• Aucun résultat trouvé

I.3 Outils d’analyse pour le diagnostic structurel d’édifices maçonnés L’étude des MH en maçonnerie sous séisme est donc confrontée à de nombreuses incertitudes

I.3.1 Analyse cinématique de la stabilité des macro-éléments

a Principes de la méthode

L’analyse cinématique de la stabilité s’appuie sur les principes de l’analyse limite développée pour des éléments en maçonnerie simples par Heyman (1966, 1969). Le passage à des structures plus complexes a été fait grâce à l’observation des dommages des séismes du Frioul et d’Irpinia. L’analyse limite permet une description pertinente des mécanismes de ruine et des capacités por-tantes de structures simples grâce à deux théorèmes (Orduna, 2003). Le premier, théorème de la limite basse ou statique, permet de définir le chargement statique maximum d’une structure. L’analyse cinématique décrit ensuite la structure comme un assemblage cinématique d’éléments rigides, les macro-éléments décrits en section I.2.2. Leur configuration géométrique repose sur un seul degré de liberté, l’angle de rotation ◊ du bloc. Toutes les charnières sont définies par l’opérateur, comme illustré en I.33 pour un pan de maçonnerie endommagé en cisaillement. Cette analyse permet de déterminer le chargement critique déclenchant la rotation et la ruine. Le théorème de la limite supérieure indique que le plus grand des coefficients de chargement statique est égal au plus petit des coefficients de chargement cinématiques et correspond au co-efficient de sécurité de la structure. L’analyse cinématique repose donc sur les mêmes hypothèses simplificatrices pour la maçonnerie ancienne que l’analyse statique :

– résistance nulle en traction comme en cisaillement

– résistance infinie en compression, ce qui permet de faire l’hypothèse de blocs non déformés – rupture impossible par glissement entre les blocs

– rupture sous petit déplacement

Les paramètres matériau nécessaires sont donc en nombre limité, ce qui est adapté au contexte des MH où toute information est coûteuse à obtenir (Orduna et Lourenco, 2001).

Le but est de déterminer l’accélération sismique à partir de laquelle le mécanisme considéré se déclenchera. Pour cela on souhaite déterminer, en fonction de l’angle de la rotation virtuelle ◊ et de la géométrie du mécanisme, les différentes forces qui s’y exercent. L’analyse est basée sur

a) b)

Fig. I.33 Analyse cinématique (Giuffrè et Carocci, 1993). a) Fissuration en cisaillement des trumeaux sous sollicitations sismiques. b) Mécanisme cinématique correspondant.

les relations d’équilibre entre les composants, c’est à dire sur le principe des travaux virtuels : le système est stable tant que les forces stabilisatrices équilibrent le mouvement virtuel de rotation. Ceci permet de déterminer le coefficient multiplicateur –0, explicitant la relation d’équilibre entre les forces qui activent le mécanisme et celle qui l’empêchent. Ce coefficient est ensuite converti en accélération que l’on compare à celle du site.

b Exemple du calcul de l’équilibre d’un mécanisme simple

a) b) c) d)

Fig. I.34 Analyse cinématique d’un élément simple. a) Mur étudié. b) Schéma du mécanisme et déplacements correspondants. c) Forces résultantes. d) Zoom sur le point C.

Pour clarifier les principes de l’analyse cinématique et le calcul du coefficient –0, prenons le pan de mur illustré en figure I.34a, sollicité par son poids propre W appliqué à son centre de gravité G, par le poids PS d’un plancher posé à son sommet appliqué au point E et par la force Fhtransmise par une voûte poussant sur ce mur appliquée au point C. En supposant la rotation ◊ autour du point A, on peut écrire les déplacements virtuels des points où sont appliqués les forces (I.34b). Le point C va se déplacer comme illustré sur le zoom de la figure I.34d. Si le déplacement dû à la rotation est assez petit, on peut approximer le déplacement par la tangente à la trajectoire elle-même. Il est alors défini par le vecteur |CCÕ

| orthogonal au vecteur AC initial, et son module s’écrit |CCÕ

| = AC tan ◊ ≥= AC◊. Les composantes du déplacement valent donc : SC = A uc vc B = A ≠AC◊sin– AC◊cos– B = A ≠yC xC B (I.3.1)

Pour les points G, C et E, on peut donc écrire :

SG= A ≠h/2 s/2 B ◊; SC = A ≠h s B ◊; SE = A ≠h d B (I.3.2)

ce qui signifie, pour chaque force :

W ; ”x,1= ≠uG = (h/2)◊; ”y,1= vG= (s/2)◊ Ps; ”x,2= ≠uE = h◊; y,2= vE = d◊ Fh; h = uC = ≠h◊;

L’équation des travaux virtuels permet de décrire le système comme suit (Cf I.34c) :

0(W ”x,1+ Psx,2) ≠ (W ”y,1+ Psy,2) + Fhh = 0 (I.3.4) avec –0W et –0Ps les forces déstabilisatrices induites par le séisme, et W , Ps et Fh le charges statiques. Notons que ce raisonnement est uniquement en statique, ”Wint = ”Wext ∆ –0Fext, avec l’hypothèse ici que ”Wint= 0. En utilisant les valeurs de l’équation I.3.3, on a :

0[W (h/2)◊ + Psh◊] ≠ [W (s/2)◊ + Psd◊] + Fhh◊ = 0 (I.3.5) On peut noter que le coefficient multiplicateur –0 ne dépend pas de ◊, ce qui permet d’écrire la relation d’équilibre interne autour de A suivante :

0= [W (s/2) + Psd] ≠ Fhh

[W (h/2) + Psh] (I.3.6)

c Méthode générale d’évaluation de la stabilité

Les églises sont donc divisées en macro-éléments associés aux 28 mécanismes de rupture répertoriés. Ils présentent des comportements identifiables et sont susceptibles de se dissocier sous séisme. Ils peuvent donc être étudiés comme le pan de mur ci-dessus. Les étapes de la démarche d’évaluations sont les suivantes (LLPP, 2009) :

1) Définir les macro-éléments et les mécanismes de ruine associés.

2) Procéder à l’analyse cinématique de tous les mécanismes, c’est à dire calculer leur –0. Sont pris en compte le poids propre des blocs appliqué à leur barycentre, les charges verticales des étages et de la toiture, un système de forces horizontales correspondant aux charges verticales qui ne sont pas transmises efficacement aux autres parties de l’édifice comme la poussée des voûtes et des forces externes comme celles des tirants. Notons que –0, pour un même type de mécanisme, dépendra de l’altitude de la charnière considérée.

3) Évaluer le déplacement limite et la masse participante eú pour chaque mécanisme. 4) Procéder à la vérification linéaire de chaque mécanisme. Pour cela on calcule l’accélération spectrale d’activation de chaque mécanisme, dépendante comme –0de l’altitude de la charnière, définie comme suit :

ú0= 0g

eúF C = accélération

masse participante (I.3.7)

Le "coefficient de confiance" FC permet de quantifier le niveau de connaissance de la structure atteint. Il prend en compte le détail des relevés géométrique et de fissures, le nombre et le type de tests sur les matériaux, la connaissance de leurs propriétés mécaniques et la connaissance du sol et des fondations. Si cette accélération spectrale d’activation est supérieure à l’accélération maximale du sol (PGA) de référence, le mécanisme est considéré comme impossible et peut être écarté. Dans le cas contraire, il faut prendre en compte les déplacements et :

5) Procéder à l’évaluation non linéaire grâce à la courbe de capacité du mécanisme. Cette analyse étudie les configurations successives du macro-élément au cours de son déplacement afin d’évaluer sa capacité à rester en place malgré son activation. La courbe de capacité obtenue est exprimée par la variation du multiplicateur – en fonction du déplacement dk d’un point de référence. La courbe démarre du déplacement nul où la structure supporte l’accélération maximale jusqu’au déplacement ultime dk,0 où elle n’en supporte plus aucune. Le déplacement spectral ultime duú est comparé aux deux déplacements réglementaires de vérification qui dé-pendent du type d’édifice, de son coefficient de comportement et de sa première période propre. Le mécanisme est possible si duú est supérieur au maximum des deux.

L’accélération aSLU associée au mécanisme le plus probable permet de définir un indice de sécurité Is comme suit :

IS= aSLU

ISag (I.3.8)

avec S un facteur prenant en compte la qualité du terrain d’implantation et d’éventuel effets morphologiques, “I le coefficient d’importance du bâtiment et ag l’accélération de référence du site. Si IS < 1, la structure est vulnérable et des analyses plus poussée sont donc nécessaires.

Cette méthode offre des informations pertinentes, validées par l’expérience, comme le montrent les exemples applicatifs de (LLPP, 2009). Elle permet d’avoir une vue détaillée des mécanismes de ruine d’une structure même complexe. Cet indice est très intéressant face à un ensemble de bâtiment très nombreux pour établir des priorités d’intervention.

Notons cependant que le raisonnement n’est basé que sur l’accélération, déduite des forces déstabilisatrices. La fréquence propre de la portion de structure considérée n’intervient que par une formule simplifiée lors de l’évaluation non linéaire. L’amortissement n’est pas du tout consi-déré. De plus cette méthode nécessite un découpage a priori du bâtiment et n’offre donc que des informations limitées sur le comportement global de la structure, notamment en cas d’interaction entre macro-éléments. De plus elle repose presque entièrement sur une approche empirique tant dans sa mise en œuvre, qui suppose un opérateur expérimenté susceptible de définir les macro-éléments et leurs lignes de rupture à l’avance, que dans la définition des multiples coefficients qui font appel à une très vaste base de données. Par exemple, dans le cas du mécanisme hors-plan illustré en figure I.15, c’est l’opérateur qui doit déterminer si une partie du mur orthogonal est entraînée par le mécanisme et sur quelle longueur. Il en va de même pour l’étude de la ruine par cisaillement. D’autre part, les hypothèses de départ considèrent des matériaux de résistance nulle en traction et infinie en compression, et supposent des corps rigides monolithiques. Or nous avons souligné que la maçonnerie était un matériau complexe, en particulier dans les murs multi-couches, dont les mécanismes de ruine sont incompatibles avec un comportement mono-lithique. Cette méthode, qui ne considère que la masse volumique de la maçonnerie, ne permet donc pas du tout de prendre en compte sa qualité ou sa morphologie. Enfin, même si le départe-ment consacré aux monudéparte-ments anciens de l’université de Padoue a mis en place un système de feuilles de calcul, cette méthode reste très longue à mettre en œuvre puisqu’il faut tester tous les mécanismes possibles pour tous les macro-éléments relevés et difficilement automatisable car totalement dépendante de la géométrie d’ouvrages complexes.

Outline

Documents relatifs