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3.3. Problème de recherche

1.1.3. Indications géographiques

La définition explicite et singulière du concept « indication géographique » se fait dans l’Accord sur les ADPIC145. Avant cet accord, la notion d’indication géographique était confuse et polysémique ;

elle était parfois employée pour désigner toute dénomination géographique, y comprises les indications de source et les appellations d’origine (O’Connor, 2004 : 23). Régies par la Section 3 de la Partie II de l’Accord sur les ADPIC, les indications géographiques se définissent comme toutes indications qui servent à identifier un produit comme étant originaire du territoire d’un État Membre [de l’OMC], ou d’une région ou localité de ce territoire, dans les cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique146. Cette définition des indications géographiques pourrait paraître juridiquement

identique à celle des appellations d’origine147 abordée dans l’Accord de Lisbonne. Cependant, les

indications géographiques telles qu’entendues par l’Accord sur les ADPIC tiennent compte de la nécessité d’un lien établi entre le produit et la « réputation » du lieu de sa provenance ; ce qui n’est pas une condition requise dans le cas des appellations d’origine.

143 En 1986, en France, la Cour d’Appel de Paris définissait l’indication de provenance comme étant une indication basée

sur des facteurs géographiques ou des facteurs humains (CA de Paris, 6 fév. 1986, Société Coutellerie de Savoie c/ INPI, Annales de la propriété industrielle, 1986, p.11).

144 CJCE, 10 novembre 1992, aff. C-3/91, Exportur SA c./ LOR SA et Confiserie du Tech SA : Rec. p. I-5529, au point 11. 145 Ces accords constituent le premier texte multilatéral qui traite spécifiquement des indications géographiques

(O’Connor, 2004 : 51). Ces accords engagent chacun des 159 Membres contractants de l’OMC (données à jour en mars 2013).

146 Article 22.1 de l’Accord sur les ADPIC.

147 « On entend par appellation d’origine, au sens du présent Arrangement, la dénomination géographique d’un pays,

d’une région ou d’une localité servant à désigner un produit qui en est originaire et dont la qualité ou les caractères sont dus exclusivement ou essentiellement au milieu géographique, comprenant les facteurs naturels et les facteurs humains. » (Accord de Lisbonne: article 2.1).

Ainsi, des indications de produits se référant à un ensemble ou regroupement de pays ou de régions – comme par exemple une indication qui s’identifierait « le Caraïbéen »148 ou « le Nordique »149 – ne

pourraient pas faire l’objet d’une indication géographique au titre de l’Accord sur les ADPIC, pour la simple raison que ces produits appartiennent clairement à plus d’un membre de l’OMC. Cependant, les indications géographiques peuvent être un lieu géographique, tels que le « Napa Valley » pour un vin des États-Unis, ou le « Blue Mountain » pour un café jamaïcain. Elles pourraient être une désignation autre qu’un lieu géographique, comme le « Basmati » pour du riz du sud de l’Himalaya dans le sud de l’Inde, ou le « Dôle » pour du vin du Canton du Valais en Suisse ; elles pourraient s’apparenter aussi à l’appellation d’un symbole ou d’une emblème, tels la « Tour Eiffel » pour un produit de la région parisienne, ou le « Taj Mahal » pour un produit de la région dudit symbole (O’Connor, 2004 : 51-52 ; Addor et Grazioli, 2002 : 869). Toutefois, la protection des indications géographiques telle que prévue dans l’Accord sur les ADPIC ne s’applique qu’aux biens et marchandises150 qu’ils soient naturels, agricoles, agro-industriels ou manufacturés151. Les

dispositions de l’Accord sur les ADPIC donnent une protection des indications géographiques échelonnée à trois niveaux (– point a –) assortis de certaines exceptions (– point b –).

a) – Protection prévue à l’Accord sur les ADPIC

L’Accord sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce renferme

trois niveaux de protection des indications géographiques : un niveau standard de protection pour tous les produits couverts par ledit accord ; un niveau de protection élevé pour les vins et les spiritueux ; et un niveau de protection élevé additionnel pour les vins (ou protection extra- additionnelle). Dans ce différentiel des niveaux de protection, le niveau standard de protection s’étend en deux points à l’article 22.2 de l’Accord sur les ADPIC.

148 Exemple d’indication sur un produit en provenance des Caraïbes (englobant plusieurs pays).

149 Exemple d’indication sur un produit en provenance du Nord du globe (cela peut impliquer la Russie, le Canada, les

USA, la Norvège et le Danemark).

150 Les Services sont exclus dans le cadre de l’Accord sur les ADPIC : voir le livre de Daniel Gervais (2003) pour

comprendre les arguments de l’exclusion des services de l’article 22 de l’Accord sur les ADPIC.

151 Identiquement dans la Convention de Paris de 1883, la protection de la propriété intellectuelle […] s’entend dans

l’acception la plus large et s’applique non seulement à l’industrie et au commerce proprement dits, mais également au domaine des industries agricoles et extractives et à tous produits fabriqués ou naturels, par exemple: vins, grains, feuilles de tabac, fruits, bestiaux, minéraux, eaux minérales, bières, fleurs, farines (article 1.3 de la Convention de Paris).

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« Pour ce qui est des indications géographiques, les Membres prévoiront les moyens juridiques qui permettent aux parties intéressées d’empêcher :

a) l’utilisation, dans la désignation ou la présentation d’un produit, de tout moyen qui indique ou suggère que le produit en question est originaire d’une région géographique autre que le véritable lieu d’origine d’une manière qui induit le public en erreur quant à l’origine géographique du produit ;

b) toute utilisation qui constitue un acte de concurrence déloyale au sens de l’article 10bis de la Convention de Paris (1967). » (Accord sur les ADPIC : article 22.2)152.

Cette protection à l’article 22 constitue une « protection négative » qui appelle à la prévention, mais non une « protection positive » qui autorise ou implique une action.153 Cela constitue une différence

fondamentale entre la protection standard et la protection élevée consacrée aux vins et aux spiritueux (O’Connor, 2004 : 55)154. Par ailleurs, l’article 22.3 prévoit un refus ou une invalidation ex

officio de toute marque commerciale qui « […] contient une indication géographique ou est constituée

par une telle indication, pour des produits qui ne sont pas originaires du territoire indiqué, si l’utilisation de cette indication dans la marque de fabrique ou de commerce pour de tels produits dans cet État membre est de nature à induire le public en erreur quant au véritable lieu d’origine ». Une conséquence de cet article, mise en évidence par O’Connor (2004), est que l’utilisation d’une indication géographique qui n’induit pas le public en erreur est réputée conforme à l’Accord sur les ADPIC155. Un autre point important sur la protection standard des indications géographiques est que,

les Membres de l’OMC n’ont pas obligation de protéger des indications géographiques qui ne sont

152 L’article 22.1-b de l’Accord sur les ADPIC indique la prévention à la concurrence déloyale au titre de l’article 10bis de

la Convention de Paris révisée à Stockholm le 14 juillet 1967 dont le contenu stipule que :

« (1) Les pays de l’Union sont tenus d’assurer aux ressortissants de l’Union une protection effective contre la concurrence déloyale.

(2) Constitue un acte de concurrence déloyale tout acte de concurrence contraire aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale.

(3) Notamment devront être interdits: i) tous faits quelconques de nature à créer une confusion par n’importe quel moyen avec l’établissement, les produits ou l’activité industrielle ou commerciale d’un concurrent; ii) les allégations fausses, dans l’exercice du commerce, de nature à discréditer l’établissement, les produits ou l’activité industrielle ou commerciale d’un concurrent; iii) les indications ou allégations dont l’usage, dans l’exercice du commerce, est susceptible d’induire le public en erreur sur la nature, le mode de fabrication, les caractéristiques, l’aptitude à l’emploi ou la quantité des marchandises ».

153 En effet, les dispositions 22.2 de l’accord appellent les États membres de l’OMC à la prévention du consommateur

contre l’utilisation trompeuse des indications géographiques sur l’origine réelle du produit ou contre la concurrence déloyale.

154 Cette protection des vins et spiritueux prescrite aux articles 23.1 et 23.2 de l’Accord sur les ADPIC constitue une

« obligation positive » pour les États membres, contrairement à la protection standard.

155 Cette interprétation n’est plus possible sous la grille de la protection additionnelle destinée aux vins et aux spiritueux,

pas protégées dans leur pays d’origine ou qui cessent de l’être, ou qui sont tombées en désuétude dans ce pays (article 24.9 de l’Accord sur les ADPIC).

A l’échelle supérieure de la protection standard se situe la protection additionnelle consacrée aux vins et spiritueux. Cette distinction faite de la protection des dénominations géographiques de vins et spiritueux, notamment ceux des vins, se voulant plus renforcée que la protection standard, était une volonté forte de la Communauté européenne (CE) lors des négociations du Cycle d’Uruguay (Schlöder, 1996). La protection additionnelle s’exprime essentiellement aux articles 23.1 et 23.2 de l’Accord sur les ADPIC. Cette protection interdit toute utilisation d’une indication géographique de vins ou de spiritueux qui ne sont pas originaires du lieu indiqué par l’indication géographique en question, même dans les cas où la véritable origine du produit est indiquée ou dans ceux où l’indication géographique est employée en traduction ou accompagnée d’expressions telles que “genre”, “type”, “style”, “imitation” ou autres (article 23.1). Par exemple, la protection additionnelle (accordée uniquement aux vins et spiritueux) interdit les désignations « composées » telles que

« Sparkling Wine in the style of champagne, produced in Chile » ou « Napa Valley Wine of France »,

alors que la protection standard de l’article 22 (pour les autres produits) semble permettre des désignations de produits comme « Roquefort cheese, produced in Australia » ou « Burkhara carpets,

made in the USA » (O’Connor, 2004).

En outre, l’article 23.2 permet le refus ou l’invalidation, soit d’office si la législation d’un Membre le permet, soit à la requête d’une partie intéressée, de toute marque de fabrique ou de commerce pour des vins ou des spiritueux qui contient ou est constituée par une indication géographique identifiant des vins ou des spiritueux, en ce qui concerne les vins ou les spiritueux qui n’ont pas cette origine.

Ces deux dispositions impliquent clairement qu’il n’est pas nécessaire, pour un pays Membre, de montrer ou de prouver que l’utilisation d’une indication géographique pourrait induire le consommateur en erreur ou instaurer une concurrence déloyale sur le marché, avant d’entreprendre une action contre l’indication illégale. Par conséquent, la protection des vins et spiritueux est plus objective et automatique par rapport à la protection standard qui requiert une preuve du risque de confusion du public.

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Enfin, à l’échelle supérieure se situe la protection extra-additionnelle destinée uniquement aux vins : elle s’exprime aux paragraphes 3 et 4 de l’article 23 de l’Accord sur les ADPIC. Cette protection extra-additionnelle réside essentiellement dans la prescription en cas d’homonomie des indications géographiques (O’Connor, 2004). En effet, il pourrait exister différentes régions géographiques qui portent le même nom et qui produisent le même type de produits sous une même indication d’origine : c’est un cas d’homonomie d’indications géographiques (des cas rarissimes mais probables).156

L’Accord sur les ADPIC ne donnent aucune directive pour résoudre les problèmes de confusion en cas d’homonomie d’indications géographiques – pour l’ensemble vins et spiritueux – 157 : cela est

laissé à l’appréciation des Membres concernés de déterminer les conditions nécessaires de différenciation et de protection afin d’une part, ne pas induire le public en erreur, et d’autre part, permettre un traitement équitable des producteurs concernés158. Cependant, l’article 23.3 oblige une

protection à toutes les indications géographiques de vins dans un cas d’homonomie, sous réserve des dispositions de l’article 22.4 de l’Accord sur les ADPIC. Par ailleurs, pour faciliter la protection des indications géographiques pour les vins, l’article 23.4 interpelle les Membres de l’OMC à poursuivre les négociations en vue de l’établissement d’un registre multilatéral de notification et d’enregistrement des indications géographiques pour les vins susceptibles de bénéficier d’une protection dans les États membres participant au système OMC.

156 Le problème des indications géographiques homonymes est une question réelle. Par exemple, le "Rioja" est le nom, à

la fois, d’une région en Espagne et d’une région en Argentine ; et constitue aussi l’indication pour des vins produits dans ces deux endroits. Dans ce cas-ci, les produits ont besoin essentiellement d’être différenciés les uns des autres, en tenant compte de la nécessité d’assurer un traitement équitable des producteurs concernés et que les consommateurs ne soient pas confus. Cependant, des conflits éclatent lorsque les deux produits sont vendus sur le même marché, et où les produits d’un pays ont des qualités et des caractéristiques spécifiques qui sont inexistants dans les produits originaires de l’autre pays : un tel cas de figure induit de fait un abus aux consommateurs (une situation trompeuse), et implique que l’utilisation des indications géographiques homonymes soit interdite (O’Connor, 2004).

157 Les autres produits, mis à part les vins et spiritueux, doivent être protégés singulièrement selon les dispositions de la

protection standard, même en cas d’homonomie.

b) – Exceptions à la protection

Aux paragraphes 4, 5 et 6 de son article 24, l’Accord sur les ADPIC prévoit certaines exceptions à la protection des indications géographiques. L’une d’elles stipule que l’utilisateur d’un nom, qui ferait l’objet d’une indication géographique, peut continuer son usage si le nom a été utilisé, au moins 10 ans avant la date de la conclusion du Cycle d’Uruguay159, ou de bonne foi pendant une courte

période avant le 15 avril 1994 (article 24.4)160. En outre, deux autres exceptions relatives à

l’enregistrement des marques commerciales avancent que la recevabilité ou la validité de l’enregistrement d’une marque de fabrique ou de commerce, ou le droit de faire usage d’une marque de fabrique ou de commerce, au motif que cette marque est identique ou similaire à une indication géographique est admise, si celle-ci a été déposée ou enregistrée de bonne foi, ou si les droits à une marque de fabrique ou de commerce ont été acquis par un usage de bonne foi, soit avant la date d’application des présentes dispositions dans cet État Membre telle qu’elle est définie dans la Partie VI, soit avant que l’indication géographique ne soit protégée dans son pays d’origine (article 24.5). Enfin l’article 24.6 aborde les exceptions sur l’usage des indications géographiques génériques ou indications courantes : à cet effet, aucune obligation n’est requise des Membres de l’OMC quant à la protection des indications géographiques génériques161.

159 Précisons que le Round d’Uruguay a été conclu le 15 avril 1994, il s’agirait donc d’une période d’avant 15 avril 1993. 160 « Aucune disposition de la présente section n’exigera d’un Membre qu’il empêche un usage continu et similaire d’une

indication géographique particulière d’un autre Membre identifiant des vins ou des spiritueux, en ce qui concerne des produits ou des services, par un de ses ressortissants ou une des personnes domiciliées sur son territoire qui a utilisé cette indication géographique de manière continue pour des produits ou services identiques ou apparentés sur le territoire de ce Membre soit a) pendant au moins 10 ans avant le 15 avril 1994, soit b) de bonne foi avant cette date. » (art. 24.4 de l’accord).

161 « Aucune disposition de la présente section n’exigera d’un Membre qu’il applique les dispositions de la présente

section en ce qui concerne une indication géographique de tout autre Membre pour les produits ou services dont l’indication pertinente est identique au terme usuel employé dans le langage courant comme nom commun de ces produits ou services sur le territoire de ce Membre. Aucune disposition de la présente section n’exigera d’un Membre qu’il applique les dispositions de la présente section en ce qui concerne une indication géographique de tout autre Membre pour les produits de la vigne dont l’indication pertinente est identique au nom usuel d’une variété de raisin existant sur le territoire de ce Membre à la date d’entrée en vigueur de l’Accord sur l’OMC. » (Accord sur les ADPIC: art. 24.6).

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