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Les numéros qui suivent correspondent aux numéros des pages où les questions sont traitées

Concepts quotidiens Concepts scientifiques

Contexte de formation

Expérience quotidienne de l’enfant (292, 371)

Situation d’enseignement- apprentissage formelle. Ce sont dans ces situations que les élèves

sont confrontés aux savoirs scientifiques historiquement

produits (291)

Mode de formation

Ils sont liés à des opérations de pensée non conscientes, au sens où l’attention n’est pas portée sur ces opérations de pensée, pour

organiser l’expérience quotidienne (317, 364-365)

Ils naissent en collaboration entre le professeur et l’élève. Le prof assure

le déplacement des questions spontanées des élèves vers un

questionnement pertinent par rapport aux domaines scientifiques

étudiés (290, 355-356, 364-365)

Caractéristiques

Ils ont une portée locale, ils sont en relation instable et partielle

entre eux (275, 318)

Difficile de conduire un raisonnement (une inférence

réglée nécessite de pouvoir subsumer un concept sous un

autre concept) (319)

Les concepts scientifiques transposés sont organisés en

système. Ils constituent un ensemble organisé de gestes intellectuels rigoureusement définis

portant sur un contenu spécifique, collectivement élaborés, contrôlés,

mis à l’épreuve… (318)

Comme ils sont organisés en système, ils permettent de conduire des raisonnements40 (318-320, 381-

383, 403)

Trajectoire Les concepts quotidiens se développent (280, 371-373)

Les concepts scientifiques transposés ne sont pas acquis en une seule fois. Ils se développent de façon « souterraine » (280, 293,

348, 371-373)

Ils convient de noter qu’aussi bien les concepts quotidiens que les concepts scientifiques transposés se développent et que, dans ce développement, les

40 « Être sensible à la contradiction, savoir non pas juxtaposer les jugements mais en faire la synthèse

logique, posséder la capacité de déduction, tout cela n’est possible que dans un système déterminé de rapports entre les concepts » (Vygotski, 1937/1998, p. 319-320).

apprentissages scolaires jouent un rôle déterminant ; c’est ce que nous allons essayer d’expliciter. Nous prenons comme exemple une séquence d’enseignement- apprentissage dans une classe de troisième qui sera étudiée ultérieurement (chapitre 4). Dans un premier temps, le professeur procède à une évaluation-diagnostique. Il demande aux élèves d’expliquer comment les aliments peuvent assurer l’approvisionnement des muscles en matière. Les élèves peuvent s’engager dans la production d’une explication à partir de concepts quotidiens mobilisables et de concepts scientifiques préalablement construits. Au cours de la séquence d’enseignement-apprentissage, le concept scientifique de nutrition, transposé pour des élèves de cycle 3, de cinquième ou de troisième, est introduit. Ainsi, les élèves vont pouvoir donner du sens au concept scientifique transposé sur la base des concepts quotidiens réélaborés au cours de la séance, grâce au travail de formulation écrite et de débat scientifique. Plusieurs remarques sur ce premier point.

C’est en raison de cette relation (les concepts quotidiens sont une condition de l’appropriation des concepts scientifiques) que nous pouvons parler d’un premier niveau de continuité entre les concepts scientifiques transposés et les concepts quotidiens.

Au moment où les concepts scientifiques sont introduits par le professeur, il y a cohabitation, dans la tête de l’élève, de deux réseaux qui renvoient au réseau des concepts quotidiens et au réseau des concepts scientifiques. Cette tension, entre les deux types de réseaux (tension qui est au cœur des situations d’enseignement- apprentissage et qui les rend difficiles), ne se traduit pas, pour Vygotski, par une superposition des deux types de réseau. Ainsi, le réseau des concepts scientifiques et celui des concepts quotidiens se développent en se niant dialectiquement41, la rupture correspondant au dépassement / à la négation des concepts quotidiens lors de l’acquisition des concepts scientifiques. Mais à partir du moment où les concepts scientifiques ont été introduits, Vygotski indique que ces derniers, comme les concepts quotidiens, vont subir un développement opposé : « le concept spontané de

l’enfant se développe de bas en haut, des propriétés les plus élémentaires et inférieures aux propriétés supérieures, alors que les concepts scientifiques se développent de haut en bas, des propriétés plus complexes et supérieures aux propriétés plus élémentaires et inférieures » (ibid., p. 371).

Essayons de comprendre ce double mouvement opposé. Lors de l’apprentissage, les concepts scientifiques sont peu opératoires du fait de leur pauvreté en détermination concrète ; ils ont donc besoin de prendre de l’épaisseur, sinon, s’ils ne

41 Lorsque apparaît un niveau de développement supérieur « le précédent ne disparaît pas mais

s’élève en un nouveau, se nie dialectiquement en lui dans lequel il passe et subsiste » (Vygotski, 1931/1997, traduction proposée par L. Sève)

sont jamais utilisés, ils risquent de se fossiliser et de dégénérer (Brossard, 2004, p. 193). C’est en venant se connecter aux concepts quotidiens que les concepts scientifiques vont pouvoir se lester en détermination concrète. C’est pourquoi Vygotski parle de développement du haut vers le bas. En retour, les concepts scientifiques ouvrent la voix au développement des concepts spontanés, en les happant vers le haut. Ceux-ci suivent un développement du bas vers le haut. Les concepts scientifiques qui n’existent qu’au sein d’un système et, en cela, ils correspondent à un niveau de généralisation supérieur à celui des concepts quotidiens. Lorsque les élèves accèdent à ce niveau de généralisation supérieur, celui-ci ne provoque pas la suppression des concepts quotidiens, mais permet aux élèves de les considérer autrement, au sein d’un système plus général, c’est la sursomption : ils sont conservés mais transformés dans la conceptualisation devenue scientifique. Cela permet de voir les concepts quotidiens d’une autre façon, ce qui permet « d’acquérir d’autres possibilités d’action par rapport à eux » (Vygotski, 1934/1997, p. 316-317). Nous avons précédemment indiqué que le concept quotidien est non conscient dans le sens où « l’attention qu’il implique est toujours dirigée sur

l’objet qu’il représente et non sur l’acte même de la pensée qu’il appréhende »

(ibid., p. 317), et le concept scientifique permet de déplacer l’attention de l’objet que le concept représente à l’acte de pensée. Ainsi, « cet acte de conscience, dont l’objet

est l’activité même de la conscience » (ibid., p. 316) correspond, pour Vygotski, à la

prise de conscience. C’est par la prise de conscience que Vygotski lie les apprentissages scolaires au développement, puisque l’appropriation, par l’élève à l’école, des concepts scientifiques provoque une transformation des concepts quotidiens qui se trouvent insérés dans des savoirs plus généraux. Vygotski affirme que « l’apprentissage scolaire peut non seulement suivre le développement, non

seulement marcher du même pas que lui, mais il peut le devancer, le faisant progresser et suscitant en lui de nouvelles formations » (ibid., p. 330-331). La figure

Figure 2-3. Relations dialectiques entre concepts quotidiens et concepts

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