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Le système de l’Union de Paris se compose, d’une part, de la Convention de Paris, et d’autre part, des Arrangements de Madrid et de Lisbonne (voir les trois différents textes en annexe de la thèse). Toutes ces conventions ont été négociées sous les auspices de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, ainsi communément appelées les Conventions de l’Organisation mondiale de

la propriété intellectuelle (Conventions de l’OMPI).

La Convention de Paris, déjà évoquée plus haut, pour la protection de la propriété industrielle, signée le 20 mars 188333, a été le premier texte d’un long processus de reconnaissance des droits des

dénominations géographiques dans la coopération internationale. Cependant, dans sa première version de 1883, la Convention de Paris n’abordait pas du tout la protection des dénominations géographiques. Les révisions de Bruxelles (en 1900) et de La Haye (en 1925) ont permis d’inclure dans le texte de la Convention de Paris des dispositions relatives aux « indications de provenance et appellations d’origine »34 .

Malgré l’existence de cet instrument, la protection des dénominations géographiques (composées ici d’indications de provenance et d’appellations d’origine) s’est avérée insuffisante et inefficace. La

Convention de Paris, telle que révisée à ce jour, ne distingue pas explicitement les indications de

provenance des appellations d’origine, rendant ainsi inopérante la protection conférée par la

Convention de Paris contre les produits portant une indication de provenance fallacieuse. La

Convention « ne définit nullement ces indications, n’exigeant aucun lien entre la provenance des produits et leurs qualités, ni leurs conditions de protection. Elle ne fournit qu’un cadre très général

33 Révisée à Bruxelles en 1900, à Washington en 1911, à La Haye en 1925, à Londres en 1934, à Lisbonne en 1958 et à

Stockholm en 1967, puis modifiée en 1979, la Convention de Paris compte à ce jour 174 États membres. Voir les données de l’OMPI telles que mises à jour au 15 janvier 2013 : http://www.wipo.int/treaties/fr/ip/paris/ (consulté le 16 avril 2013).

pour la répression des fausses indications de provenances art. 9 et 10 de la Convention de Paris, mais ne mentionne pas, en revanche, les indications fallacieuses » (Le Goffic, 2010 : 28)35.

Une partie de la doctrine (Cortes Martin, 2004), admet théoriquement que l’article 10 bis de la

Convention de Paris 36 peut s’appliquer aux indications géographiques, lorsque l’indication d’une

provenance fausse est de nature à tromper sur les caractéristiques du produit, même si la pratique en fait rarement usage sauf dans des cas de fraudes les plus grossières (Olszak, 2001: 109). Pour combler les insuffisances de la Convention de Paris – ainsi que l’autorise la Convention de Paris elle- même en son article 19 – certains pays, en nombre relativement limités, ont conclu des arrangements particuliers à Madrid (le 14 avril 1891) et à Lisbonne (le 31 octobre 1958) dédiés respectivement aux indications de provenance et aux appellations d’origine.

L’Arrangement de Madrid de 189137, relatif à la répression des indications de provenance fausses ou

fallacieuses, engageant au départ 35 États signataires38, marque des avancées en matière de lutte

contre les fausses indications de provenance. Il interdit en plus des indications fausses, l’utilisation d’indications « fallacieuses »39, tout en excluant toute mention inexacte et susceptible d’induire en

erreur, non seulement sur les produits, mais également dans toute forme de communication commerciale et publicitaire.40 Aussi, l’Arrangement de Madrid accorde une place spéciale aux

appellations d’origine, dites « appellations régionales », dans le domaine viticole. L’arrangement

35 L’auteur développe que la Convention de l’Union de Paris ne mentionne nulle part les indications qui « tendent à imiter

une indication à laquelle les produits n’ont pas droit, ou qui utilisent, à tort, une telle indication en précisant par ailleurs la véritable provenance du produit » (Le Goffic, 2010 : 28).

36 Les dispositions de l’article 10 bis consistent à la définition et aux obligations des Membres pour lutter contre la

concurrence déloyale.

37 Révisé à Bruxelles en 1900, à Washington en 1911, à La Haye en 1925, à Londres en 1934, à Nice en 1957, et à

Stockholm en 1967, puis modifié en 1979.

38 Les 35 signataires de l’Arrangement de Madrid au départ étaient : Algérie, Allemagne, Brésil, Bulgarie, Cuba, Égypte,

Espagne, France, Hongrie, Iran, Irlande, Israël, Italie, Japon, Liban, Liechtenstein, Maroc, Moldavie, Monaco, Monténégro, Nouvelle-Zélande, Pologne, Portugal, République arabe syrienne, République dominicaine, République tchèque, Royaume-Uni, Saint-Marin, Serbie, Slovaquie, Sri Lanka, Suède, Suisse, Tunisie et Turquie. Aujourd’hui, il existe ce qu’on convient d’appeler l’Union de Madrid composée des États parties à l’Arrangement de Madrid et des Parties contractantes du Protocole de Madrid : l’Arrangement de Madrid (tel qu’en vigueur à ce jour) comptant 56 Membres, et le Protocole de Madrid de 1989 (modifié en 2006 et en 2007) comptant 88 Membres. Voir les données de l’OMPI, mises à jour au 15 janvier 2013 : http://www.wipo.int/madrid/fr/members/ (consulté le 16 avril 2013).

39 Article 1er de l’Arrangement de Madrid.

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prévoit que ces appellations échappent à la règle qui donne aux tribunaux de chaque pays le droit de décider quelles sont les appellations génériques.41

Cependant, le texte ne donne aucune définition de ce qu’il convient d’appeler « appellation régionale ». Mais la principale faiblesse de l’Arrangement de Madrid reste, d’une part, le manque de dispositions interdisant les utilisations d’indications de provenance en traduction (indication traduite en une langue autre que l’expression initiale), ou les utilisations d’indications accompagnées de mentions correctives telles que « type », « style », « façon » ou « genre », d’autre part, l’absence des puissances économiques comme l’Allemagne et les États-Unis parmi les signataires à l’arrangement limite les effets de l’arrangement dans la pratique42.

L’Arrangement de Lisbonne de 195843, pour la protection des appellations d’origine et leur

enregistrement international comptait au départ 29 États signataires44. En limitant son champ

d’application aux seules « appellations d’origine » définies suivant une conception très étroite du lien entre le produit et son terroir (art. 2.1)45, l’Arrangement de Lisbonne se distingue significativement

des conventions précédentes. Ainsi, une appellation d’origine ne peut être reconnue et protégée comme telle, en vertu de l’Arrangement de Lisbonne que lorsque les deux conditions cumulatives sont réunies : d’une part, l’appellation doit être reconnue et protégée à ce titre dans son pays d’origine, et d’autre part, la protection de l’appellation d’origine est soumise à un enregistrement international auprès du Bureau international de la propriété intellectuelle à l’Organisation mondiale de

41 Article 4 de l’Arrangement de Madrid.

42 L’Allemagne et les États-Unis n’ont pas été signataires à l’Arrangement de Madrid en raison de l’impossibilité de

considérer les appellations viticoles comme génériques (Le Goffic, 2010 : 29).

43 Révisé à Stockholm en 1967, et modifié en 1979.

44 Les 29 signataires de l’Arrangement de Lisbonne au départ étaient : Algérie, Bulgarie, Burkina Faso, Congo, Corée du

Sud, Corée du Nord, Costa Rica, Cuba, Espagne, France, Gabon, Géorgie, Haïti, Hongrie, Iran, Israël, Italie, Mexique, Moldavie, Monténégro, Nicaragua, Pérou, Portugal, République tchèque, Roumanie, Serbie, Slovaquie, Togo, Tunisie. Aujourd’hui, l’Arrangement de Lisbonne, appelé aussi l’Union de Lisbonne compte 28 membres : l’Espagne, la Corée du Nord et la Roumanie n’en sont plus Membres, alors que l’Ex République yougoslave de Macédoine (en 2010) et la Bosnie-Herzégovine (en 2013) deviennent Membres de l’Union de Lisbonne. Voir les données de l’OMPI, mises à jour au 15 janvier 2013 : http://www.wipo.int/lisbon/fr/legal_texts/ (consulté le 16 avril 2013).

45 L’appellation d’origine est ainsi définie comme « la dénomination géographique d’un pays, d’une région ou d’une

localité servant à désigner un produit qui en est originaire et dont la qualité ou les caractères sont dus exclusivement ou essentiellement au milieu géographique, comprenant les facteurs naturels et les facteurs humains. » (Article 2.1 de l’Arrangement de Lisbonne).

la propriété intellectuelle (Le Goffic, 2010 : 30). L’arrangement prévoit un registre international des appellations d’origine, reconnues et protégées dans leur pays d’origine, administré par l’OMPI.

Figure 2: Exemple d’imitation de produits sous dénomination géographique protégée.

Source : Par l’auteur à partir des informations du Site internet de oriGIn, à la page « GIs Market Watch » : http://www.origin-gi.com/index.php/fr/activites/gis-market-watch-fr.html (consulté le 01 janvier 2014).

Toute appellation de produit reconnue comme une appellation d’origine (c’est-à-dire remplissant les deux conditions cumulatives), et enregistrée au registre, bénéficie d’une protection automatique, étendue, et sans limite de durée46, contre « toute usurpation ou imitation, même si l’origine véritable

du produit est indiquée ou si l’appellation est employée en traduction ou accompagnée d’expressions telles que « genre », « type », « façon », « imitation » ou « similaire » »47 (voir un exemple48

d’imitation à la Figure 2). En vertu des dispositions de l’article 5 (alinéa 6) de l’Arrangement de Lisbonne, les États parties ont l’obligation de protéger de manière effective l’appellation reconnue, « en mettant fin, dans un délai de deux ans, à tous les usages antérieurs du terme, y compris à titre de marque » (Le Goffic, 2010 : 31). Cette rigidité de la convention est dénoncée par plusieurs pays,

46 Article 6 de l’Arrangement de Lisbonne, prévoyant que les appellations protégées ne peuvent devenir génériques. 47 Article 3 de l’Arrangement de Lisbonne.

48 Ce produit falsifiant (à gauche dans la Figure 2) n’existe plus sur le marché sous cette appellation, selon les

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notamment les États-Unis, qui voient en ce système un outil de primauté aux appellations d’origine sur les marques. Par conséquent, l’Arrangement de Lisbonne n’a pas connu, malgré un relatif succès, une véritable portée internationale à cause du nombre très limité des signataires. Face à ce manque de succès de l’arrangement, l’OMPI s’est efforcée, tout aussi en vain, dans les années 1970-80, d’établir un traité international sur les appellations d’origine intégrant plus les préoccupations des pays en développement (OMPI, 2001).49

En somme, le système d’Union de Paris a certes donné une reconnaissance aux dénominations géographiques et à la nécessité de leur protection, mais n’a pas pu donner une véritable impulsion internationale au droit des dénominations géographiques. Par ailleurs, rappelons qu’aucune des conventions de l’Union de Paris ou de Berne ne renferme de dispositions, ni sur les procédures, ni sur d’éventuelles sanctions en cas de manquements aux règles.50 Il a fallu attendre l’institution de

l’Organisation mondiale du commerce (OMC), en janvier 1995, au terme du Cycle d’Uruguay, avec l’entrée en force de l’Accord sur les ADPIC pour que soit donnée une véritable portée au droit des dénominations géographiques au niveau multilatéral et dans les négociations régionales.