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La question de la méthode dans la Critique de la raison pure

1.3. Les règles méthodologiques de l’entendement

1.3.4 Système des principes de l’entendement pur

La schématisation des catégories produit les principes de l’entendement pur. Ces principes sont des instruments de la pensée, c'est-à-dire, des lois transcendantales que l’entendement prescrit a priori à la nature, afin de l’élaborer objectivement comme connaissance. Définis comme « règles de l’usage objectif des catégories » (A161/B200 ; Ak147), ils permettent de déterminer le phénomène, qui d’emblée se présente à la sensibilité comme une diversité indéterminée, réalisant la synthèse du multiple de l’intuition requise par l’unité de l’aperception transcendantale. Selon Philonenko (1969 : 184) :

Les déterminations transcendantales du temps sont donc la schématisation des catégories, qui devenant concrètement des règles pensables et susceptibles de déterminer le divers ou les images, s’imposent désormais comme les principes de la construction de la connaissance.

Dans le système des principes de l’entendement pur, Kant donne la solution définitive à la possibilité de la connaissance a priori des objets. Cette question, qui est traitée dans toute la Critique par une suite d’approximations, trouve son issue dans la théorie des principes. Nous rencontrons ici tant la genèse transcendantale de l’objet comme connaissance et non comme simple pensée, que la véritable signification de la table des catégories. Celles-ci se réalisent non en référence aux jugements formels de la logique, qui n’ajoute rien au contenu de la connaissance, mais dans la structuration a

priori de l’expérience objective, rendue possible par le système des principes de

l’entendement pur. Sans ceux-ci, les catégories seraient de simples formes logiques, vides de contenu21.

Les principes fournissent a priori la règle d’application des catégories aux phénomènes, les limitant à l’intuition sensible par l’intermédiaire des schèmes. Les catégories peuvent réaliser leur fonction de connaissance objective par l’intermédiaire des principes. Dans cette fonction, elles forment le prédicat des jugements synthétiques

a priori, représentant conceptuellement ce qui est donné comme sujet de ces jugements,

à savoir, l’objet perçu sensiblement. Ainsi, espace, temps et catégories sont les conditions de notre connaissance véritable uniquement lorsqu’ils sont intégrés aux jugements synthétiques a priori.

Ces jugements correspondent, donc, aux principes de l’entendement pur, qui fondent tous les autres jugements synthétiques, n’étant eux-mêmes fondés par aucun autre. Ils constituent le système des premiers principes de la totalité des déterminations

a priori. Toutes les autres déterminations doivent résulter a posteriori de l’expérience.

Ce sont les principes qui apportent universalité, nécessité, objectivité et vérité à ce que les autres jugements affirment empiriquement. Ainsi, un jugement empirique ne sera objectivement valide que si le phénomène est soumis à l’un de ces principes. Tout jugement empirique doit être fondé sur l'un des principes de l’entendement pur.

D’autre part, le principe suprême qui fonde tous les jugements synthétiques affirme que :

Les conditions de la possibilité de l’expérience en général sont en même temps conditions de la possibilité des objets de l’expérience, et ont de ce fait une validité objective dans un jugement synthétique a priori. (Kant, 1980d : 898- 899, A158/B197; Ak III, 145)

Ceci signifie, premièrement, que la synthèse des jugements n’est vraie que si elle est fondée sur un troisième terme – l’objet de l’expérience, donné dans l’intuition sensible; deuxièmement, que les jugements synthétiques a priori fournissent les circonstances de la possibilité de toute l’expérience en général, indiquant que tout objet doit nécessairement être conforme aux conditions de notre connaissance; troisièmement, que chaque principe exprime une condition que l’objet doit remplir pour être objet de l’expérience.

Le principe suprême de tous les jugements synthétiques contient, en réalité, la réponse critique à l’ancien problème de la vérité, de l’adéquation de notre connaissance à l’objet. Selon lui, une connaissance est véritable si elle est conforme aux conditions de possibilité de l’expérience. Ces conditions sont donc, les lois a priori du sujet qui déterminent les phénomènes en tant qu’objets de notre connaissance, en adaptant les catégories de l’entendement à ce qui est donné à notre intuition dans le temps. Ainsi, le système des principes de l’entendement pur constitue, par lui-même, la nature dans sa possibilité, comme un ordre général soumis aux lois.

Dans cette perspective, l’objet de l’expérience, déterminé a priori par les jugements synthétiques, coïncide exactement avec l’objet de la science de la nature. Les principes expliquent la physique dans sa possibilité a priori. Comme l’affirme Kant dans les Prolégomènes « les principes de l’expérience possible sont en même temps des lois universelles de la nature qui peuvent être connues a priori ». (Kant, 1985a :79, § 23 ; Ak IV, 306).

En accord avec les quatre classes des catégories, les principes de l’entendement pur, dérivés de la schématisation de ces catégories, sont, à leur tour, divisés dans les principes de quantité, qualité, relation et modalité, recevant respectivement la désignation : axiomes de l’intuition, anticipations de la perception, analogies de

l’intuition est appelé aussi principe de la grandeur extensive et celui des anticipations de la perception est appelé principe de la grandeur intensive. Ces deux derniers constituent les principes mathématiques de l’entendement pur, tandis que les analogies de l’expérience, qui se dédoublent en principes de substance, causalité et communauté (ou action réciproque), et les postulats de la pensée empirique, qui se dédoublent en principes de possibilité, d’existence et de nécessité, constituent les principes dynamiques.

Kant considère les principes mathématiques comme constitutifs de l’intuition, en opposition aux principes régulateurs, exprimés par les principes dynamiques. Ceci parce que, en tant que règles de synthèse d’une composition homogène, les principes mathématiques se rapportent à la constitution même de l’objet de l’expérience, considéré en lui-même indépendamment de tout autre. Le principe des axiomes de l’intuition élabore le phénomène par rapport à sa forme de même que le principe des anticipations de la perception, par rapport à la matière.

Le second groupe de principes, les dynamiques, sont des règles de connexion et expriment la « synthèse du multiple, dans la mesure où chaque élément appartient nécessairement à l’autre. » Ils sont donc pour Kant, régulateurs, dans le sens où ils se réfèrent à peine à la relation et au mode d’existence des objets de l’intuition. Cependant, il convient d’ajouter que, en relation à l’expérience en général, et non seulement à l’intuition, les principes dynamiques sont constitutifs, en opposition aux idées de la raison pure, car ils rendent possible l’application des catégories aux phénomènes. Cette question sera reprise plus loin, lorsque nous traiterons des principes de la dialectique transcendantale.

1.4 L’essence de la méthode transcendantale : le principe de la

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