaux et ne s’en est pas éloignée,

alors qu’aujourd’hui la terminologie ne saurait être cantonnée à un seul domaine. Elle concerne plusieurs domaines de spécialités. Toutefois, la démarche de Wüster semblait présager de la démarche onomasiologique de la terminologie, partant du concept pour trouver une dénomination ou la désignation adaptée.

À la suite de Wüster, d’autres approches se sont développées. Gaudin (1993), relève une dimension sociale à tenir en compte, alors que Cabré (1998) se penche sur une théorie communicative de la terminologie tout en s’inspirant de Wüster. Plus

récemment, dans une perspective lexico-sémantique, L’Homme (2004) souligne la

compatibilité de la démarche de la terminologie textuelle, développée par Bourigault et Slodzian (1999), aux travaux de repérage et d’analyse des termes dans les textes spécialisés. La perspective lexico-sémantique sied à la démarche qui sera adoptée dans la présente thèse. Toutefois, pour la terminologie appliquée aux langues africaines, les travaux de Diki-Kidiri (2008) proposent un modèle réaliste et ancré

dans la culture de la langue. D’ailleurs, la terminologie culturelle propose, à notre

sens, le schéma le plus abouti du traitement et de l’enrichissement terminologiques

des langues peu dotées. En effet, ce schéma montre les besoins et détermine les différentes articulations d’un tel travail.

Diki-Kidiri est connu pour être un des grands promoteurs de la terminologie culturelle. Loin de se conformer à la démarche terminologique classique occidentale,

Diki-Kidiri propose d’adopter une approche qui tient compte de la culture d’accueil.

Ce qui est pour lui un gage de la préservation de l’identité des communautés. En

23 Pour ce qui est de la définition que nous adoptons pour la terminologie cf. §3.1 et pour son historique cf. §3.2

effet, ces communautés peuvent ne pas se retrouver dans des concepts et dans un environnement culturel complètement en déphasage avec les leurs. En plus de ce respect pour l’identité, la transmission de connaissances se fait plus facilement. Cela constitue un rapprochement simplifié entre cadre cognitif, concept et dénomination. Cette approche a le mérite de ne pas se réduire à «apposer des étiquettes» sur telle ou telle chose ou notion, mais plutôt de faire des désignations selon la langue et selon tous les faits et réalités culturels que cette langue véhicule.

En ce sens, cette approche rejoint la «théorie des portes» (Cabre, 2000) qui se veut une théorie communicative de la terminologie. Selon qu’une porte est ouverte, un certain discours est adopté et des besoins de communication naissent. D’où la nécessité de s’intéresser à la terminologie non pas du point de vue de son rôle de désignation, mais en tant que système linguistique. Le système linguistique

est ce qui permet l’échange à travers l’actualisation qu’en font les locuteurs. Cette

actualisation situe la terminologie à un niveau discursif qui détermine le statut d’un

terme.

La théorie des portes se focalise non pas sur une théorisation de la

terminologie, mais sur son objet d’étude (l’unité terminologique ou encore le terme).

Cet objet se révèle très complexe parce qu’il revêt à la fois des caractères linguistique et sémiotique, cognitif et communicatif. Si une description formelle, sémantique et fonctionnelle est recherchée, la différenciation systématique des termes et des mots est récusée de même que la valeur exclusivement dénominative qui a été donnée au terme. La terminologie, ensemble des termes, n’est recueillie qu’à partir de supports écrits ou oraux. La densité terminologique des corpus est fonction du niveau de spécialisation des domaines explorés. Avec la « théorie des portes », cette question tant débattue sur ce qui est un terme et sur ce qui ne l’est pas, trouve une réponse et réaffirme le caractère essentiel de la terminologie, une science qui s’intéresse à la langue de spécialité.

Sans revenir sur les caractéristiques de l’unité terminologique (cf. §3.1.1), nous évaluons l’article de Cabré (2000b) sur la théorie des portes, une théorie sur le terme essentiellement. Cette théorisation indique la place du terme dans les études des signes dénominatifs tout en précisant ses contours.

Cabré rappelle d’abord la pensée majeure de Wüster en ce qui concerne la

terminologie. Il donne à cette dernière une fonction d’étiquetage, de dénomination

des concepts. Dans la TGT, la standardisation constitue le seul objet de la terminologie. Cela met de côté sa dimension communicative et discursive et donc sa dimension pragmatique. L’approche wüsterienne confère à l’unité terminologique une fixité sémantique en plus de conférer un caractère statique aux concepts.

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Certains linguistes ont conféré à l’unité terminologique un statut particulier,

mais Cabré conteste cela parce qu’ « on s’interdisait d’expliquer comment les termes

font partie ou peuvent être une partie de la compétence des sujets parlants » une fois que ces sujets arrivent à maîtriser une langue de spécialité.

Le nouveau point de vue que propose Cabré comprend quatre points. Le premier point concerne le caractère interdisciplinaire de la terminologie qui comporte des aspects cognitifs, linguistiques, sémiotiques et communicatifs. Elle note ensuite l’importance de l’élaboration d’une théorie des termes en lieu et place d’une théorie de la terminologie. Le troisième point souligne que les unités terminologiques sont des unités linguistiques qui apparaissent dans une langue

naturelle. Enfin l’unité terminologique a des points de ressemblance et de

dissemblance avec les unités lexicales non spécialisées et ces points se résument à la pragmatique et au mode de signification.

Il résulte de l’analyse de Cabré que :

Ces unités lexicales de base se trouvent associées à un grand nombre d’informations grammaticales, pragmatiques et encyclopédiques. Les conditions discursives activent seulement quelques informations. Et cette sélection d’informations peut les amener à acquérir une valeur pragmatique particulière, qui est reliée aux traits du signifié. (Cabré, 2000b : 14)

Cela n’exclut pas la synonymie et l’homonymie de la terminologie, ni d’ailleurs le caractère récursif et dynamique des termes. L’aspect complexe du terme requiert une analyse multidimensionnelle. Dans cette analyse, que l’on ouvre la

porte de la linguistique, de la sémiotique ou des études cognitives, l’unité

terminologique trouve sa place dans chacun de ces trois champs.

Par ailleurs, Diki-Kidiri (2000) fait une comparaison très intéressante sur les caractéristiques de la terminologie dite classique et ce que vise la terminologie

culturelle. Elle s’inscrit dans une perspective d’aménagement linguistique. La

terminologie, dans sa pratique traditionnelle, a des buts de normalisation d’harmonisation, comme le préconisait Wüster. De ce point de vue, la terminologie culturelle se cherche tout d’abord un cadre théorique, et doit mettre sur place toute une organisation à même de prendre en charge le projet de réaménagement linguistique.

Pour Diki-Kidiri, le choix porté sur la culture s’explique par le fait qu’elle offre un stock de connaissances et d’acquis, auquel se réfère tout individu en face d’une nouveauté. La référence au cadre de culture est spontanée et elle facilite l’acquisition à travers le rapprochement constant qui est fait par le locuteur.

La démarche proposée se veut inclusive et méthodique. En fait, une méthodologie doit être dégagée et elle passe par l’implication des parties prenantes dans l’élaboration du vaste chantier linguistique. Il sera donc question d’inciter les spécialistes de chaque domaine à participer à l’élaboration de terminologies. Ceux-ci sont, en effet, les plus à même de dégager le contenu sémantique et la typicalité de chaque terme. Dans la méthode à adopter, pour Diki-Kidiri, il faut, également, clairement définir les objectifs du travail. Il faudrait qu’un vrai travail se fasse dans la langue cible pour une bonne adéquation du terme choisi par rapport au concept qu’il désigne. Parler de culture revient dans une certaine mesure à parler d’histoire si l’on tient compte du fait qu’elle est avant tout, un ensemble d’acquis propre à une communauté donnée pour un temps déterminé. Dans le choix des termes, une étude en diachronie apparaît alors intéressante, à la grande différence de la terminologie dite traditionnelle qui s’attache davantage à la synchronie.

En plus de ce travail qui requiert recherche et méthodologie, la vulgarisation des termes et leur implantation est un autre exercice à faire. La terminologie traditionnelle se soucie donc de l’implantation, de l’appropriation cognitive qui est le but final de toute la recherche qui se fait autour d’elle. Ce suivi de la vie du terme est important dans le sens où il dévoile son acceptation auprès des communautés utilisatrices, mais également auprès des locuteurs. Cela permet de revoir et de mieux apprécier le travail, d’en faire une évaluation quant aux dénominations à proposer dans les futurs travaux. La terminologie culturelle même si elle se cherche un cadre théorique, semble être la méthode la mieux adaptée pour les langues en Afrique, en tout cas pour le wolof.

 Phraséologie

La terminologie est aujourd’hui fortement ancrée dans une démarche

empirique, notamment avec l’avènement de la linguistique de corpus. Si le recours

aux textes servait, il y a quelques années à corroborer des théories, bien que continuant à assumer ce rôle, la pratique de la terminologie se fait également dans le cadre du Traitement Automatique des Langues (TAL). Les bases de données terminologiques sont élaborées grâce à des textes compilés qui servent de référence et d’utilisation en contexte. Les outils d’étiquetage morphosémantiques (Winbrill, Cordial Analyseur, etc.) permettent d’analyser les termes candidats, de même que les concordanciers (AntCon, MonoConc, etc.) aident à avoir une vue généralisée du comportement du terme dans son environnement immédiat et global.

Les études qui sont menées actuellement dans le domaine de la phraséologie font recours aux corpus et s’inscrivent de plus en plus dans une approche statistique,

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corpus, a donc élargi le champ d’investigation de la phraséologie auparavant confinée, par l’école soviétique, à l’évaluation des proverbes et autres expressions idiomatiques (Granger et Paquot, 2008). Le caractère flou de la ligne de démarcation entre les approches phraséologiques traditionnelle et distributionnelle fait qu’en France la notion de fixité telle que développée par Gaston Gross a un sens consacré qui est aujourd’hui utilisé avec moins de contraintes.

5.3 Hypothèses de recherche et démarche