• Aucun résultat trouvé

I.3 Outils d’analyse pour le diagnostic structurel d’édifices maçonnés L’étude des MH en maçonnerie sous séisme est donc confrontée à de nombreuses incertitudes

I.3.3 Techniques d’analyses numériques d’édifices complets

Une fois la structure et ses matériaux représentés, le choix de l’analyse à mener avec ce modèle dépend des objectifs fixés. Il existe plusieurs familles d’analyse sous chargement sismique, différentes par la complexité de leur mise en œuvre, la richesse des résultats et leur précision. Le but n’est pas ici de les détailler toutes mais de brièvement rappeler les caractéristiques de celles que l’on utilisera par la suite et leurs limites pour les édifices anciens.

a Analyse statique équivalente

L’hypothèse de base est que la structure se déforme selon sa première déformée modale. La structure étudiée est représentée par une raideur élastique linéaire et un amortissement visqueux équivalents. Afin de reproduire l’état de contrainte et de déformation maximal induit dans l’ouvrage par un niveau de sollicitation sismique donné, on charge chacune des directions de l’ouvrage, de façon simultanée ou non, par un effort statique latéral. Celui-ci doit être équivalent à l’effort inertiel maximal induit par la sollicitation sismique envisagée. L’influence des non-linéarités est introduite par le biais d’un coefficient de comportement q, qui permet de réduire les efforts mais ne modifie pas la valeurs des déplacements par rapport à la situation élastique. La valeur du coefficient dépend de la conception de la structure et des détails constructifs et est défini pour les bâtiments neufs dans l’Eurocode8 (2004). Dans le cas des bâtiments anciens les coefficients de comportement utilisés doivent être justifiés par la capacité de déplacement de la structure dans les zones où des fissures ont été relevées (LLPP, 2009). On notera que dans des édifices complexes, les contraintes en compression sont souvent concentrées dans les angles.

Cette méthode peu coûteuse est efficace pour des ouvrages réguliers en plan et en élévation car leur premier mode dans chaque direction domine. Cette méthode est plus pertinente dans le cas de bâtiments peu élancés, avec des murs porteurs et des diaphragmes intermédiaires. Nous nous servirons de cette technique au paragraphe III.4 pour estimer des rigidités équivalentes dans une chapelle géométriquement simple, afin de définir des hypothèses de modélisation.

b Analyse spectrale sur base modale

Cette méthode est basée sur l’approximation de la réponse de la structure à N degrés de liberté par une superposition des effets de chaque mode significatif, en utilisant un modèle linéaire

élastique (Chopra, 1980, 2006). On détermine d’abord la fréquence et la déformée modale de chaque mode, les facteurs de participation permettant de distinguer les modes importants. Les efforts induits dans la structure par chaque mode sont déterminés grâce à la masse modale affectée à chaque mode et à son accélération spectrale, tandis que les déplacements sont calculés grâce au spectre élastique en déplacement. La réponse totale de la structure est obtenue en combinant par une méthode de type SRSS (Square Root of the Sum of Squares) ou CQC (Complete Quadratic Combination) l’action des différents modes (Clough et Penzien, 1993).

Cette méthode est rapide même pour des bâtiments complexes et permet d’avoir une bonne évaluation des déplacements. Elle donne de très bons résultats dans le cas de structures simples, élancées ou très souples. Grâce au coefficient de participation, elle peut permettre de mieux évaluer les forces à utiliser dans l’analyse statique par poussée progressive. Toutefois les limites posées au paragraphe précédent sont toujours valables. De plus les règles de recombinaison ainsi que le coefficient de comportement ont été développés initialement pour des structures poteaux poutre très différentes des structures maçonnées massives. On ne retiendra donc ce type d’ana-lyse que quand, comparé avec une anad’ana-lyse non linéaire, les différences restent limitées ou quand une analyse non linéaire est impossible. Dans ce cas, au lieu d’utiliser un facteur de comporte-ment q, une courbe de capacité simplifiée permet de déterminer les niveaux de dommages et de performance (Calderini et al., 2012). Dans le cas de bâtiments très complexes caractérisés par des transformations successives et différentes phases de construction, on procédera de préférence à plusieurs analyses, dont une par un autre moyen que l’analyse modale spectrale. Les princi-pales difficultés sont donc la définition de coefficients de comportement adaptés et la nécessité de valider les états de contraintes.

c Analyse par poussée progressive : statique non linéaire

L’analyse statique par poussée progressive ou Pushover, consiste à imposer un chargement latéral croissant monotone sur une face de l’ouvrage, qui doit représenter l’action des forces d’inertie sur la structure. Le profil de chargement est généralement basé sur la première dé-formée modale, si plus de 90% de masse modale participe à ce mode (Fig. I.38a). Défini en effort, son intensité est augmentée au cours de l’analyse jusqu’à la ruine de l’ouvrage. La ré-ponse de l’ouvrage est représentée par l’évolution de l’effort tranchant à la base en fonction des déplacements en tête (Fig. I.38b). Le lien entre cette analyse et le comportement dynamique de la structure est établi par le point de performance, qui vise à déterminer les efforts en pied et déplacements en tête que subira la structure au cours d’une sollicitation sismique. Les lois constitutives utilisées pour la description des matériaux sont généralement non linéaires et

per-a) b)

Fig. I.38 Méthode pushover, d’après (Desprez, 2010). a) Exemple de chargement latéral selon la déformée du mode i. b) Exemple de courbe de réponse en force-déplacement.

mettent ainsi de caractériser les phénomènes de mécanismes plastiques et la distribution des dommages dans l’ouvrage. L’apparition des phénomènes non linéaires et la ruine de l’ouvrage sont deux informations importantes permettant de quantifier la capacité et la ductilité de la structure.

L’utilisation de cette approche pour les MH pose toutefois plusieurs problèmes. Tout d’abord le premier mode de ces structures complexes est rarement prépondérant. Plusieurs modes sont nécessaires pour atteindre un pourcentage de masse modale représentatif, rendant délicate la définition du chargement équivalent. En effet on sous-estime les déplacements et le cisaillement en pied de l’ouvrage en ne tenant pas compte des modes plus élevés (Chopra et Goel, 2002). Cette approche est toutefois utilisée dans le projet Perpetuate pour définir les niveaux de dom-mages, considérés comme des points de performance (Cattari et al., 2012). Mais pour pallier ces problèmes de complexité, il est recommandé d’analyser les ouvrages avec :

- un modèle 3D de toute la structure, avec modélisation de l’interface entre le sol et la structure et de leur interaction (Pitilakis et al., 2011). Il permet aussi de valider les macro-éléments rete-nus et d’évaluer la redistribution des forces sismiques sur chacun d’entre eux.

- un modèle 3D pour chaque macro-élément comme défini en I.2.2 puis I.3.1

- un modèle 2D pour chaque élément structurel identifié comme les colonnes ou les arcs. Le chargement est proportionnel à la masse de chacun.

Une courbe de capacité est construite pour chaque modèle et les résultats sont assemblés selon des critères particuliers dépendant du type d’ouvrage. L’analyse est donc bien plus coûteuse que pour un édifice ordinaire, en temps comme en compétences. Paraskeva et al. (2006) proposent pour le bâti moderne des techniques de pushover multimodal, plus complexes à mettre en œuvre, afin de tenir compte de plusieurs modes. Mais elles n’ont jamais été testées sur des édifices an-ciens, ce que nous ferons au chapitre V. Nous montrerons que la géométrie complexe des MH génère de nombreuses interactions et rend délicat même ce type d’analyse.

d Analyse dynamique temporelle

L’analyse temporelle consiste à satisfaire l’équation fondamentale de la dynamique en tout point de la structure à intervalles de temps donnés, dépendant des fréquences propres de l’ou-vrage. Cela revient à calculer au cours d’une série de temps discrets la configuration du système en équilibre sous l’effet des forces d’inertie, de l’amortissement et des forces de cohésion internes. La sollicitation sismique est généralement appliquée sous forme d’un accélérogramme.

Avec un modèle linéaire, la réponse en déplacement u de la structure est exprimée comme la somme des réponses de chaque mode : u(t) = qN

n=1ΓnnDn(t). On peut tirer profit de l’analyse modale en effectuant une analyse temporelle par superposition modale (Gmür, 1997). Basée sur les mêmes techniques de résolution pour chaque mode que l’analyse temporelle normale, cette technique est plus rapide car ne nécessite pas la résolution de l’équation différentielle du mouvement. Nous vérifierons en section V.1.1.b que si la constitution de la base modale n’exige pas la prise en compte d’un trop grand nombre de modes, elle est tout aussi performante qu’un analyse dynamique temporelle. Sur des bâtiments pour lesquels l’analyse modale est efficace, l’analyse dynamique n’a que peu d’intérêt car elle est beaucoup plus coûteuse en temps. Cette technique est intéressante pour les édifices complexes pour lesquels un calcul non linéaire n’est pas spécifiquement requis, car elle ne nécessite ni recomposition à partir des réponses modales ni coefficient de comportement.

Avec un modèle non linéaire, l’analyse dynamique est a priori la plus rigoureuse. Sur une structure 3D elle permet d’intégrer les interactions dans le modèle. Une fois celui-ci validé, on peut théoriquement prétendre à une connaissance exacte des déplacements et des efforts dans la structure sans procédure de recombinaison et d’estimation. Mais les mécanismes plastiques

dans les éléments structuraux alourdit le schéma d’intégration et rend ce type de calcul parfois extrêmement coûteux en temps, d’autant que pour les MH l’utilisation d’au moins trois accé-lérogrammes différents est exigée (LLPP, 2009). Cette méthode est donc à limiter à des cas particuliers, quand la complexité de la structure et les contributions importantes des différents modes de vibration ne permettent pas d’obtenir des résultats fiables autrement.

Outline

Documents relatifs