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Type de

pédagogie épistémologique Au niveau psychologique Au niveau Explication problème Savoir –

Formalisme Pédagogie dogmatique Discontinuité entre connaissance commune et connaissance scientifique Pas d’ancrage psychologique dans le vécu Réduite à la justification : expliquer les réponses Le savoir sans problème. Rationalisme Nouvel esprit pédagogique Discontinuité entre connaissance commune et connaissance scientifique Ancrage polémique dans le vécu Recherche et justification : comprendre les problèmes et expliquer les réponses Relation dynamique entre savoir et problème Empirisme Leçon de chose Continuité entre connaissance commune et connaissance scientifique Ancrage positif

dans le vécu Réduite à la justification : expliquer les réponses

Des savoirs sans problème.

Pour s’inscrire dans une pédagogie rationaliste de l’enseignement des sciences de la vie à l’école, il convient donc de déployer le savoir scolaire dans une logique du sens, comme nous l’avons indiqué à la section 5., logique du sens conçue par Deleuze pour « bien distinguer le niveau des problèmes (qui relève du sens) et celui

des solution » (Fabre, 2006, p. 3). Fabre décrit cette logique du sens en trois

arguments principaux :

- « la proposition logique se déploie dans les trois dimensions de la

manifestation63, de la signification64 et de la référence65 », « chaque dimension renvoyant aux autres : c’est le cercle de la proposition » (Fabre, 1999, p. 60) ;

63 Manifestation : rapport du sujet à ses actes

- le sens ne se confond avec aucune de ces trois dimensions, c’est une

quatrième dimension : « une dimension un peu spéciale que l’on ne peut saisir

directement et que l’on doit inférer au contraire à partir du cercle où nous entraînent les autres » (ibid., p. 61) ;

- le sens peut être approché de deux façons différentes : « dans sa neutralité, comme résidu d’une réduction, d’une mise entre parenthèses des dimensions de la proposition, ou au contraire dans sa puissance génératrice, comme ce à partir de quoi la proposition peut se construire » (ibid., p. 62).

Dans le cadre de cette logique du sens, on comprend que le sens du savoir scolaire ne peut pas se réduire à la dimension de la manifestation. Quelle est la fonction de l’explication et du problème dans le savoir scolaire ? Déployons cette question dans les trois dimension du sens en suivant Fabre (1997, p. 50), afin de voir à partir de quoi la proposition peut se construire :

- comment le sujet peut-il s’inscrire dans les tâches scolaires ? (manifestation) ; - quelle est la valeur du savoir scolaire enseigné ? (signification) ;

- quel lien les tâches scolaires ont-elles avec les pratiques sociales de référence ? (référence).

Du point de vue de la manifestation, la recherche d’une explication doit pouvoir s’appuyer sur le vécu de l’élève ou leurs explications spontanées et c’est aussi ce savoir qui va orienter la recherche des élèves66.

Du point de vue de la signification, il faut que les explications construites soient des explications qui valent la peine de l’être, qu’elles aient une signification épistémologique pour la communauté scientifique et qui, en même temps, soient opérantes pour les élèves (Orange, 1994). Cela renvoie à la question du choix des problèmes à traiter en classe en fonction des programmes définis par les instructions officielles. Comme le précise Fabre (1997, p. 50), le problème a pour fonction d’articuler le déclaratif au procédural, ou pour le dire dans les termes de Reboul : le

« savoir que » au « comprendre » (1980).

Au niveau de la référence, nous pensons que c’est l’activité de recherche scientifique, (c’est-à-dire la recherche d’explication, telle que nous l’avons décrite, avec les deux moments de la découverte et de la justification) qui doit constituer « le

paradigme de l’apprentissage » (Fabre, 1993). Notre positionnement

épistémologique ayant mis au cœur de la recherche d’explication la construction des

65 Référence : rapport à un état de chose, à un évènement du monde

66 L’idée de psychanalyse de la connaissance « pense l’apprentissage comme un remaniement à la fois

des représentations et des intérêts » et Fabre indique qu’à quelques rares exceptions (Peterfalvi, 2001) « cette double perspective n’est jamais assumée » (Fabre, 2001, p. 114).

problèmes (expliquer le problème), la problématisation devient le moyen de l’apprentissage.

Il convient, après avoir montré qu’un enseignement des sciences de la vie doit permettre aux élèves de s’engager dans une activité de problématisation, de préciser comment nous allons pouvoir rendre compte de ce processus.

6.4. La problématisation : processus et

produit

Les intentions didactiques qui nous ont amené à mettre en place les situations de classe analysées dans cette recherche proviennent des travaux menés par C. Orange en didactique des SVT (1993, 2002, 2005) et par l’équipe du CREN, sous la direction de Michel Fabre et Christian Orange (Fabre, 1993, 1999 ; Fabre & Orange, 1997). Ces travaux, qui postulent que la problématisation correspond à la construction des raisons en SVT, ont établi que les moments de débats scientifiques en classe permettent aux élèves d’accéder à des savoirs ayant un caractère de nécessité. Ici, il ne s’agit pas de refaire l’historique des travaux menés au CREN, mais de voir quels sont les points saillants qui vont orienter notre travail de recherche.

Dans les différents travaux conduits au sein de notre laboratoire, plusieurs modélisations de l’activité de la problématisation ont été produites, certaines non spécifiques au champ des sciences de la vie et d’autres spécifiques du champ des SVT (Fabre, 1999 ; Orange, 1999, 2000, 2003a ; Orange, Lhoste & Orange- Ravachol, 2009). Parmi ces tentatives de modélisation, certaines tentent de rendre compte du processus, du déroulement, de la problématisation (les macrostructures de débats scientifiques dans Fabre & Orange, 1997 ; Fabre, 1999 ; Orange, 2003a ; Orange, Lhoste & Orange-Ravachol, 2009), d’autres du produit de la problématisation (les « espaces de contraintes » par exemple). Voyons comment nous pouvons rendre compte du processus de recherche d’une explication dans le champ dans les sciences de la vie en mobilisant ces différentes propositions et quelles sont les conséquences que nous allons en tirer d’un double point de vue théorique et méthodologique.

6.4.1. La dynamique de la problématisation :

les deux dédoublements

Dans le cadre de la différence problématologique présentée précédemment, la construction d’une explication, entendue comme un processus de problématisation, nécessite la distinction entre deux dimensions/niveaux : celle de la construction du problème et celle qui va de la position à la résolution du problème. Pour rendre compte de la construction du problème, nous allons solliciter deux auteurs, Bachelard et Dewey67 qui nous donnent des pistes pour penser la dynamique de ce processus68. Ces deux auteurs décrivent, chacun à leur manière, le processus de construction du problème comme un double dédoublement. Examinons ces deux dédoublements avant d’en tirer certaines conséquences pour une didactique de l’explication dans les sciences de la vie.

Le premier dédoublement est décrit par Dewey de la façon suivante : la transformation, par l’enquête, d’une situation indéterminée en une situation unifiée nécessite deux types d’opérations, «l’une a un objet idéel ou conceptuel. Cet objet

représente des moyens et des fins possibles de solution » […] « L’autre est faite d’activités impliquant les techniques et les organes de l’observation » (1967/1993,

p. 183). Bachelard le décrit comme un dédoublement des faits et de la théorie. Deux remarques à propos de ce premier dédoublement :

- c’est à partir d’une situation indéterminée ou situation problématique que s’opère ce premier dédoublement ;

- idées explicatives et faits, théories et faits sont toujours en liens, les faits ne sont pas indépendants de la théorie et réciproquement, « pas de rationalité à

vide, pas d’empirisme décousu » (Bachelard, 1949/1998, p. 3)69. De plus, comme chez Meyer, il n’y a rien de donné ni chez Dewey et ni chez Bachelard. Tout est construit, les faits comme les théories.

Comme nous venons de l’indiquer, les faits et les théories sont construits lors de la construction du problème. Dewey donne des indications sur ces liens puisque

67 Dewey développe une théorie de l’enquête qui correspond à « la transformation contrôlée ou

dirigée, d’une situation indéterminée [ou situation problématique] en une situation qui est si déterminée en ses distinctions et relations constitutives qu’elle convertit les éléments de la situation originelle en un tout unifié » (1967/1993, p. 169). En cela l’enquête scientifique peut bien avoir à voir avec l’explication, puisque « expliquer, c’est relier » (Fageault-Largot, 2002, p. 505).

68 Il convient de souligner que ces deux auteurs définissent une épistémologie de la construction des

problèmes, mais ne sont pas d’accord sur tout, notamment sur la question de la rupture ou de la continuité entre le savoir quotidien et le savoir scientifique. Pour une comparaison précise de ces deux philosophies, voir Fabre, 2005, 2008.

69 Dewey indique que « l’observation des faits et la suggestion des significations ou idées naissent et

l’idée « provoque et dirige de nouvelles observations qui fournissent une nouvelle

matière factuelle » (1967/1993, p. 183-184) et « l’accumulation de ces faits suggèrent des hypothèses : c’est la dialectique des indices et des preuves » (Fabre,

2006, p. 96). « Dans ce cadre, Dewey réinterprète l’induction et la déduction.

L’induction c’est la préparation de l’objet de l’enquête en vue d’en faire un objet type. La déduction concerne la formation des hypothèses et le déroulement de leurs conséquences » (ibid.). La question qui se pose est de savoir comment est contrôlée

l’enquête, qu’est-ce qui norme les relations entre faits et idées ?

La nécessité du contrôle de l’enquête correspond au second dédoublement qui correspond à ce que Bachelard appelle la « surveillance intellectuelle de soi », c’est- à-dire la division de la pensée qui agit et qui se juge elle-même en train d’agir70 (Bachelard, 1949/1998, p. 60). Voilà comment Bachelard décrit ce « dédoublement

psychologique » caractéristique de l’esprit scientifique : « toute pensée scientifique se dédouble en pensée assertorique et pensée apodictique, entre une pensée consciente du fait de penser et pensée consciente de la normativité de penser » (ibid.,

p. 25). Ce second dédoublement fait apparaître d’un côté ce qui relève de l’assertorique, ce qui est ainsi et qui aurait pu être autrement (les faits et les idées et les liens entre ces faits et ces théories) et sur un autre plan, ce qui relève de l’apodictique et qui fonde les idées en nécessité, c’est bien la spécificité de l’approche de Bachelard de considérer que « la science n’a pas d’objet hors de sa

propre activité ; qu’elle est en elle-même, dans sa pratique, productrice de ses propres normes et du critère de son existence » (Lecourt, 2002, p. 10).

Nous représentons ces deux dédoublements sur la figure I-4. Le premier dédoublement se place dans le plan horizontal et correspond au champ de l’assertorique : c’est la pensée consciente de penser (il n’y a pas de pensée dans un syncrétisme fait/idée intégral). Le second dédoublement, qui mobilise la pensée conscience de la normativité de penser dans le plan vertical, peut permettre de fonder le caractère nécessaire de certaines idées.

70 « Connaître ce soutien de l’apodicticité qui encombre la connaissance, c’est vivre une division de

son propre moi, division qu’on peut bien caractériser par les deux mots existence et surexistence. Le sujet promu à cette surexistence de deux sujets voit s’installer en soi la dialectique du sujet contrôlant et du sujet contrôlé. Il installe en son propre esprit, en face de son je, une sorte de tu vigilent » (Bachelard, 1949/1998, p. 60).

Figure I-4. Les deux dédoublements de la problématisation à partir d’une

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