• Aucun résultat trouvé

Synthèse de chapitre

Chapitre 3 : Terminologie et langue de spécialité

4.1 Considérations générales

4.1.1 Notions

Les expressions polylexicales et autres unités linguistiques complexes ont été abordées par Saussure et Bally. Ce dernier, en 1909, dans la première édition de son

Traité de stylistique, fait mention de l’existence de séries phraséologiques pour référer à des unités lexicales qui entretiennent une certaine affinité.

Dans son Cours, Saussure évoquait l’existence d’axes syntagmatique

(représentant la grammaire de la langue) et paradigmatique (le lexique de la langue). Alors que le premier axe révèle un certain nombre de contraintes avec des règles à suivre, le second offre une certaine flexibilité avec différents choix possibles. Du choix d’un signe et de sa contrainte à une combinaison de signes, il est possible de savoir le sens véhiculé par un énoncé. Cette interdépendance évoquée entre les deux axes montre que l’appréhension du sens dépend également de la grammaire.

La position de Chomsky en ce qui concerne la syntaxe et la sémantique est tout autre. Il prône une séparation entre les deux (Chomsky, 1957), du fait de l’idiomaticité des collocations, il privilégie la compétence du locuteur au détriment des données réelles.

98

Dans une perspective lexico-sémantique, Mel’čuk reprend à son compte les

notions de contrainte et de flexibilité des axes saussuriens qui explicitent le mécanisme des fonctions lexicales.

La notion de phraséologie représente aujourd’hui un cadre d’étude de la

collocation. Elle a été diversement interprétée. Elle a été associée, à un moment et de manière exclusive, à l’étude des tournures typiques ou des expressions idiomatiques d’une langue donnée. La première édition du dictionnaire de Rey et Chantreau (1989) regroupe les expressions idiomatiques du français et les principes qui régissent le choix des entrées de ce dictionnaire étant l’usage, la particularité d’expressivité de locutions qui renferment un certain degré de figement.

Définie par la suite comme « the study of the structure, meaning and use of

word combinations » (Cowie, 1994), l’étude de la phraséologie adopte vis-à-vis de

la langue une approche qui lie grammaire et lexique. Si dans une approche purement traditionnelle donc la phraséologie est un champ restreint, les études sur corpus, nouveau cadre d’analyse, donnent une perspective élargie de la question.

D’autres notions sont à rapprocher de la collocation. Parmi

celles-ci, la cooccurrence peut être qualifiée de notion standard. En effet, elle met d’abord en avant une proximité physique d’items lexicaux. La colligation est une forme de collocation qui incorpore un mot grammatical ou mot outil.

La locution est un groupe de mots figés par l’usage et qui forme une unité

grammaticale. Pour marquer la différence entre collocation et locution,

Hausmann (1989) parle de syntagmes libres et de syntagme figés. Dans le domaine

de la terminologie, L’Homme (1998a) parle de combinaisons lexicales spécialisées (CLS), une notion qu’elle considère être la collocation, mais dans une perspective terminologique.

L’approche distributionnelle a permis de développer

deux méthodes d’extraction de phraséologie, les n-grams (Biber et al.,

1999), et l’analyse de cooccurrences (Stubbs, 2002). L’analyse des n-grams se fait

sans prise en compte du caractère idiomatique, alors que l’analyse de

cooccurrences s’y intéresse. Dans les corpus comme Brown et COCA, l’on retrouve cette méthode de recherche. Stubbs souligne le lien sémantique fort

qui unit les éléments de collocations qui se trouvent dans une situation

d’interdépendance.

Dans les recherches sur la phraséologie, on ne peut manquer d’évoquer le rôle majeur joué par Mel’čuk avec ses fonctions lexicales et la Théorie Sens-Texte (TST). Certaines de ces fonctions seront d’ailleurs étudiées afin de connaî tre les modalités de modélisation des collocations. De plus, la théorie de la paraphrase développée dans le cadre de la TST, est un autre aspect qui complète notre étude, vu la place qu’elle occupe dans les procédés de désignation.

La portée large du champ phraséologique donne l’impression d’une discipline fourre-tout aux contours difficilement définissables. La phraséologie permet d’analyser la langue à tous ses niveaux : morphologique, lexical, syntaxique et même discursif. Les collocations qui témoignent d’un caractère de spécialisation dans la langue médicale, n’en gardent pas moins des caractéristiques de fréquence d’occurrences et d’idiomaticité dans le sens d’une restriction des choix d’items cooccurrents.

Le degré de figement et la non-compositionnalité des éléments constitutifs de l’unité phraséologique ne sont plus les seuls éléments caractéristiques des unités phraséologiques. Même s’ils continuent à être des critères suffisants, ils ne sont plus nécessaires. L’analyse des collocations de langue à langue, révèle des différences et aussi des convergences de traitement de ce phénomène de cooccurrence comme le

montrent certaines d’études. Les collocations en langue wolof n’ont, pour l’heure,

pas fait l’objet d’études majeures dans les domaines spécialisés et cette étude devrait nous permettre de faire le parallèle entre trois langues et de suggérer les éléments linguistiques majeurs qui composent la collocation en wolof.

4.1.2 Littérature autour de la phraséologie et de la

collocation

L’étude des unités polylexicales n’a pas toujours été au cœur des recherches en linguistique. Il faut remarquer que ce sont principalement des travaux lexicographiques qui visaient à les répertorier qui se faisaient alors.

Le contextualisme rejoint une théorie majeure développée chez les Britanniques sous l’impulsion de Firth : le fonctionnalisme. Ce dernier a comme objet d’étude l’énoncé. Le sens ne dépend pas d’une compositionnalité dans laquelle

chaque élément le détermine, mais celui-ci dérive d’une approche globale où c’est

tout un message émis en contexte qui le fixera. C’est donc le rôle essentiellement

communicatif qui est mis en avant, ceci est une des différences du fonctionnalisme avec le générativisme chomskyen.

(…) the complete meaning of a word is always contextual, and no study of meaning apart from a complete context can be taken seriously. (Firth, 1935 : 7). La collocation constitue un fait observable dans la langue en usage. Elle

dénote une idiosyncrasie linguistique qui reflète le « propre » d’une langue donnée.

100

conjointe qui n’est pas sans créer un lien presque systématique entre les composants. Ce lien peut être fort au point de créer une certaine contrainte d’utilisation.

Halliday (1973), dans une perspective fonctionnaliste, pense que l’appréhension et le choix du sens dépendent fondamentalement de la relation qui existe entre la fonction de la langue et la nature même du système linguistique.

So even if we start from a consideration of how language varies, how we make different selections in meaning, and therefore in grammar and vocabulary, according to a context of use, we are led into a more fundamental question of the relation between the questions of language and the nature of the linguistic system. (Halliday, 1973 : 23)

Halliday, comme beaucoup de linguistes, exclut la collocation du champ des régularités de cooccurrences lexicales. Elle est, sous un angle psychologique, ce

qu’il appelle un cohesive device, résultant du fait que des items lexicaux

apparaissent souvent dans un même environnement, d’où une association presque systématique de ces items (Halliday, 1976). L’idée selon laquelle la collocation apporte une cohésion textuelle est inspirée de Firth avec son affirmation ‘You should know a word by the company it keeps’ (Firth, 1957 : 11). L’environnement textuel et contextuel du mot ainsi que les différents liens entretenus avec d’autres items influent alors sur le sens de chacun d’entre eux. Cette idée va à l’encontre de celle qui supposerait qu’un mot à un sens premier duquel dérivent ses autres sens. Halliday et Sinclair se sont attachés à décrire les collocations et à leur trouver des occurrences statistiques, notamment avec Sinclair dans le cadre du développement fulgurant connu par la linguistique de corpus dans les années quatre-vingt.

En restant dans le registre de contrainte et choix libres, Sinclair (1991) donne deux modèles d’interprétations de la collocation, un principe de choix libre et un principe idiomatique, qu’il définit comme suit :

This [the open-choice principle] is a way of seeing language text as the result of a large number of complex choices. At each point where a unit is completed (a word, phrase or clause), a large range of choice opens up and the only restraint is grammaticalness. (Sinclair, 1991 : 109)

‘...the principle of idioms is put forward to account for the restraints that are not captured by the open-choice model. The idiom principle is that a language user has available to him or her a large number of semi-constructed phrases that constitute segments.’ p.110

Il fournit à la suite de son étude des exemples d’extraction de collocations qui restent dans la lignée statistique des linguistes de corpus de Birmingham.

Cruse (1986) propose une définition différentielle entre collocation et expression idiomatique. Cette dernière est, selon lui, caractérisée par l’opacité de son sens qui n’est pas prédictible des éléments constitutifs. Les collocations ont quant à elles un sens prédictible des constituants. Il évoque également la restriction contextuelle qui participe à la cohésion sémantique, une cohésion qui résulte du caractère sélectif des éléments.

Abordée dans le contexte français la phraséologie s’articule autour de la notion de figement telle que développée par Gaston Gross.

Une séquence est figée du point de vue syntaxique quand elle refuse toutes les possibilités combinatoires ou transformationnelles qui caractérisent habituellement une suite de ce type. Elle est figée sémantique quand le sens est opaque ou non compositionnel, c’est-à-dire quand il ne peut être déduit du sens des éléments composants. Le figement peut-être partiel si la contrainte qui pèse sur une séquence donnée n’est pas absolue, s’il existe des degrés de liberté. (Gross, 1996 : 36)

Un certain nombre de critères sont mis en avant par Gross pour consacrer le caractère figé d’une expression. Quatre notions qui ont un lien direct avec la

collocation seront retenues : la polylexicalité, l’opacité sémantique, le blocage des

propriétés transformationnelles et la non-actualisation des éléments.

Gross note d’abord que le figement requiert nécessairement la présence de

plusieurs unités lexicales qui peuvent être utilisées de manière autonome en d’autres

contextes. L’opacité sémantique est un élément variable dont la présence est

perceptible à des degrés divers selon les types de collocation. Les propriétés d’une

séquence donnée, lorsqu’elles subissent un blocage, témoignent d’une fixité de ladite séquence. Le dernier critère, la non-actualisation des éléments, est en partie le

fait de l’opacité du blocage des propriétés transformationnelles. C’est ainsi que les

collocations ne se prêtent que de manière très faible, voire nulle à l’inclusion d’éléments nouveaux.

102