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L’enregistrement d’un nom d’origine désignant un produit dont les qualités uniques ont un lien avec son origine géographique peut avoir un impact positif sur la production et l’emploi dans la région d’origine, et permettre aux producteurs légitimes de commercialiser le produit sur le marché à un prix plus élevé (qui bénéficie d’un consentement à payer par les consommateurs en échange des garanties de qualité signées par la dénomination) : de telles retombées permettent une meilleure redistribution de la valeur ajoutée apportée par la protection de la dénomination géographique sur l’ensemble de la chaîne de production, et même parfois au-delà de cette chaîne. Cette approche collective, intrinsèque au système sui generis des dénominations géographiques, génère des économies d’échelle bénéfiques aux producteurs, notamment aux petites structures qui, seules, ne possèdent pas une taille compétitive suffisante pour assurer et maintenir leur marché.

236 Toutefois, la même étude (London Economics, 2008) révèle que dans les États européens, à peine la moitié (soit

51%) consommateurs interrogés associent les logos AOP/IGP comme désignant des produits provenant d’une région donnée, et donc comme garantissant l’origine des produits désignés, alors qu’un quart d’entre eux (25% des consommateurs interrogés) croyaient à tort que ces logos se réfèrent à des produits fabriqué d’une manière écologique ou en utilisant une recette traditionnelle.

En protégeant la dénomination géographique comme « un droit de monopole collectif », tel le modèle

sui generis européen, cela permet non seulement aux utilisateurs légaux (groupements de

producteurs) de la dénomination de différencier leur produit sur le marché par rapport à ceux des autres concurrents, mais aussi constitue simultanément une sorte de barrière à l’entrée contre des produits tentés d’usurper l’« identité » protégée (Rangnekar, 2004). Dans ce calibrage, la protection des dénominations géographiques accorde un marché de niche aux producteurs bénéficiaires (très souvent des petits producteurs), et permet d’améliorer leurs revenus et dynamiser leurs activités. Les produits européens protégés AOP/IGP participent non seulement pour une part considérable dans le commerce extérieur de l’Union Européenne, mais ils constituent aussi, ce qui est loin d’être négligeable, une véritable niche de développement pour l’industrie agroalimentaire dans les économies agricoles à croissance relativement faible (CE, 2003).

Geographical indications are much more than the identification of a product with a place. As a type of intellectual property, that is attached to territory, they are means for the social and industrial groups with rights to them to protect and distinguish their products. Small local producers are able to use them to enhance their reputations, and to sell directly to final demand, thus competing more effectively against large corporations. (Moran, 1993 : 264).

La perception des produits désignés par les dénominations géographiques comme étant de « qualité » motive les consommateurs à consentir à acheter plus cher pour des produits désignés par une dénomination protégée : selon une enquête (20000 répondants), par exemple, plus de 40% des consommateurs européens seraient disposés à payer un supplément de prix de 10% pour un produit d’origine garantie (voir Graphique 2). Par conséquent, certains produits labellisés AOP ou IGP y bénéficient déjà d’un prix majoré par rapport à leurs concurrents, et constituent, ce faisant, un moyen d’amélioration des revenus des producteurs et un outil de développement des activités rurales. Les produits désignés par un signe d’origine protégé peuvent prétendre à des prix d’achat élevés économiquement viables, même si leurs coûts sont aussi élevés du fait des investissements consentis pour améliorer la qualité (l’équipement, l’approvisionnement, le calibrage) et les contrôles (l’élaboration de normes, la certification, la surveillance) (Giovannucci et al., 2009). Cependant, il n’existe quasiment pas d’études237 d’envergure européenne ayant constaté empiriquement ces

237 Nonobstant quelques estimations de la Commission Européenne qui mettent en avant l’importance capitale qu’ont les

dénominations géographiques pour les exportations communautaires : à titre d’exemple, les boissons spiritueuses bénéficiant d’un signe géographique protégé contribueraient à raison de 3,5 milliards d’euros dans les 5,4 milliards d’euros au total que rapporte les exportations européennes de cette catégorie de produit (CE, 2003).

© 2014 Zakaria Sorgho 119

effets, exceptées les études de cas (sectoriels et par pays) qui corroborent effectivement les implications positives des dénominations géographiques sur le développement rural.

Les produits AOP/IGP, notamment les plus réputés, bénéficient en général d’un prix majoré – que les consommateurs consentent à payer pour avoir de la « qualité » – par rapport aux produits concurrents conventionnels. Par exemple, les fromages français sous signes protégés (AOP ou IGP) se vendent en moyenne 2 euros de plus au kilo que les autres fromages français (CE, 2003). Aussi, le poulet sous appellation protégée « Poulet de Bresse » se vend à un prix quatre fois supérieur à celui d’un poulet français ordinaire (idem). Pareil pour le prix du lait, utilisé pour la fabrication du fromage désigné par l’AOP « Comté », qui connait un prix majoré de 32% par rapport au prix du lait de consommation courante (MAAPAR, [s.d]). En Italie, les producteurs d’huile d’olive sous appellation « Toscano » bénéficient à ce jour d’un prix de leur produit majoré de 20% depuis son enregistrement en 1998 (CE, 2003).

Graphique 2: Consentement des consommateurs européens à payer.

Source : À partir des données de l’enquête de 1999 (Berenguer, 2004).

Dans quatre États européens parlant allemand, une étude révèle que grâce aux dénominations géographiques, il y a eu, entre 1998 et 2001, une création directe et le maintien de 1870 emplois à temps plein, ce qui constituerait en estimation, selon l’étude, un revenu supplémentaire constant de quelques 48 millions d’euros par an en comptant les emplois à temps partiel et temporaires (CE, 2002). Dans une autre étude, cette fois au Royaume-Uni, la production de denrées alimentaires d’origine établit un lien étroit, en amont et en aval, entre l’économie locale et les chaînes

d’approvisionnement (Belletti et Marescotti, 2006), générant ainsi des emplois et revenus localement intégrés.

Une autre vertu assignée à la protection, notamment dans un système sui generis, des dénominations géographiques est de faire obstacle au phénomène de délocalisation de la production des produits désignés par ces signes (MAAPAR, [s.d]). En effet, puisqu’une dénomination géographique ne peut être produite que seulement sur un territoire défini qui confère au produit désigné – en raison de son climat ou des facteurs humains – des caractéristiques uniques, la protection sui generis de la dénomination empêche en principe l’exploitation (production/transformation) par des firmes étrangères du produit similaire sous l’appellation déjà protégée à son lieu d’origine, et la standardisation des méthodes de production traditionnelles : cela empêche l’évasion des termes du terroir hors de leurs frontières, et maintient les emplois dans les régions.