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Nous avons retenu deux objets d’étude différents pour cette recherche : celui de la nutrition et celui de l’évolution afin de pouvoir formuler des conclusions qui aient un certain degré de généralité

Comme l’indique Mayr (1982, p. 111 ; 1998 p. 129), la biologie a fondamentalement pour objectif de répondre à deux types de questions1 : des questions en « comment » et des question en « pourquoi ». Cela lui permet de distinguer deux champs dans les sciences de la vie :

- la biologie qui recherche les causes immédiates : la biologie fonctionnaliste (comment les êtres vivants produisent leur propre matière à partir de ce qu’ils prélèvent dans leur milieu de vie, comment à partir des aliments, les nutriments sont distribués à chaque cellule de l’organisme…) ;

- la biologie qui recherche les causes lointaines : la biologie évolutionniste (comment expliquer l’apparition de certaines espèces, leur disparition, pourquoi les êtres vivants partagent-ils certains caractères communs…).

Qu’il s’agisse de biologie fonctionnaliste ou de biologie historique, « ce sont des

questions auxquelles on répond en donnant une explication » (Popper, 1991/1998,

p. 394). Mais comme nous l’avons déjà précisé (chapitre 1, section 3.1.), ces explications relèvent de types ou de modes d’explication différents, notamment pour ce qui concerne l’intervention de la dimension temporelle qui joue un rôle particulier dans la biologie historique2. Il nous semblait donc intéressant d’étudier la façon dont des élèves de différents niveaux scolaires s’engagent dans une activité de problématisation sur des problèmes de biologie historique et fonctionnaliste, notamment par rapport à l’utilisation qu’ils font du temps dans leurs explications.

1 Popper précise d’ailleurs que « quand nous recherchons la connaissance pure, notre but est, tout

simplement, de répondre à des questions du type “comment”, et du type “pourquoi”. Ce sont des questions auxquelles on répond en donnant une explication. Ainsi tous les problèmes de connaissance pure sont-ils des problèmes d’explication » (1991/1998, p. 394).

2 Voir les travaux de Denise Orange-Ravachol par rapport à la question du temps en géologie

Par rapport à l’objet d’étude relevant de la biologie fonctionnaliste, nous traiterons du thème de la nutrition dans le secondaire. Il s’agit d’un thème classiquement étudié dans le cadre des travaux sur la problématisation en sciences de la vie et d’un classique de la didactique de la biologie. Cela permettra de mettre en évidence la particularité de notre approche, par rapport aux différents travaux publiés par Orange sur cette thématique (1999, 2001, 2003a, 2003b, 2004a, 2005).

Pour ce qui concerne la biologie historique, nous aborderons le thème de l’évolution des espèces et de la construction du concept d’ancêtre commun. Ces deux thèmes ont été moins étudiés du point de vue de la problématisation, à l’exception des travaux d’Orange-Ravachol, qui s’est intéressée à la question l’origine de la vie sur Terre (2003) et à la question des classifications des êtres vivant du point de vue de la problématisation (Orange-Ravachol & Ribaud, 2006). Ce qui nous intéresse dans ce thème, en dehors de l’intérêt d’aborder les questions de l’évolution par rapport au cadre théorique de la problématisation, c’est la façon dont les élèves peuvent mener des raisonnements qui devront nécessairement faire intervenir le temps. Nous pourrons ainsi les comparer aux raisonnements suivis par les élèves confrontés à des questions fonctionnalistes.

2.2. Les niveaux d’étude retenus

La particularité de notre corpus, pour les deux objets d’étude retenus, tient au niveau de scolarité des élèves. Pour l’étude de cas sur la nutrition, alors que l’objet d’étude est un classique de l’équipe de didactique des SVT du CREN, le niveau d’étude est particulier puisqu’il s’agit d’élèves de la classe de 3e. C’est particulier par rapport à la plupart des travaux conduits sur ce sujet (qui concernent des élèves de l’école primaire ou du début du collège : classe de 5e).

Pour les deux études de cas sur l’évolution, mécanismes de l’évolution et concept d’ancêtre commun, nous avons suivi des élèves de première ES et des étudiants qui préparent le concours de recrutement de professeur des écoles et qui ont choisi la majeure Sciences expérimentale et technologie pour la troisième épreuve écrite du concours. La plupart de ces étudiants ont obtenu un baccalauréat scientifique, certains ayant eu un cursus universitaire en biologie.

Dans les trois cas, supports de notre recherche, les élèves et étudiants dont nous allons analyser l’activité de problématisation ont déjà abordé ces questions, au cours de leur parcours à l’école, au lycée ou à l’université3 :

- les élèves de 3e ont traité des questions de nutrition dans la classe de 5e4 où ils ont abordé la question de la digestion, de la respiration et de la circulation sanguine, thèmes abordés après avoir mis en évidence les besoins des organes en nutriments et en dioxygène. Il s’agit également de questions qui sont abordées à l’école primaire ;

- les élèves de première ES ont abordé le thème de l’évolution des êtres vivants en classe de quatrième5 et ont travaillé en classe de seconde la question de la parenté et de la diversité des organismes (à travers la partie 3 du programme de la classe de seconde : « Cellule, ADN et unité du vivant », France : MÉN, BO hors-série, n°6 du 12 août 1999, p. 28) ;

- les étudiants préparant le concours, pour ceux qui ont obtenu un baccalauréat scientifique, ont eu un enseignement en terminale S concernant la partie 2 du programme de TS : « Parenté entre êtres vivants actuels et fossiles –

Phylogenèse - Évolution » (France : MEN, BO hors-série, n°5 du 30 août 2001,

p. 5-6). Quant aux étudiants ayant suivi un cursus universitaire de biologie, ils ont nécessairement traité ce thème lors de leurs études.

Nous serons donc attentif, dans nos études de cas, à la façon dont les élèves ou les étudiants vont, d’une part, s’engager dans la production d’explications scientifiques et dans les débats scientifiques, ce qui pourra nous donner des indications sur leur représentation d’une activité scientifique scolaire et, d’autre part, à la façon dont ils vont mobiliser ou non des savoirs dans les raisonnements qu’ils vont mener et comment ils seront utilisés dans le processus de problématisation.

3 Nous voulions étudier les problématisations scolaires avec des élèves qui avaient déjà abordé, au

cours de la scolarité, les questions auxquelles nous allions les confronter. Compte tenu des programmes scolaires et de la difficulté a priori plus grande des problématisations historiques, nous avons choisi de les étudier chez des élèves plus âgés comparativement à ceux engagés dans une problématisation fonctionnaliste, dont le corpus était au départ de notre recherche.

4 France : MÉN (1997). Programmes de SVT, classes de 5e et 4e. BO Hors-série, n°1, 13 février 1997. 5 Depuis la rentrée 2008, le thème de l’évolution est traité en classe de 3e (France : MÉN, août 2008)

2.3. Deux situations ouvertes et une

situation plus contrainte

Il y a un dernier élément qui distingue nos trois études de cas : c’est le type de dispositif auquel vont être confrontés élèves et étudiants. Ainsi, même si dans les trois cas nous allons nous consacrer à l’étude du processus de problématisation, les situations, en amont du débat scientifique, sont différentes.

Dans deux études de cas (nutrition - 3e et évolution - 1re ES), le débat scientifique est préparé par deux moments de travail :

- une évaluation diagnostique individuelle, au cours de laquelle une question ouverte appelant une explication est proposée aux élèves : « expliquer comment un organe (comme le muscle) est approvisionné en énergie et en matière », en classe de 3e ; « expliquer quelles sont les causes de l’évolution des êtres vivants », en classe de première ES ;

- un travail de groupe, au cours duquel les élèves doivent reprendre leur évaluation diagnostique et produire, pour le groupe, une affiche qui doit répondre à la même question que celle de l’évaluation diagnostique. La mutualisation des réponses possibles les engage déjà dans une première modification des savoirs, qui sera poursuivie lors du débat scientifique dont ces affiches sont le support.. Dans la troisième étude de cas (construction du concept d’ancêtre commun avec des étudiants en PE1), le dispositif est contraignant puisqu’il propose d’emblée aux étudiants de travailler avec un certain nombre d’éléments (certains caractères sont étudiés dès le départ, des contraintes de temps sont fixées) pour arriver à expliquer quelles sont les relations de parenté entre les êtres vivants étudiés.

Il sera intéressant de comparer la façon dont les élèves et les étudiants s’engagent dans la production d’une explication dans ces deux types de situation et comment les contraintes de situation, dans la troisième étude de cas, vont être mobilisées par les étudiants au cours de l’activité de problématisation.

2.4. Conclusion : comparaison des trois

études menées

Le tableau 3-1 récapitule les caractéristiques des trois études de cas que nous allons mener afin de mieux comprendre le processus de problématisation à l’œuvre dans les débats scientifiques en biologie. Cela permet de comprendre les comparaisons que nous serons en mesure de faire au moment de la discussion générale (chapitre 6).

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