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Recensement et classement typologique du patrimoine baroque des Hautes

II.1 Contexte géographique, historique et sismique de l’aire étudiée - -émergence du baroque savoyard

II.1.2 Spécificités de la zone retenue pour l’étude

a Définition des limites géographiques

Pour un travail de trois ans, le territoire présenté ci-dessus et étudié par Oursel (1975) semblait peu réaliste. Nous avons donc choisi de nous concentrer sur la partie est de la Savoie, les verrous et la Combe de Savoie constituant une démarcation entre l’Est montagneux mais ouvert et l’Ouest. De cette façon, nous pouvons prétendre à une plus grande homogénéité architecturale, ec que confirme le relevé exposé en section II.2.1. La Combe de Savoie constitue donc notre limite occidentale. Son versant Ouest ou Nordest moins raide, plus ensoleillé et beaucoup plus construit. Les églises y sont presque invariablement construites en terrain plat, de dimensions plus importantes : Marthod, Allondaz, Gilly. De plus, elles réutilisent souvent des éléments d’églises plus anciennes, de construction plus noble que les autres églises du panel, comme l’église de Gilly avec sa tour clocher et son chœur gothique (Cf fig II.2). D’autre part cette zone est actuellement assez pauvre, ce qui a visiblement conduit à des "rénovations" radicales au XXe siècle - béton, enduit ciment, restauration à l’eau de javel des peintures et statuaires - qui ont amoindri l’intérêt patrimonial des édifices. Enfin, cette zone a toujours été très habitée. Les édifices y ont donc été beaucoup plus adaptés au fil des siècles, brouillant la lecture patrimoniale. Au Nordnous avons poussé la limite jusqu’à la vallée de Chamonix sans respecter les limites départementales pour inclure tout le Val d’Arly, la combe de Passy et la vallée de Chamonix, ce qui nous permet de tenir compte des nombreuses relations entre le Beaufortain et de Val Montjoie. On couvre ainsi tous les territoires où s’est développé le baroque savoyard, à l’exception de la vallée du Giffre plus septentrionale dans le Chablais et des villes de la frange Ouest (Chambéry, Annecy) présentant un baroque citadin particulier.

a) b)

Fig. II.2 Église Saint de Gilly-sur-Isère. a) Clocher-chœur du XIIe. La partie haute du clocher, au dessus du cordon, a été modifiée deux fois depuis 1950. b) Chœur gothique

b Description des subdivisions géographiques

Le site d’étude est constitué de 5 zones distinctes, (Cf fig II.3), partie la plus massive et la plus élevée des Alpes de Savoie, qui culmine à la Grande Casse en Vanoise à 3855m d’altitude.

Beaufortain C’est le bassin versant du Doron de Beaufort et de ses affluents. Le Doron coule d’est en ouest, ouvre sur une plaine alluviale en aval de Beaufort et creuse des gorges étroites en aval de Queige qui constituent un verrou vers la Combe de Savoie et Ugine (Cf carte II.3). Il s’étage de 450m à Queige à 2888m et constitue une entité homogène, organisée dès le Xe autour de l’exploitation de la forêt et du bétail. Le déplacement estival permanent des troupeaux explique la multitude de chalets d’alpages et de chapelles. Cette exploitation organisée et l’accès limité par les gorges à l’Ouest et les cols inaccessibles en hiver, expliquent le peu de modifications économiques, donc architecturales sur les églises, aux XIXe et XXe siècles.

Maurienne Vallée de l’Arc et de ses affluents, elle s’étage sur 120km de 3642m à la frontière italienne à 300m au niveau de la Combe de Savoie. On distingue :

1. Basse Maurienne. De son débouché à La Chambre, la vallée est densément boisée, avec un fond large, plat et encaissé. Ses parois sont abruptes avec un dénivelé moyen de 2000m entre la base et les sommets proches.

2. Moyenne Maurienne, de La Chambre à Modane. Elle est constituée par un fond de vallée très étroit qui s’ouvre par des défilés sur des bassins reliés à des vallées latérales qui concentrent habitations et activités grâce aux nombreux torrents. En dépit de la longueur considérable, l’altitude varie peu.

3. Haute Maurienne, après la barrière de l’Esseillon. Succession de verrous glaciaires s’ou-vrant sur des cônes de déjections, c’est une zone de passage commercial et guerrier depuis l’antiquité. Le fond de vallée passe de 1200m à Modane, à 1850m à Bonneval-sur-Arc.

Haut Faucigny – Pays du Mont Blanc La partie haute du bassin versant de l’Arve s’étage de 3100m à la frontière avec la Suisse, à 520m au fond du bassin de Passy. Le fond de la vallée est fortement urbanisé depuis longtemps, et industrialisé depuis le XVIIIe. On distingue le bassin de Passy et Sallanche, sur lequel s’ouvrent le Val Montjoie et le Val d’Arly, de la partie en amont de Servoz, où les versants sont raides et ne s’ouvrent sur aucune vallée perpendiculaire.

Fig. II.3 Entités géographiques

Tarentaise Elle est constituée de la haute vallée de l’Isère, de sa source jusqu’aux portes d’Albertville, et de son bassin versant, vallées perpendiculaires affluentes. La vallée principale est une vallée glaciaire, encaissée et très étroite à certains endroits, bordée au Nordpar les massifs du Beaufortain et du Mont-Blanc, et au Sud par la Vanoise et la Lauzière. On distingue :

1. La Basse Tarentaise d’Albertville à Moûtiers, où la vallée est très encaissée, avec un fond de vallée plat passant de 340m à 550m d’altitude.

La vallée est plus ouverte grâce à une succession de bassins où se concentre l’activité. On trouve des coteaux bien exposés au soleil et des vallées d’altitude perpendiculaires comme celle de Nâves ou de Belleville. Elle communique avec la basse Maurienne par des cols. 3. La haute Tarentaise de Bourg Saint Maurice au col de l’Iseran à 2764m, passage vers la

Maurienne. La vallée redevient plus étroite et les verrous glaciers plus nombreux.

Val d’Arly Passage entre le Haut Faucigny et la Combe de Savoie. De Combloux, 900m d’altitude, à Megève 1090m, on monte dans une vallée très ouverte, où les habitations sont nombreuses et anciennes. Puis la vallée de l’Arly se referme progressivement jusqu’à Flumet, éperon rocheux au-dessus de l’Arly. De Flumet à Ugine, 420m d’altitude, les gorges de l’Arly sont très encaissées et les versants abrupts très boisés.

c Entité religieuse et humaine

Jusqu’au XIe siècle, le monachisme se limite aux préalpes alors que deux abbayes d’impor-tance sont implantées à la Novalèse et Saint-Michel de la Cluse, accentuant encore les particu-larités religieuses de l’est de la Savoie. À partir du XIIe siècle, les installations se multiplient, modifiant profondément l’économie préexistante, la répartition des terres et l’art de bâtir (Per-ret, 1953). Les voûtes d’ogives pénètrent dès le début du XIVe siècle dans le massif (Contamines, Abondance). C’est aussi le point de départ d’une ferveur catholique jamais démentie dans les hautes vallées, qui rendra possible l’élaboration du baroque savoyard malgré l’environnement de montagne hostile qui ajoute des difficultés à celles soulignées précédemment.

Les conditions d’existence, de gîte et d’hygiène misérables rendent toute spéculation dispen-dieuse et gratuite inepte. Oursel (1975) décrit le paysan savoyard des XVIIe et XVIIIe siècles comme "parcimonieux jusqu’à l’avarice et comptable du plus infime de ses deniers ; réservé jus-qu’à la défiance et ne consentant à se prêter jus-qu’à des valeurs qu’il ait sûrement éprouvées". Dans l’artisanat local, seules deux exceptions à l’absence quasi totale d’artiste dépassent les frontières de la Savoie. En Haute-Maurienne, l’art populaire se traduit par des générations de familles qui perdurent sur plusieurs siècles comme celle des Clappier à Bessans, ou des Dufour à Saint Jean de Maurienne. D’autre part les tailleurs de pierre et maçons de la vallée de Sixt en Faucigny, à la frontière Nord de notre zone d’étude, sont les auteurs des rares appareillages et des maçonneries soignées de notre zone d’étude et essaiment dans toute la Savoie et au-delà aux XVII et XVIIIe (Dechavassine, 1952). En 1726, on dénombre 88 maçons et 6 tailleurs de pierre à Sixt, contre 4 maçons à Vallorcine. En dehors de ces deux zones, les besoins esthétiques et religieux, même durant la période qui nous préoccupe, sont comblés soit par des dons extérieurs, soit le plus souvent par des constructions locales grossières, ce qui explique, au-delà des variations de style, la permanence de certaines formes imposées à l’origine par les contraintes physiques.

d Conditions d’une entité architecturale vernaculaire homogène

La rudesse des conditions de vie, l’impossibilité du gaspillage, la nécessité de se protéger s’expriment dans une architecture vernaculaire austère à l’extérieur, de construction grossière, dans laquelle les variantes notables concernent essentiellement le décors et le second œuvre. Comme le souligne Castelnuovo (1979), s’il n’existe pas de "race alpine", les problèmes communs aboutissent néanmoins à une uniformisation de la production artistique. Ces traits communs, explicités ci-dessous, justifient les limites de l’étude.

La pente.

Site et églises sont étroitement liés, que ce soit au milieu des bourgs de fond des vallées (Champlaurent), barrant une cluse (ND de Briançon, La Léchère), au milieu de chalets d’alpage

a) b)

Fig. II.4 Des sites très variés a) Sanctuaire Notre-Dame des Vernettes, commune de Pesey-Nancroix, 1808m d’altitude b) Chapelle de hameau : Saint Alexis, Luzier, Sallanche.

(Saint-Nicolas-la-Chapelle) ou dans des lieux inaccessibles (ND de Tierce à Bessans, ND des Vernettes, Fig. II.4a). D’une grande ferveur religieuse, les savoyards ont résisté aux tolérances liturgiques acceptées dans les plaines et respecté jusqu’à la fin du XVIIIe l’orientation tradi-tionnelle, chevet exposé à l’est, même s’il correspond plus au levant, en fonction de la pente du versant et de l’orientation de la vallée. La règle ne vaut pas pour les chapelles car elles ont été construites sur des surfaces exiguës bien après la construction des maisons environnantes (Cf Fig. II.4b). La pente complique tout chantier, pour trouver un espace plat assez grand, y bâtir des fondations correctes, comme pour le transport onéreux et périlleux des matériaux.

Les matériaux limités.

À la difficulté du transport imposant d’utiliser des matériaux locaux et d’en tirer le parti maximum, il faut ajouter que les matériaux locaux ne sont guère abondants et de grande qualité. Les Alpes de Savoie ne disposent pas de grands gisements de pierres nobles, marbres ou granits, comme les versants italiens. Dans les régions boisées comme le Beaufortain ou le Val d’Arly, les maisons ne sont que partiellement en pierre, tout le reste étant en bois pour exploiter un matériau courant, y compris les toitures recouvertes de tuiles en sapin appelées tavaillons. Quel que soit le matériau, les murs sont considérablement épais. Il est courant que toute la base du mur, voire le mur dans son ensemble, serve de contrefort.

Pierres.

Le tuf est une pierre poreuse qui devient plus solide après sa sortie de carrière, de couleur variant du gris au jaune soutenu. Mais le savoir faire de sa taille s’est perdu depuis l’époque médiévale. Les galets et cailloux des torrents servent pour les blocages et les voûtes. La cargnieule, présente surtout en Hautes Maurienne et Tarentaise, est légère et devient poreuse à l’air, de teinte jaune à rouille. Elle est employée pour les tours de portes et de fenêtres. Les calcaires schisteux, schistes lustrés ou marneux se délitent en pierres plates et composent entièrement les maisons de Hautes Maurienne et Tarentaise. Les toiture sont faites de lauzes, grandes pierres plates empilées en se chevauchant ; les murs de pierres plates posées alternativement en retrait et en saillie. On trouve quelques roches métamorphiques et granits.

Bois.

Les communes les plus élevées se situent au dessus de l’étage montagnard avec ses hêtres et ses épicéas, voire de la zone de transition où l’on trouve pins et mélèzes. Dans les églises, le

a) b)

Fig. II.5 Matériaux de construction : a) chapelle Saint-Antoine et église Saint-Jean Baptiste, Bessans : silhouette basse, murs en pierres plates et toit en lauzes. b) église Saint-Jacques d’Assyrie, Hauteluce : Portail en cargneule et micaschiste issus des alpages au-dessus du village (MonuMAT, 2015).

bois est utilisé en charpente et pour les décors intérieurs, notamment les sculptures, la poutre de gloire et les retables.

Matériaux de couvertures

Ils soulignent plus encore l’économie de la construction : en haute Tarentaise ou Maurienne, les édifices sont couverts en lauzes, le bois étant rare et précieux. Dans les basses vallées, les ardoises ont toujours été exploitées, notamment celles de Cevins, La Bathie, Beaufort réputées au XVIIIe et couvraient les églises. Pour les chapelles, des tavaillons étaient utilisés car moins onéreux.

La neige.

Elle réduit l’horizon au voisinage le plus immédiat de novembre à avril, et peut tomber dès la fin de l’été. La couche sur les toitures, dépassant parfois un mètre, sert d’isolation contre le froid. Mais elle pèse aussi très lourd sur les charpentes, qui doivent être adaptées à cette charge supplémentaire et semblent sur-dimensionnées l’été. De plus des congères sapent les murs, notamment Sud et ouest. C’est pourquoi la plupart des églises et chapelles s’ouvrent au Nord, direction la moins vulnérable aux neiges bien que particulièrement froide en cas de bise. Les pluies sont abondantes, notamment dans le Nord, et les orages violents fréquents. La maçonnerie de mauvaise qualité, résiste mal comme le prouvent les nombreux récits d’effondrements (Desse et al., 2002; Viallet, 1993).

Un printemps très court.

Le temps manque pour effectuer toutes les réparations dues à l’hiver, avant le court été pendant lequel les troupeaux ne permettront plus de s’occuper du bâti. De plus, la fonte des neiges rend peu durables les réparations faites à la va-vite dans une atmosphère trempée.

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