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Synthèse de chapitre

Chapitre 2 : Langues et corpus

2.2.1 Sens et unité lexicale

Dans cette étude du sens, envisagée dans une perspective lexicale, nous allons porter un intérêt à l’emploi des unités lexicales en tant que paramètre d’actualisation du sens. Une unité lexicale entretient avec les autres éléments du lexique des relations. La polysémie constitue une des notions les plus complexes de ces relations lexicales.

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Bréal, en évoquant la polysémie dit :

Le sens nouveau, quel qu'il soit, ne met pas fin à l'ancien. Ils existent tous les deux l'un à côté de l'autre. Le même terme peut s'employer tour à tour au sens propre ou au sens métaphorique, au sens restreint ou au sens étendu, au sens abstrait ou au sens concret… À mesure qu'une signification nouvelle est donnée au mot, il a l'air de se multiplier et de produire des exemplaires nouveaux, semblables de forme, mais différents de valeur. Nous appellerons ce phénomène de multiplication la polysémie. (Bréal, 1897 : pp. 154-155)

Durant la période structuraliste, l’appréhension de la polysémie se fait dans

le droit file d’une approche sémantique systématique vis-à-vis de la langue qui exclut tout phénomène d’usage. Cela se traduit par une considération du phénomène en synchronie qui se détache de l’évolution en diachronie du sens telle qu’expliquée par Bréal.

La polysémie a souvent été évoquée en référence aux problèmes qu’elle peut

poser, notamment pour ce qui est de l’ambigüité. Le TAL est un exemple de champ de la linguistique appliquée qui bute sur la polysémie. Le problème que pose la polysémie au TAL est à rattacher au principe qui gouverne le traitement automatique. Ce principe est contraignant dans la mesure où il cherche à faire correspondre à un texte, au sens de production langagière, une représentation

interne. Au moment où une production langagière telle qu’une unité lexicale peut

comprendre plusieurs sens, pour le formalisme du langage informatique à un sens correspond une et une seule signification.

Toutefois la polysémie des unités lexicales ne comporte pas que des problèmes. La multitude de sens est sans doute ce qui témoigne le mieux du génie

des langues. Il convient également de noter que l’une des caractéristiques de l’unité

polysémique est qu’elle garde un sens de base et que les différents sens constituent

des extensions. Partant, l’on relève une qualité de la polysémie qui contribue à la

survie des unités lexicales, leur renouvellement, leur évolution vers de nouveaux usages.

La similarité ou rapprochement sémantique d’une unité lexicale par rapport à une autre est appréhendée par la relation synonymique. La synonymie permet ainsi de regrouper des unités de sens similaire tout en spécifiant les différentes nuances. La synonymie comporte l’avantage de ne pas se limiter à des unités lexicales. En effet il est possible d’avoir une conception « lâche de la synonymie, étendue à toute équivalence de sens entre un mot et un autre type d’unité sémantique » (Tamba, 2005 : 81).

La paraphrase peut entretenir une relation synonymique avec un autre énoncé paraphrasé ou une unité lexicale donnée. La monosémie voulue et recherchée dans le cadre de la terminologie, nous pousse à considérer la paraphrase, pour la présente étude, comme un moyen de trouver des équivalents paraphrastiques. Par ailleurs, la perspective traductive de ce travail terminologique ne fait que nous conforter dans notre position.

La structuration du lexique qui tient compte d’aspects sémantiques peut se faire selon une organisation hiérarchique ou ontologique. De ce point de vue, les unités entretiennent des relations méronymiques ou hypéronymiques. Pour les langues peu dotées terminologiquement, l’hyperonymie servirait de base pour la désignation. Cela se traduit par la considération de cette hyperonymie comme un nom tête auquel est incrémenté un ensemble de spécifications. La méronymie entretient une relation d’appartenance d’un élément à un ensemble.

Les études qui portent sur le sens des mots se sont développées dans le cadre

du structuralisme en empruntant différentes voies. L’étude des champs sémantiques

et l’analyse sémique constituent les plus marquantes de l’époque.

La notion de champ sémantique part du principe que le lexique est subdivisé en sous-ensembles qui peuvent être regroupés selon leur appartenance à un champ donné. Ce sont particulièrement les allemands qui se sont approprié cette notion de champ sémantique, avec des auteurs comme Coseriu, Baldinger, Heger.

À la base de l’approche d’analyse sémique, se trouve l’idée de la possibilité de décomposition du sens en plusieurs traits. Hjelmslev (1963), l’initiateur de l’analyse sémique, part du postulat selon lequel il existe un principe d’isomorphisme

des langues : la forme de l’expression est décompositionnelle de même que la forme

du contenu. De là, il est possible de décomposer en plus petites unités sémiques, le contenu sémantique du mot.

Dans le cadre des études terminologiques, le sens des unités a fait l’objet de recherches, chez Delavigne et Bouveret (2000), avec une forte référence à la socioterminologie. Cependant il faut souligner que les études sur le lexique spécialisé, le discours spécialisé plus généralement a été entamé en France par Guilbert et Quémada qui ont investi le champ des technologies (Tamba, 2005 : 20).

Le sens de l’unité terminologique ne peut être saisi qu’au sein du discours

duquel cette unité émane. Delavigne et Bouveret notent que :

La construction de sens repose sur une dynamique entre plusieurs paramètres sémantiques, cognitifs et sociolinguistiques : les contextes et les parcours discursifs, les conditions de production, l’appropriation des termes par les sujets parlants. (Delavigne et Bouveret, 2000 : 1)

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La notion de contexte demeure un élément fondamental dans la perception du sens. La démarche onomasiologique de la terminologie qui met le concept au cœur du processus de désignation, d’élaboration d’unités terminologiques requiert une prise en compte du contexte en tant que texte, cotexte ou encore corpus. De ce point de vue, l’environnement contextuel donne un ensemble d’informations

textuelles ou orales au voisinage d’un terme donné. Si le cotexte est limitatif à un

nombre de séquences restreint, d’où un certain caractère tronqué, le texte ou le corpus donne une lecture élargie. Le contexte est également à associer à ce que

Delavigne et Bouveret appellent les « conditions de production » qu’il faut rattacher

à la sociolinguistique. Les auteurs relèvent sur la base des travaux de Rastier (1994) des « paliers d’interprétations » qui concernent le texte, la situation de production et l’interprétation.