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I.2 Vulnérabilité sismique des Monuments Historiques en maçonnerie

I.2.3 Solutions de renforcement les plus courantes

a) b)

Fig. I.29 Renforcements inadaptés (Binda et al., 2000b). a) Effondrement hors plan d’un mur porteur : différences de raideurs entre les murs, le plancher et la façade. b) Mauvaise connexion entre la panne* sablière et le mur, coups de butoir du toit.

Les dommages sismiques observés ces dernières années sur le bâti ancien maçonné ont montré la vulnérabilité de ces constructions et la nécessité de mieux les connaître pour les protéger. Le nombre de structures endommagées après avoir été renforcées souligne une fois encore combien il est délicat de connaître réellement le fonctionnement d’une structure. La solution de conforte-ment des deux exemples en figure I.29, le renforceconforte-ment par poutres périphériques en béton, a été choisie sans comprendre le système structurel d’origine, en se référant à des édifices neufs, et s’est avéré néfaste. En effet, bien pensés, les renforcements peuvent être efficaces, mais les séismes révèlent entre autre toutes les incompatibilités entre la structure existante et les interventions, comme illustré. Ces incompatibilités peuvent être liées aux matériaux, mais sont souvent d’ordre structurel. La difficulté provient en grande partie de ce que les bâtiments anciens sont de types structurels, de mises en œuvre et d’histoires variés et ne peuvent donc être traitées par un code de bonne pratique général. Nous proposons ici une brève revue des principaux confortements afin de mieux comprendre ceux qui pourraient être adaptés dans notre cas. Nous testerons l’influence du confortement sur la vulnérabilité d’une structure du patrimoine étudié en chapitre V.

a Injection de la maçonnerie par coulis de mortier - Objectifs

L’objectif est de remplir les trous de la maçonnerie afin d’augmenter son homogénéité donc sa résistance. On cherche aussi à combler les cavités entre les couches mal connectées du mur donc à limiter les mécanismes d’effeuillage expliqués précédemment. Tomazevic et Apih (1993)

ont mené une campagne expérimentale sur des murs bi-couches, construits avec des pierres irrégulières, des joints fins et de la briques concassée comme remplissage. Ils les a testé sous poids propre et sous sollicitations sismiques avant et après renforcement par injection de ciment, montrant l’efficacité de cette technique. Modena et Bettio (1994) ont testé l’efficacité de différents matériaux d’injections sur des murs bi-couches. Ils ont atteint une augmentation de la résistance en compression de 50%.

- Limites

Le but n’est atteint que si l’on connaît la composition des matériaux du mur afin d’éviter des incompatibilités chimiques et physiques avec le mortier, fréquentes quand la couche interne est faite de matériaux de récupération. La distribution des fissures, la taille et le pourcentage des vides sont aussi importants pour définir la compacité. En effet un pourcentage de vides inférieur à 4% rend toute injection inutile. D’autre part l’injection modifie la porosité du mur ce qui peut avoir des répercussions négatives sur le comportement thermique du mur et son humidité.

b Chemisage des murs et des colonnes

a) b) c)

Fig. I.30 Chemisage de murs a) essais sur une école de la vallée de Katmandou avec des treillis en polypropylène (Shrestha et al., 2012) ; b) Manque de connecteurs entre les couches, (Penazzi et al., 2001) ; c) Corrosion du treillis soudé. (Penazzi et al., 2001).

- Objectifs

Cette technique, de principe simple, est largement employée car elle n’affaiblit pas la structure pendant les travaux. Elle vise à améliorer la connexion entre les différentes parties du mur et à augmenter la résistance en traction/ compression du mur et sa ductilité. On l’utilise aussi pour optimiser la liaison entre des murs orthogonaux ou fermer de larges fissures. L’utilisation de cette technique pour le confortement des écoles népalaises débuté en 2012 (Cf fig I.30a), a conduit à la réalisation de tests pour moduler l’épaisseur des grillages et utiliser des treillis en bandes de polypropylène, moins coûteux et plus rapide à mettre en œuvre (Shrestha et al., 2012).

- Limites

La difficulté d’assurer une connexion homogène des deux faces et la nature trop hétérogène de certains murs rendent l’exécution délicate sur site. Cela conduit à des erreurs de mise en œuvre et des dommages irréversibles (Cf fig I.30). En cas de recouvrement insuffisant entre les différentes plaques de grillage, la continuité donc l’efficacité sont nulles. D’autre part les connecteurs transversaux sont souvent trop espacés, trop courts voire absents, ce qui provoque un délaminage des couches : grillages, couches renforcées, partie extérieure, remplissage. De plus, un grillage trop épais ou une couche de mortier trop fine provoquent la corrosion du métal et une dégradation irréversible du mur. Si les zones réparées donc plus raides ne sont pas réparties uniformément dans la structure, on provoque des contraintes générales de torsion. Enfin, elle est peu compatible avec les chartes qui recommandent la lisibilité et la réversibilité des interventions.

c Substitution partielle ou totale des charpentes et/ou des planchers

a) b)

Fig. I.31 Poutres périphériques en béton. a) Chaînage neuf dans les combles : irréversibilité et modification du schéma structurel, ND de l’Assomption, Cordon. b) Effondrement d’un mur à cause du chargement excentré de la poutre de chaînage, (Penazzi et al., 2001).

- Objectifs

On cherche à amener la structure à travailler comme une boîte rigide, résistant aux charges horizontales du séisme. C’est pourquoi quand on remplace les planchers et/ou les charpentes en bois, on insère généralement des poutres périphériques en béton. Elles jouent un rôle de lien entre les différents murs à chaque étage et sont positionnées idéalement en saignée dans les murs.

- Limites

Le système ne fonctionne pleinement que pour le toit (Cf fig I.31a), puisqu’aux étages les poutres ne peuvent au mieux être insérées qu’à moitié dans les murs. Il est donc très difficile de réaliser une connexion efficace avec l’existant que l’on doit entailler, notamment s’il est de construction rustique, avec des murs multi-couches. Ceci conduit à des dommages parfois irréversibles (Cf fig I.31), notamment un effondrement des structure horizontales si les connections murs/planchers sont trop mauvaises. De même lorsque le déversement "naturel" des murs porteurs est amplifié par le chargement excentrique des éléments de substitution en béton, les murs porteurs s’effondrent. De plus, on peut voir en figure I.31a que cette technique est peu compatible avec les chartes internationales car peu réversible.

d Tirants métalliques - Objectifs

L’insertion de tirants ou chaînes dans la structure est souvent un élément positif dans son comportement (Cf section I.2.2). Ces renforcements peuvent traverser tout le bâtiment au niveau des planchers ou de la charpente, ou relier ponctuellement deux éléments. Ils assurent une meilleure connexion entre les éléments structurels verticaux et horizontaux et exercent une force de précontrainte sur la maçonnerie pour éviter qu’elle ne subisse des efforts de traction.

- Inconvénient

Cette solution est efficace. Toutefois le tirant traditionnel ne possède le plus souvent de plasti-cité notable, vu son dimensionnement, qu’à des niveaux de contraintes dépassant les capaplasti-cités d’une maçonnerie courante. Une structure ainsi modifiée devient très raide, ce qui amplifie si-gnificativement les contraintes dues aux accélérations du sol, de façon critique pour les éléments structuraux comme les clochetons des chapelles étudiées ici. Ce problème est encore plus cri-tique au niveau des ancrages car les efforts sont reportés à l’interface entre la clé du tirant et la maçonnerie. La connexion elle-même peut donc être détruite par "effet coup de poing", particu-lièrement quand la maçonnerie est de mauvaise qualité ou endommagée et ne possède pas une

a) b) c)

Fig. I.32 Tirant métallique et clé d’ancrage. a) Tirant d’origine, Saint Donat, Passy. Les clés indiquent, avec celles du tirant transversal, l’année de construction : 1760. b) Tirant de conforte-ment inséré plusieurs siècles après la construction : détérioration et décohésion de la maçonnerie. c) Tirant détendu, combles de Saint-Gervais Saint-Protais, Saint-Gervais-les-Bains.

résistance suffisante. Enfin, les tirants ne restent pas tendus de façon adéquate. Il subsiste un déplacement résiduel permanent après retrait des contraintes appliquées. On a pu aussi observer qu’ils étaient souvent totalement détendus, ce qui limite leur action (Cf Fig I.32c).

Notons que des techniques innovantes de confortement sont étudiées depuis une quinzaine d’années pour répondre aux exigences propres aux MH. Dans le cadre du projet ISTECH (Inno-vative Stability for the European Cultural Heritage), des tests de caractérisation matérielle ont été entrepris ainsi que des tests à grande échelle pour contrôler leur efficacité (Castellano et al., 1998; Indirli et al., 2001). Des tirants en alliages à mémoire de forme (AMF) dissipant de l’éner-gie et n’apportant de la rigidité que progressivement ou des isolateurs adaptés ont été testés ces 10 dernières années sur le terrain, après de nombreux essais en laboratoire. Par exemple, dans la Basilique Saint-François d’Assise, Croci (2000) a proposé de renforcer et suspendre les voûtes. Des tirants en AMF ont été utilisés sur les frontons et des transmetteurs de chocs sismiques sur le pourtour de la nef* (Croci, 2010). Indirli (2000) exposent des solutions pour la reconstruction du village de Mevale di Visso en Italie, dont des systèmes d’isolation sismique.

I.3 Outils d’analyse pour le diagnostic structurel d’édifices maçonnés

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