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Les obligations au titre de l’Accord sur les ADPIC contraignent les Membres de l’OMC au respect des Conventions de l’OMPI sur la propriété intellectuelle. Si ses Membres ne sont pas tenus d’adhérer à ces Conventions de l’OMPI65, constituant les premiers traités internationaux sur la propriété

intellectuelle, l’OMC reconnaît « l’applicabilité des principes fondamentaux […] des accords ou conventions internationaux pertinents en matière de propriété intellectuelle »66 et les acquis de

l’OMPI en la matière, tout en s’engageant à coopérer avec elle [OMPI] sous la forme de soutien mutuel67. La mention « accords ou conventions pertinents » qu’évoque l’Accord sur les ADPIC

désigne en substance la Convention de Paris (modifiée) de 1967 pour la protection de la propriété industrielle, la Convention de Berne (modifiée) de 1971 pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, la Convention de Rome de 1961 sur la protection des artistes ou des producteurs et le

63 Les enjeux économiques associés à cette proposition européenne, analysés à ce jour, restent peu élaborés : les effets

positifs escomptés semblent peu probables. En effet, l’extension de la protection renforcée à des produits autres que les vins et les spiritueux – proposée par l’UE – serait plus tôt défavorables aux pays européens : la réduction tarifaire et non tarifaire en Amérique du Nord serait plus importante dans l’amélioration de l’accès au marché pour des indications géographiques (IGs) de l’UE que ne le ferait l’extension des IGs (Vincent, 2007) ; ou tout au mieux, cette extension de la protection additionnelle n’aurait aucun effet sur la compétitivité internationale des produits européens (Daniel, 2007).

64 Les divergences entre l’Europe et les États nord-américains (le Canada et les États-Unis) sur l’extension des articles 23

et 24 de l’Accord sur les ADPIC à des produits autres que les vins et les spiritueux, sont essentiellement d’ordre économique et commercial (Josling, 2006). Indépendamment des effets sur les producteurs locaux, il semblerait que les consommateurs nord-américains ne perdront de bien-être (dû essentiellement à l’appréciation des prix de certains produits) suite à l’extension de la protection à des produits autres que les vins et spiritueux (Vincent, 2007). Pour l’heure, il semblerait que les débats idéologiques sur cette question se soient déplacés au niveau des accords bilatéraux, où les différentes approches sur les dénominations géographiques s’affrontent : pour en avoir une certaine idée (voir les analyses de Heydon et Woolcock, 2009; et Mathieu, 2010).

65 L’Accord sur les ADPIC se veut comme objectif, l’uniformité du régime juridique minimum entre droits et obligations des

pays membres. Mais cette préoccupation pourrait être mise à mal si le "système OMPI" évolue, par exemple, à la suite de l’adoption d’amendements par les parties contractantes sans que celles-ci fassent toutes parties de l’OMC (comme c’est le cas aujourd’hui). Dans un tel cas, à qui s’appliqueront ces révisions? Si l’on envisage que les révisions lieront seulement les parties contractantes, il en sera alors terminé pour l’harmonisation du régime juridique international sur la propriété intellectuelle voulue par l’OMC (Carreau et Julliard, 2010 : 358).

66 Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce [Accord sur les ADPIC],

(Annexe 1C de l’Accord de Marrakech instituant l’Organisation mondiale du commerce, 1867 R.T.N.U. 3, adopté le 15 avril 1994, entré en vigueur le 1er Janvier 1995), 1869 R.T.N.U. 332, Préambule a).

67 Paragraphe a) du Préambule et à l’article 68 de l’Accord sur les ADPIC. Pour concrétiser cette collaboration, un Accord

de coopération entre l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle

a été conclu le 22 décembre 1995 et est entré en vigueur le 1 janvier 1996. Accord disponible [en ligne] au lien permanent : http://www.wto.org/french/tratop_f/trips_f/wtowip_f.htm (consulté le 8 juin 2013).

Traité de Washington de 1989 (ou le Traité IPIC) sur la propriété intellectuelle en matière de circuits intégrés.68

L’Accord sur les ADPIC s’inscrit dans une continuité des Conventions de l’OMPI. Il reconnaît les obligations mutuelles que les Membres signataires de ces conventions peuvent avoir les uns à l’égard des autres en vertu des traités déjà existants69. Par ailleurs, il engage tous les Membres de

l’OMC au respect des obligations conventionnelles de l’OMPI en renvoyant plusieurs dispositions70

de son texte aux Conventions de l’OMPI71. En substance, le texte de l’Accord sur l’ADPIC incorpore

en son sein des dispositions des Conventions de l’OMPI. Par exemple, lorsqu’il dispose que « […] les Membres se conformeront aux articles premier à 12 et à l’article 19 de la Convention de Paris (1967) »72, et que les États membres doivent aussi se conformer aux obligations de fond73 prévues

aux articles 1 à 21 de la Convention de Berne (1971), ainsi qu’à l’annexe de ladite convention74.

Cette incorporation de dispositions des conventions existantes à l’Accord sur les ADPIC a déjà fait jurisprudence à l’OMC dans le différend États-Unis contre les Communautés européennes sur

l’article 211 de la Loi générale américaine portant ouverture de crédit.75 Dans cette affaire, l’Organe

d’appel a désapprouvé le Groupe spécial, et a conclu que le champ d’application de l’Accord sur les ADPIC couvre bel et bien « les noms commerciaux » puisque l’article 8 de la Convention de Paris de

68 Article 1.3 et 2 de l’Accord sur les ADPIC. 69 Article 2.2 de l’Accord sur les ADPIC :

Aucune disposition des Parties I à IV du présent accord ne dérogera aux obligations que les Membres peuvent avoir les uns à l’égard des autres en vertu de la Convention de Paris, de la Convention de Berne, de la Convention de Rome ou du Traité sur la propriété intellectuelle en matière de circuits intégrés.

70 Notamment les dispositions aux articles 2, 3, 4, 9, 10, 14, 15, 16 et 62 dudit accord.

71 Bien que son préambule parle de l’applicabilité des "accords ou conventions pertinentes", le texte de l’Accord sur les

ADPIC ne renvoient essentiellement qu’aux dispositions de la Convention de Paris (1967) et de celle de Berne (1971). L’accord ne mentionne aucun droit renvoyant explicitement aux textes de la Convention de Rome (1961) ou même du

Traité de Washington (1989). Cependant, il fait référence à la Convention de Rome lorsqu’il s’agit des exceptions à la Protection des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes (enregistrements sonores) et des organismes de radiodiffusion (article 14 de l’Accord sur les ADPIC).

72 Article 2.1 de l’Accord sur les ADPIC.

73 C’est-à-dire des «dispositions de fond de la convention» (OMPI, Protection internationale du droit d’auteur et des droits

connexes, 21p, à la p.7). Document disponible [en ligne] au lien :

http://www.wipo.int/copyright/fr/activities/pdf/international_protection.pdf (consulté le 8 juillet 2012).

74 Article 9.1 de l’Accord sur les ADPIC. Toutefois, l’accord prévoit une exception importante disposant que les Membres

n’ont aucun droit ni obligation ayant trait au droit moral (des droits conférés par l’article 6bis de la Convention de Berne).

© 2014 Zakaria Sorgho 27

1967 (portant sur les noms commerciaux) était explicitement incorporé dans l’article 2.1 de l’Accord sur les ADPIC.76

Une lecture comparative des Conventions de l’OMPI, notamment les dispositions des conventions de Paris (1967) et de Berne (1971), et de l’Accord sur les ADPIC présente l’Accord sur les ADPIC comme un « Accord OMPI-Plus »77. D’une part, l’un des principaux apports du système OMC dans la

protection internationale de la propreté intellectuelle est d’avoir adopté le principe de l’accord unique voulant que l’Accord sur les ADPIC (dans son entièreté) soit obligatoire pour tous les membres de l’OMC, alors que l’OMPI demeurait un système à la carte. D’autre part, l’Accord sur les ADPIC prévoit des obligations supplémentaires à celles prévues par les Conventions de l’OMPI78. L’Accord

sur les ADPIC prévoit des dispositions institutionnelles de contrôle (par exemple, le Conseil des aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce) et une précision des obligations qui leur incombent (Carreau et Julliard, 2010 : 358)79. Il prévoit une obligation

supplémentaire, qui est d’appliquer l’article 18 de la Convention de Berne aux droits des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs de phonogrammes80. L’Accord prévoit ensuite une

extension de l’application de l’article 6bis de la Convention de Paris (1967) aux services (art. 16.2), et aux produits ou services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels une marque de fabrique ou de commerce est enregistrée (art. 16.3)81. Il prévoit aussi une extension de l’article 4 de la

Convention de Paris aux marques de service (art. 62.3).

76 Rapport de l’Organe d’appel, États-Unis – Article 211, Loi portant ouverture de crédit, OMC-Doc.: WT/DS176/AB/R du

2 janvier 2002, adopté le 1er février 2002, par. 322, à la p.101.

77 Ce terme « accord OMPI-Plus » signifie un accord dont le texte dispose d’autres obligations en plus de celles des

Conventions de l’OMPI: c’est-à-dire, des obligations supplémentaires.

78 Indépendamment du fait que l’Accord sur les ADPIC contient des dispositions détaillées sur le système de sanction des

droits de propriété intellectuelle, ainsi qu’un mécanisme de règlement des différends qui peuvent surgir entre les Membres au sujet de leurs obligations découlant dudit accord.

79 Voir les parties III, V et VII de l’accord. 80 Article 14.6 de l’Accord sur les ADPIC.

81 Avec la condition que «l’usage de cette marque pour ces produits ou services indique un lien entre ces produits ou

services et le titulaire de la marque enregistrée et à condition que cet usage risque de nuire aux intérêts du titulaire de la marque enregistrée» (article 16.3 de l’Accord sur les ADPIC).