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Illusion dialectique et détermination scientifique sur la nature de la matière

Kant et le problème de la constitution de la matière

3.3 Illusion dialectique et détermination scientifique sur la nature de la matière

Bien que les principes de la deuxième antinomie dialectique ainsi que ceux de la dynamique de la métaphysique de la nature se rapportent à la constitution élémentaire de la matière, les premiers sont des principes trompeurs, qui provoquent une illusion transcendantale, alors que les seconds font partie d’un champ qui se constitue comme scientifique. La différence entre eux se justifie en fonction de l’absence de base empirique pour soutenir les principes dialectiques. Même si ces principes concernent la synthèse des phénomènes, son usage ne s’appuie jamais sur l’expérience, ce qui provoque l’illusion d’une application de l’entendement pur. La raison, dans l’exercice d’une fonction essentiellement logique, celle de l’auxiliaire de l’entendement dans la recherche d’une condition plus élevée qui fonde une donnée empiriquement conditionnée, fait un saut transcendantal et considère la série totale inconditionnée de la synthèse des phénomènes comme donnée également. La nécessité subjective d’une certaine connexion logique entre les concepts de l’entendement est prise, alors, comme nécessité objective de détermination des choses comme données en elles-mêmes.

requise pour le concept. Comme la totalité absolument inconditionnée de la synthèse des phénomènes n’est possible par aucune connaissance empirique, elle n’a rien à voir avec les principes d’une expérience possible. La contradiction surgit lorsque le phénomène est pris comme donné en lui même, et non comme une représentation donnée dans l’intuition, celle-ci nécessairement sensible.

Ce que, au contraire, le principe dynamique de la divisibilité infinie de la matière affirme est que la régression dans la synthèse de la matière en tant que phénomène s’étend in infinitum. La division de la matière se continue aussi loin quand on veut poursuivre dans la série des conditions empiriques. Ce qui ne signifie pas, cependant, que la série des conditions soit donnée infiniment dans l’objet. Il y a donc, une grande différence entre la régression empirique, qui admet toujours l’existence de nouveaux membres dans la série, empiriquement donnés, qui peuvent être atteints au moyen d’une décomposition quelconque, et la régression inconditionnée postulée par l’antithèse de la deuxième antinomie, qui admet la synthèse comme infiniment donnée.

Les principes de la dynamique mettent en évidence que les conditions requises pour l’explication d’un phénomène doivent être données dans la perception, même si cette perception n’est pas immédiatement présente. On peut admettre une donnée qui ne soit jamais perçue, du moment qu’elle fait partie d’un contexte qui se réfère à une perception quelconque et qu’elle est connectée selon les lois de la progression ou de la régression empirique. Il s’agit, alors, d’une perception non donnée, mais possible, qui pourtant ne cesse pas d’être réelle, car seule l’expérience possible peut donner réalité aux concepts.

Le principe de la divisibilité infinie de la matière suppose, donc, la considération de la matière en tant que composé phénoménal. Dans celui-ci, les parties ne sont pas données en soi avant la décomposition, mais seulement en elle. Les partie ne sont possibles que dans la régression de la série qui est nécessairement empirique. Les principes cosmologiques de la division matérielle, au contraire, se réfèrent à un ensemble de choses en soi, où les parties sont déjà données, en dehors de la régression de l’expérience.

Le théorème de la division infinie suppose aussi la considération de la matière comme un quantum continuum. Cependant, ceci ne signifie pas que l’interprétation qui lui est opposée soit en dehors du champ de la science. Lorsque Kant a discuté des

interprétations dynamique et mécaniciste de la constitution de la matière, il n’a pas placé la théorie mécaniciste au même niveau que les idées cosmologiques. Comme nous l’avons montré antérieurement, sa divergence par rapport au mécanicisme ne réside pas dans le fait que la matière n’est pas considérée comme composé phénoménal. La méthode critique, en principe, n’interdirait pas la connaissance dans le champ d’une théorie atomique de la matière, du moment que le composé substantiel n’est pas considéré comme un noumène.

Considérer la substance comme un phénomène et non comme une chose en soi signifie pouvoir représenter un corps comme une substance dans l’espace, c’est-à-dire, une substance qui est donnée dans l’intuition sensible et dans laquelle aucun inconditionné ne peut être lui attribué. L’affirmation que la matière est divisible à l'infini assume, dans la Critique, la fonction d’un principe purement méthodologique. Il prescrit simplement que la régression empirique de la décomposition d'un tout donné dans l’intuition ne pourra jamais être considérée comme absolument complète. Les limites de l’expérience peuvent toujours être repoussées, mais jamais outrepassées, comme le prétendent indûment les affirmations des antinomie. Par exemple, dans les affirmations antinomiques telle que ‘le tout est constitué des parties infinies’ ou encore ‘le tout est organisé à l’infini’, le problème est qu’il y a un saut vers la substance conçue non comme phénomène mais comme noumène. La quantité de parties, même infinie, se trouve déjà déterminée en elle-même. Dans ce sens, Kant affirme :

En effet, l’infinité de la division d’un phénomène donné dans l’espace se fonde uniquement sur ce que, par ce phénomène, est donné simplement la divisibilité, c’est-à-dire une multitude de parties absolument indéterminée en soi, tandis que les parties elles-mêmes ne sont données et déterminées que par la subdivision, en un mot sur ce que le tout n’est pas déjà divisé en lui- même. (A526/B554 ; Ak III, 359).

La quantité de parties qui composent un tout déterminé dépendra exclusivement de l’expérience, c'est-à-dire, jusqu’où on prétend qu'il est possible d'aller dans la régression empirique de la décomposition. Si les parties d’un composé quelconque sont déjà distinctes par l’expérience, il sera considéré comme un quantum discretum et la règle de la divisibilité infinie ne s’applique plus. Il est alors possible d’associer un

façon extensive, ou alors, comme quantités de l’unité, et non intensivement. A ce propos, Kant affirme :

Mais de savoir jusqu’où s’étend la division transcendantale d’un phénomène en général, ce n’est point l’affaire de l’expérience, mais un principe de la raison qui veut que l’on ne tienne jamais pour absolument achevée la régression empirique dans la décomposition de ce qui est étendu, conformément à la nature de ce phénomène. (A527B555 ; Ak III, 360)

La méthode transcendantale considère que les deux idées cosmologiques mathématiques, l’une qui s’applique à la complétude absolue de la composition de l’ensemble donné de tous les phénomènes et l’autre à la complétude absolue de la division d’un ensemble donné dans le phénomène, doivent être considérées comme des règles méthodologiques, et non comme des principes constitutifs des choses en soi. Le conflit dans les antinomies surgit exactement quand de tels principes sont conçus en termes de choses et non en termes de méthodes. Le principe cosmologique de la totalité, tant de la composition que de la division, ne peut fonctionner comme un principe constitutif de la raison, qui permet d’amplifier le concept du monde des sens au-delà de toute expérience, admettant comme donné en soi tant le monde que la totalité inconditionnée de la série de ses conditions. Toutefois, le principe cosmologique de la totalité peut fonctionner comme règle qui prescrit une continuité et une amplification maximale possible de l’expérience, dans laquelle aucune limite ne doit valoir comme absolue. Kant l’intitule, dans ce cas, un principe régulateur de la raison, un principe « qui postule comme règle ce qui doit arriver de notre fait dans la régression et

n’anticipe pas ce qui est donné en soi dans l’objet antérieurement à toute régression»

(A509/B537 ; Ak III, 349).

Le principe régulateur ne nous autorise pas à dire ce que l’objet est, mais comment la régression empirique doit s’exécuter. Dans l’usage régulateur, le principe de raison cesse d’être dialectique et se transforme en un principe méthodologique, dans la mesure où il est capable de résoudre le conflit de la raison avec elle-même, et aussi de pouvoir réellement se placer au service de l’entendement dans la recherche d’une continuité et d’une amplification maximale de l’expérience.

Nous devons, ainsi, prendre en compte les différences d’affirmation d’un principe contenu dans la Critique de la raison pure et de celle contenue dans la

« Dynamique » de la Métaphysique de la Nature. Le théorème 4 n’a pas le statut d’un principe régulateur de la raison, mais d’un principe constitutif de l’expérience. Toutefois, c’est un principe constitutif qui ne s’assimile en aucune façon aux propositions des antinomies. Dans celles-ci, l’objet est constitué comme une chose en soi, tandis que, dans la dynamique de la science de la nature, l’objet se constitue comme phénomène, soumis aux conditions spatio-temporelles de l’intuition sensible.

Conclusion

Solution du paradoxe entre l’antinomie dialectique et le

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