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Depuis les années 1990, dans l’argumentaire en faveur de la protection des dénominations géographiques, le débat écologique et environnemental prend une place importante, notamment « en Europe où certains acteurs prônent l’intégration des préoccupations environnementales et des diversités culturelles et biologiques dans les démarches de qualité liée à l’origine » (Thévenod- Mottet, 2010: 60). Cependant, ce débat est controversé au plan international où des « acteurs ne voient pas comment et pourquoi les [dénominations géographiques] devraient être utilisées en tant qu’outils politiques pour la préservation des diversités biologique et culturelle » (Thévenod-Mottet, 2010 : 60). Mais, il est clair aujourd’hui qu’un nouveau paradigme émerge en liant gastronomie et enjeux environnementaux et écologiques (Thévenod-Mottet, 2010). Toutefois, la législation européenne sur les dénominations géographiques ne mentionne pas la protection de l’environnement comme l’un des objectifs spécifiques visés (CE, 2010a).239

Even if environmental protection is not a primary motivation in GI [geographical indication] protection schemes, some studies have shown that certain practices under PDO/PGI [Protected denomination of origin – Protected geographical indication] specifications have some link to environmentally relevant farming practices by requiring certain animal feeding systems or maximum stocking densities. [...] GI products showed positive results in reference to conservation of biodiversity and distinctive cultural landscapes, and the regions of origin often include protected areas (CE, 2010a : 17).

239 Le besoin d’inclure les aspects environnementaux dans le cadre règlementaire sur les AOP/IGP avait été écarté par

une majorité d’intervenants pendant les consultations (CE, 2010a). Toutefois, le Livre vert de la commission Européenne sur la qualité des produits agricoles souligne que les critères de « soutenabilité », telles que la contribution du produit à l’économie locale ou de la durabilité environnementale des techniques agricoles, peuvent avoir un apport important sur la qualité du produit tout en répondant aux attentes des consommateurs (Green Paper on agricultural product quality: product standards, farming requirements and quality schemes – CE, 2008, COM(2008)648 final: http://ec.europa.eu/agriculture/quality/policy/index_en.htm (consulté le 4 novembre 2013)).

Les dénominations géographiques valorisent en général la terre et les caractéristiques agro- écologiques particulières liées à leur zone géographique qui confèrent des propriétés organoleptiques uniques, difficilement reproductibles dans d’autres régions ou pays, au produit qu’ils désignent (Giovannucci et al., 2009). Par ailleurs, les produits sous label d’une dénomination

géographique semblent directement associés à la notion de terroir, qui conjugue à la fois l’économie,

le social, voire le culturel, et l’environnement : ces produits se veulent donc plus écologiques et propres en termes d’impacts sur l’environnement (Cartier, 2004). Par conséquent, les arguments en faveur de la valeur écolo-environnementale des dénominations géographiques sont valables, bien que les contributions scientifiques restent limitées pour étayer et vérifier cette hypothèse. Quelques observations ou études de cas établissent cependant un lien de causalité entre dénominations géographiques et environnement (Ranaboldo et Fonte, 2007; Riccheri et al., 2006; Boisvert, 2005).

Une stratégie ou méthode de vérification de l’hypothèse serait, par exemple, d’évaluer l’impact écolo- environnemental avant et après la mise en place d’une dénomination géographique dans une région. En France, une étude du Ministère de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche et des affaires rurales (MAAPAR) estime que, dans la région de Franche-Comté, les exploitations agricoles non productrices de dénominations géographiques utilisent de 40% à 50% plus d’herbicides et d’engrais synthétiques par an que les exploitations productrices de dénominations géographiques (voir Graphique 3). Par exemple, dans cette région, la reconnaissance de l’AOP « Comté » a indirectement contribué à cette faible utilisation des engrais et herbicides chimiques de par les exigences de son cahier de charge (Giovannucci et al., 2009).

Les questions environnementales, la diversité biologique et la préservation des connaissances traditionnelles sont autant de sujets qui s’invitent dans les négociations commerciales ou de libre- échange entre les pays. Perçues par plusieurs États comme un moyen de développement durable et d’aménagement du territoire, les dénominations géographiques constituent un point important dans ces négociations (Acampora et Fonte, 2007). Toutefois, lorsque les dénominations géographiques sont mal conçues ou mal gérées, elles peuvent avoir des effets pervers sur l’environnement. En effet, l’absence de contrôle et la course au profit peuvent parfois avoir des conséquences néfastes sur l’environnement, notamment dans le cas de la dénomination géographique « Mezcal » (une boisson alcoolisée au Mexique) où la demande accrue de matières premières naturelles exigées par le

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produit désigné par la dénomination participe à la disparition de la biodiversité, les plantes sauvages étant surexploitées au profit de la monoculture des variétés préférées (Giovannucci et al., 2009 : 40).

Graphique 3: Contribution indirecte de l’AOP Comté à l’utilisation d’engrais et pesticides.

Source : Ministère de l’agriculture, de l’alimentation, de pêche et des affaires rurales (MAAPAR - France) cité par Giovannucci et al. (2009 : 41).

S

ECTION

2.M

ARQUES DE NATURE COLLECTIVE

Partant du principe général selon lequel les marques ne doivent être ni descriptives ni trompeuses, les désignations géographiques (noms indiquant une origine géographique) ne peuvent être utilisées comme marques individuelles à moins qu’elles n’aient acquis un caractère distinctif par l’usage ou qu’elles ne soient utilisées de façon arbitraire et donc qu’elles ne puissent pas induire en erreur quant à l’origine des produits sur lesquels la marque est apposée (Riccheri et al., 2004). Les marques de nature collective dérogent à cette règle et peuvent par conséquent se constituer d’un nom géographique (simple ou complexe) indiquant l’origine du produit ou du service. Dans certains pays, où il n’existe pas de législation spécifique sur les dénominations géographiques, l’enregistrement des marques de nature collective est un outil efficace de protection des dénominations géographiques.

À ce jour, les marques de nature collective sont plutôt employées comme complémentaires aux signes de dénominations géographiques (AOP/IGP) au niveau communautaire. En effet, l’Union Européenne admet un cumul des deux types de signes sur le marché communautaire : les marques de nature collective viennent plutôt en cumul aux signes sui generis déjà protégés, et non le contraire. Ce qui permet du point de vue pratique d’apporter un supplément de visibilité240 au signe

sui generis (AOP ou IGP) au-delà des frontières nationales et l’obtention subséquente d’une

protection internationale par le biais du Protocole de Madrid. Ainsi, des dénominations géographiques enregistrées comme signes AOP ou IGP communautaires sont également protégées par le biais de marques de nature collective, détenues toujours par les mêmes organismes de défense et de gestion des signes sui generis concernés. Ce sont par exemple, « Bayerisches Bier »,

« Turrón de Alicante », « Parmigiono Reggiano », « Prosciutto di Parma » ou encore « Spree-wälder gurken » (Le Goffic, 2010 : 216).

Dans l’Union Européenne, le régime des marques de nature collective ne suscite que peu d’intérêt, tant dans la doctrine que parmi les déposants (Le Goffic, 2010). Cet outil juridique pourrait pourtant garantir une protection des dénominations géographiques, en permettant l’enregistrement de ces

240 L’effet positif de cette complémentarité se traduit par le fait qu’« une marque, surtout si elle a acquis par son usage un

certain degré de renommée, véhicule la notoriété de [dénomination géographique], lorsqu’elle est depuis longtemps associée à cette dernière sur un même produit » (Schaming, 2001 : 532).

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derniers comme une marque collective « simple » (– point S2.1 –) ou une marque de certification (– point S2.2 –). Cependant, les contours ainsi que les fonctions des marques de nature collective ne sont pas toujours nettement définis, et leur fonctionnement reste encore incertain (Le Goffic, 2010 : 50) : ce sont autant d’éléments majeurs qui minent l’efficacité de ce régime, et expliquent principalement le manque d’intérêt à son endroit (– point S2.3 –).