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Validation de la stratégie de modélisa- modélisa-tion par mesures in-situ

IV.1 Analyse vibratoire in-situ sous bruit ambiant : état de l’art

IV.1.3 Méthodes d’extraction des données : Analyse Modale Expérimentale

a Informations disponibles grâce aux mesures

Afin de déterminer les paramètres modaux d’une structure à partir des enregistrements des vibrations in-situ, les méthodes d’analyse des signaux sont extrêmement nombreuses. On peut étudier les modes dans le domaine fréquentiel, on verra alors une série de pics aux fréquences de résonance avec une largeur reliée à l’amortissement, ou dans le domaine temporel où le signal sera la somme de sinusoïdes amorties. La première représentation est la plus couramment utilisée.

De plus les enregistrements sont traités de manières différentes si la sollicitation est transitoire comme un séisme ou un choc, ou de plus longue durée, c’est-à-dire stationnaire comme pour les vibrations ambiantes ou forcées. Le but n’est pas ici de fournir un état des lieux exhaustif et une étude comparative des différentes méthodes. Nous présenterons donc brièvement la méthode de décomposition en valeurs singulière des matrices de densité spectrale pour les sollicitations permanentes, et son extension que nous avons utilisée pour le post-traitement des mesures.

Les mesures permettent de définir les fréquences propres, même avec un seul capteur, et les déformées associées en utilisant un nombre de capteurs suffisant : au moins 3 pour le premier mode, le nombre de mode exploitable dépendant du nombre de capteurs utilisés. Plus l’ordre du mode est élevé plus les inflexions sont nombreuses et plus les capteurs doivent être nombreux pour les distinguer. De toute façon, on aura accès aux modes prépondérants de la base, ceux qui ont un intérêt pour le génie parasismique. En effet d’une part les sollicitations auxquelles sont soumises les structures ne mettent pas en action tous les modes avec la même amplitude, d’autre part, les coefficients de participation décroissent avec l’ordre des modes et sont donc faibles pour les modes d’ordre supérieur. En pratique, seuls quelques modes sont susceptibles de jouer un rôle dans la réponse de la structure et seront identifiables grâce aux mesures in-situ. Cela est d’autant plus vrai que l’édifice est simple et élancé. Dans le cas des édifices anciens plus complexes souvent peu symétriques (Cf section III.4), la plupart des modes sont des modes mixtes en X et en Y ou de torsion, hormis les deux premiers souvent identifiables dans les directions longitudinale et transversale. De plus il faut prendre en compte plus d’un ou deux modes par direction pour avoir un pourcentage total de masse modale excitée qui soit satisfaisant.

b Analyse "sortie seulement" : méthode de décomposition en valeurs singulière des matrices de densité spectrale (FDD)

Pour l’analyse de signaux de longue durée, qui décrivent un mouvement stationnaire comme les vibrations ambiantes, on utilise des techniques dites "sortie seulement". La sollicitation en entrée est assimilée à un bruit blanc, signal stationnaire (Cf section IV.1.2). Cette méthode est dite "de sortie seulement" car on n’utilise pas le signal d’entrée pour calculer la fonction de transfert H(Ê), filtre qui permet de reproduire le signal de sortie à partir du signal d’entrée. On fait l’hypothèse que la moyenne de la réponse mesurée de la structure sur un temps suffisamment long sera directement sa propre fonction de transfert. Cette hypothèse est valide d’une part car l’amortissement des structures traitées en génie civil est faible. D’autre part le signal enregistré est fortement prépondérant sur le bruit si les mesures sont correctes. Les enregistrements incluent les contributions modales du signal ambiant, du système étudié et des signaux bruités issus de sources parasites, mais on suppose que les pics dans la signature en fréquence ne viennent que de la structure. Ceci est possible si l’on vérifie que les sollicitations ambiantes sont effectivement un bruit blanc, sans fréquence dominante (Cf IV.1.2).

Les analyses "entrée/sortie" nécessitent des forces d’excitation qui doivent être contrôlées et présenter des caractéristiques dynamiques appropriées. Ceci constitue souvent un problème important, notamment pour les grandes structures et les structures protégées comme les

mo-numents historiques. Les analyses en "sortie seulement" sont donc très intéressantes. Parmi les méthodes disponibles, la méthode de décomposition en valeurs singulière des matrices de den-sité spectrale ou Frequency Domain Decomposition (FDD) se distingue par son efficacité et sa relative simplicité. Elle donne de très bons résultats pour les structures de génie civil (Brincker et al., 2001b). Non paramétrique, elle ne nécessite pas d’informations a priori, telle qu’une cor-respondance entre le premier pic en fréquence et le mode fondamental de flexion par exemple, pour interpréter les résultats issus du traitement de données.

La méthode FDD considère que les fréquences de résonance sont bien espacées en fréquence et que la contribution des modes proches de cette fréquence est nulle. La matrice des DSP (Densité Spectrale de Puissance) croisées entre tous les enregistrements simultanés, relation entre toutes les entrées, inconnues, u(t), et les réponses mesurées y(t), est définie comme :

Syy(jÊ) = ¯H(jÊ)Suu(jÊ)H(jÊ)T (IV.1.10)

avec Suu(jÊ) la matrice de DSP des signaux d’entrée, de rang (r x r) avec r le nombre d’entrées, Syy(jÊ) la matrice DSP des réponses, de rang (m x m) avec m le nombre d’enregistrements. L’hypothèse de bruit blanc implique que la matrice spectrale des signaux d’entrée est diagonale. H(jÊ)T et ¯H(jÊ) sont respectivement la transposée et le conjugué complexe de la FRF (Fre-quency Response Function) H(jÊ), de rang (m x r). La matrice DSP de sortie ˆSyy(jÊ) est connue à des fréquences discrètes Ê = Êi. Il est donc possible de la décomposer en degrés de liberté indépendants grâce à la décomposition en valeurs singulières (Singular Value Decomposition SVD) de la matrice :

[ ˆSyy](jÊi) = [Ui][Si][Ui]T (IV.1.11)

avec [Ui] = [ui1,ui2,...uim] la matrice des vecteurs singuliers (changement de base) et [Si] la matrice diagonale des valeurs singulières. Les matrices de DSP sont carrées : si n canaux sont enregistrés simultanément, la taille de ces matrices sera donc de nxn à chaque fréquence. Mais elles ne sont pas diagonalisables car seul un nombre p de modes a de l’énergie à une fréquence donnée. Le rang de la matrice est donc p, les autres valeurs "propres" étant proches de 0 (bruit). En supposant un faible amortissement, des modes propres orthogonaux et un bruit blanc en entrée, cette décomposition permet de déterminer les fréquences de résonance et d’estimer les vecteurs des déformées sans biais, même si les modes sont proches.

Ainsi, à proximité d’une pulsation propre Êk :

- le module de la première valeur singulière présente un pic pour une valeur f correspondant à une fréquence de résonance fk.

- Si un seul mode domine à cette pulsation, le premier vecteur singulier est proportionnel à la déformée de ce mode. Si deux modes sont proches en fréquence de cette valeur, les deux premiers vecteurs singuliers sont des estimations des déformées modales correspondantes à ces modes. Dans ce cas, l’estimation reste non biaisée, contrairement à la méthode du pointé de pic. En outre, le nombre de valeurs singulières non-nulles, c’est-à-dire le rang p de la matrice des DSP, correspond au nombre de modes ayant de l’énergie à chaque fréquence. Dans la pratique, les bâtiments modernes ont souvent une rigidité comparable dans leurs directions principales, si bien que les premiers modes de flexion, parfois couplés à de la torsion, sont très proches l’un de l’autre. Mais nous verrons que ce n’est pas toujours le cas pour le corps principal des églises. - l’amortissement est historiquement calculé par la méthode de la largeur de bande de la demi-puissance maximale utilisant les fréquences proches, Ê1 et Ê2, à 3dB de l’amplitude maximale : i = (Ê2≠ Ê1)/2Êi. Mais Dunand (2005) utilise une méthode plus performante. On considère qu’à chaque instant, la réponse d’un oscillateur est la somme de sa réponse impulsionnelle et de sa réponse à une sollicitation aléatoire. Or en sommant de nombreuses fenêtres de temps avec

Fig. IV.5 Tour ARPEJ II, Grenoble. Entre 0.5 et 5 Hz, le rang de la matrice est 2, seuls 2 modes ont de l’énergie. Le critère MAC est utilisé pour séparer les deux cloches, correspondant respectivement aux premiers modes transversal et longitudinal. (d’après Michel (2007))

la même condition initiale, par exemple une vitesse nulle et un déplacement positif, la partie aléatoire s’annule car son espérance mathématique est nulle. On peut donc en déduire la réponse impulsionnelle puis son amortissement visqueux équivalent par décrément logarithmique.

Pour des enregistrements de 15 minutes à 200Hz, Michel (2007) préconise l’utilisation de fenêtres de 8192 points ou 20s, multipliées par une fonction de fenêtrage et recouvertes de moitié. Il s’agit d’une puissance de 2 pour pouvoir optimiser la durée des calcul en utilisant des Transformées de Fourier Rapides. Notons que pour augmenter la résolution en fréquence, il est possible d’utiliser des enregistrements en temps beaucoup plus longs.

c Analyse "sortie seulement" : principe de la FDD améliorée (EFDD)

Nous avons utilisé une amélioration de la méthode FDD, appelée Enhanced Frequency Do-main Decomposition (EFDD) (Brincker et al., 2001a). Elle permet de mieux séparer les modes et de calculer leur amortissement en utilisant la transformée de fourier rapide inverse de chaque fonction de densité spectrale et le Modal Assurance Criterion (MAC), qui permet de comparer la similarité de 2 déformées comme nous l’avons montré en section en IV.1.1.b. Pour isoler un mode par EFDD, on compare la déformée à la fréquence du pic sélectionné aux déformées des fréquences voisines, y compris les deuxièmes vecteurs singuliers. Puis on sélectionne ceux qui appartiennent à la « cloche » du mode. Pour cela on retient ceux dont le MAC est supérieur à un seuil donné, le plus souvent 0,8 indiquant une bonne corrélation. Cette cloche est la Fonction de Transfert de l’oscillateur à un degré de liberté représentant le mode étudié. Une transformée de Fourier inverse conduit donc à la réponse impulsionnelle de ce mode. La technique du dé-crément logarithmique permet alors d’estimer le coefficient d’amortissement, et une régression linéaire sur le nombre de passages à 0 donne une évaluation plus précise de la fréquence. La détermination des modes structuraux à partir des pics du spectre doit considérer la largeur de la cloche déterminée, la valeur de l’amortissement et la déformée modale.

La figure IV.5 montre que la visualisation des "cloches" est un outil très utile pour savoir sur quelle plage de fréquence un mode a de l’énergie. En effet tous les pics ne correspondent pas à des modes structuraux distincts. Une sollicitation externe à une fréquence particulière, par exemple, sollicite le bâtiment et le fait "fonctionner" sans amortissement, selon le mode qui a le plus d’énergie à cette fréquence. On pourra donc trouver deux pics : un pic à la fréquence de cette sollicitation et un pic à la véritable fréquence propre de ce mode.

IV.2 Méthodes de calage et de validation des modèles numériques

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