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3.1. Conditions et modalités de la protection

3.1.2. Éléments d’exclusion d’enregistrement

Essentiellement fondé sur les conclusions de l’Accord sur les ADPIC et dans l’esprit de l’Arrangement de Lisbonne, le régime européen de protection des dénominations géographiques, par les signes AOP/IGP, exclut du principe de la protection les dénominations géographiques qui risquent de tromper le public quant à la nature, la provenance, le mode de fabrication, les qualités ou les caractéristiques des produits considérés. Aussi, la Commission Européenne peut refuser l’enregistrement de certaines dénominations géographiques en tant que signe AOP/IGP au motif qu’elles sont devenues génériques ou qu’elles ne sont pas protégées dans leur pays d’origine. Aussi, une conséquence du paragraphe premier de l’article 13 permet d’affirmer qu’un nom générique seul ne peut pas être enregistré, puisque cette disposition prévoit que lorsqu’une dénomination

enregistrée contient en elle-même le nom d’un produit agricole ou d’une denrée alimentaire considéré comme générique, l’utilisation de ce nom générique sur les produits ou denrées correspondants ne peut pas être réservée272.

En somme, seules les dénominations géographiques – déjà protégées dans leur pays d’origine – auxquels s’attachent une qualité, une réputation ou d’autres caractéristiques liées à l’origine des produits, et dont les noms géographiques utilisés ne sont pas tombés en désuétude : principe de la

non généricité (– point a –), et ne risquent pas d’induire le consommateur en erreur sur l’origine ou

l’identité des produits : principe de la non « déceptivité »273 (– point b –), peuvent obtenir le signe

communautaire de protection sui generis AOP ou IGP.274 Pourront donc être exclus de la protection,

les désignations d’origine ou les noms traditionnels ayant perdu leur caractère distinctif quant à l’origine des produits désignés au motif qu’elles sont devenues génériques.

272 C’est le cas de la dénomination « Camembert » qui ne peut être réservée seule comme dénomination géographique

(AOP ou IGP) car elle est devenue générique. Toutefois, il existe une AOP réservée sous la dénomination « Camembert

de Normandie » au profit de la France.

273 Vraisemblablement dérivé du terme anglais “deceptive”, nous utiliserons cet anglicisme dans la thèse : d’autres,

comme Le Goffic (2010), l’emploient aussi dans le même sens.

274 Ces deux règles fondamentales s’appliquent aussi bien dans le cas d’enregistrement de dénominations géographiques

de produits agricoles et de denrées alimentaires, que dans le cas spécifique d’enregistrement de dénominations géographiques de produits de vins et de spiritueux.

© 2014 Zakaria Sorgho 141

a) – Sur la généricité

Le Règlement (UE) nº 1151/2012 stipule clairement que : « les dénominations génériques ne peuvent être enregistrées en tant qu’appellations d’origine protégées ou indications géographiques protégées » (art. 6.1 du présent règlement, anciennement à l’art. 3.1, alinéa 1er). Le règlement n°

510/2006 établissait toutefois ce qu’il conviendrait d’appeler « dénomination générique »275, « le nom

d’un produit agricole ou d’une denrée alimentaire qui, bien que se rapportant au lieu ou à la région où ce produit agricole ou cette denrée alimentaire a été initialement produit ou commercialisé, est devenu le nom commun d’un produit agricole ou d’une denrée alimentaire dans la Communauté » (art. 3.1, alinéa (2) de l’ancien règlement n° 510/2006). Mais le présent règlement en vigueur omet cet alinéa, et se contente seulement de préciser que la mention de la généricité d’une dénomination doit tenir compte « de la situation existante dans les zones de consommation [et] des actes juridiques pertinents de l’Union ou nationaux » (art. 41.2 du présent règlement, anciennement à l’art. 3.1, alinéa 3). Toutefois, la Commission est habilitée à « adopter des actes délégués établissant des règles supplémentaires afin de déterminer le caractère générique »276 des dénominations.

L’article 41.3 (donnant un pouvoir d’appréciation à la Commission) se voudrait comme un soutien à l’article 41.2 qui a été assez éprouvé par des situations antérieures : notamment l’affaire « Feta »277

qui a montré toute la complexité de l’application du principe de la non-généricité d’une dénomination (la difficulté de définir des critères d’appréciation clairement applicables), avant que la décision de la Cour ne retienne finalement en 2005 le principe selon lequel une dénomination protégée n’acquiert le

275 Pour une étude approfondie sur la question des dénominations génériques, lire François R., 2002, Les dénominations

génériques, Université Robert Schuman de Strasbourg, Mémoire de DEA.

276 Article 41.3 du Règlement (UE) n°1151/2012. Cette mention n’était pas clairement stipulée dans le règlement

antérieur abrogé (Règlement n° 510/2006). Ainsi, ce paragraphe à l’article 41 donne clairement le pouvoir à la Commission de décider de ce qui pourrait être générique ou pas, car elle est libre de définir et d’apprécier les règles de la généricité applicables selon le cas.

277 CJCE, 16 mars 1999, Danemark c./ Commission, aff. C-293/02, Rec. p.I-1541. Nous y reviendrons (avec un résumé

caractère générique que lorsqu’elle est considérée comme tel dans son pays d’origine, confirmant ainsi le principe retenu par l’arrêt « Exportur »278 de 1992.

b) – Sur la déceptivité

Le règlement nº 1151/2012 n’autorise pas l’enregistrement en tant que signe AOP ou IGP toute dénomination géographique qui rentre en conflit « avec le nom d’une variété végétale ou d’une race animale » au motif qu’elle est « susceptible d’induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit » (art. 6.2 du présent règlement, anciennement à l’art. 3.2). Selon les dispositions de l’article 6.3, toute « dénomination homonyme qui laisse le consommateur penser à tort que les produits sont originaires d’un autre territoire n’est pas enregistrée, même si elle est exacte pour ce qui est du territoire, de la région ou du lieu dont les produits en question sont originaires » (anciennement à l’art. 3.3, point a). Sous ce même principe, le règlement précise par ailleurs qu’une demande d’enregistrement peut être refusée « lorsque, compte tenu de la renommée d’une marque, de sa notoriété et de la durée de son usage, l’enregistrement est de nature à induire le consommateur en erreur quant à la véritable identité du produit » concerné par la demande (art. 6.4 du nouveau règlement, précédemment à l’art. 3.4 du règlement abrogé).

Tout comme précisé sur la généricité, le caractère déceptif d’une dénomination s’appréciera en fonction notamment de la situation existant dans les États membres y compris l’État duquel le produit est originaire et dans les zones de consommation, tenant compte également des législations nationales ou communautaires concernées (art. 41.2 du règlement en vigueur).