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CHAPITRE 6 : SYNTHESE, CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

6.1. Synthèse des résultats

Globalement, nos entretiens ont laissé aux participants la possibilité de s’exprimer librement par rapport à différentes questions portant sur les grands axes thématiques à la base de notre projet de recherche. Ce faisant, il s’est avéré opportun de structurer nos analyses en plusieurs sous-chapitres afin de relier de façon cohérente les multiples aspects émergés avec nos questionnements initiaux. C’est ainsi que les éléments ressortis nous ont permis de relever des aspects majeurs du métier de DSP, lesquels s’avèrent particulièrement importants pour comprendre une profession singulière encore peu étudiée et, surtout, soumise à des évolutions continuelles en termes de système d’habilitation. Plus précisément, les résultats issus de notre recherche nous permettent de mettre en évidence le côté situationnel de l’apprentissage du métier, le sentiment - voire le besoin - d’appartenir à une catégorie professionnelle distincte, ainsi que la valeur positive accordée à l’habilitation comme dispositif commun à tous les DSP, qu’importe le parcours académique entrepris dans l’un des domaines proches des sciences de l’éducation.

6.1.1. Un métier appris en situation de travail

La totalité des entretiens font ressortir la centralité de la confrontation avec la réalité du terrain professionnel. En effet, nos analyses mettent en évidence que le développement professionnel et l’appropriation de tout type de savoir ne peuvent se faire véritablement qu’en situation de travail.

Cependant, nous avons relevé que le degré de dissonance lacunaire varie d’un participant à l’autre selon la valeur accordée aux acquis retenus à partir du parcours de formation entrepris.

Par la suite, un regard plus approfondi porté sur le processus de professionnalisation impliquant les DSP a mis en évidence, pour la totalité des interviewés, le caractère évolutif du profil professionnel ainsi que l’importance d’un agir réfléchi - ce dernier point résultant en particulier de la marge de manœuvre dont disposent ces professionnels. Aussi, les discours de nos participants ont fait émerger le fait que le contexte multiple et varié du champ du soutien pédagogique place les DSP dans une position médiane allant accentuer l’aspect relationnel du métier. De ces constats, il ressort que le savoir lire une situation de désadaptation scolaire dans sa complexité est une compétence centrale dans le métier de DSP, mais qu’elle implique la prise en considération de plusieurs acteurs avec lesquels il s’agit de mettre en place un certain projet pédagogique. Ainsi, l’interaction se révèle parfois difficile, surtout celle avec les familles ou les enseignants ordinaires, ce qui fait émerger l’importance de viser des interactions axées sur l’horizontalité ainsi qu’à une

certaine neutralité, cette dernière étant indispensable pour un professionnel tel que le DSP parce que placé toujours au carrefour de relations plurielles.

Au final, nous acceptons notre première hypothèse de recherche, tout en affirmant que, tenant compte de l’absence d’une formation spécifique au métier, les DSP n’acquièrent qu’en pratique de véritables compétences nécessaires à l’exercice de leur profession. Plus particulièrement, nous relevons une trajectoire constructiviste qui caractérise la figure professionnelle des DSP, celle-ci ne pouvant se constituer que progressivement à travers la confrontation aux contextes inédites du milieu professionnel. À la lumière de des constats, il émerge le lien avec les théories touchant à l’apprentissage en situation de travail et soutenant l’idée selon laquelle le contexte de travail est une source de multiples apprentissages, lesquels sont plus ou moins favorisés par différentes ressources - tant matérielles que sociales - mises à disposition par l’environnement. À ces propos, notre recherche a permis de faire ressortir que l’engagement de la part de l’individu se révèle fondamental dans le métier du DSP, surtout tenant compte du fait que ce professionnel ne bénéficie d’aucun accompagnateur l’aidant à s’insérer progressivement dans le métier - intégration qui ne respecte donc pas la logique progressive prônée par l’idée de participation périphérique légitime. Par conséquent, les DSP sont forcés d’adopter une posture proactive pour repérer les affordances dont ils nécessitent pour construire leur propre bagage de compétences, ce qui est aussi indispensable quand le climat de travail ne se présente pas comme sécurisant et, plus en général, pour apprendre leur métier.

6.1.2. Le sentiment d’appartenance à une même catégorie professionnelle malgré des contextes d’activité distincts

Les résultats issus de notre recherche mettent en évidence que la confrontation à autrui est un élément omniprésent dans la pratique de tout DSP. Cependant, nos participants différencient les liens de collaboration qui se font avec des pairs DSP de ceux qui se font avec tout autre type d’acteur impliqué. Plus particulièrement, la collaboration avec les familles ainsi que celle avec les enseignants titulaires est souvent une entrave à la mise en place optimale du projet pédagogique.

C’est ainsi qu’il émerge l’importance des échanges avec d’autres DSP, lesquels se font pendant des rencontres en équipe - étant donc plutôt limitées en durée et fréquence - ou pendant des moments hors du temps scolaire que les DSP doivent se créer volontairement. Tous ces espaces temporels se révèlent primordiaux pour échanger des idées, recevoir des conseils ou des opinions, comparer les pratiques, etc. Plus précisément, c’est le fait de n’être pas directement immergé dans un même milieu de travail que les pairs qui porte les DSP à expliciter un certain besoin de rencontre avec des professionnels du même statut, ce qui va par conséquent créer un sentiment d’appartenance à une même communauté de pratique. Celle-ci n’étant alors pas à entendre comme un groupe de professionnels exerçant les mêmes tâches et où le novice s’intègre progressivement selon une logique de participation périphérique légitime, mais plutôt comme une

communauté de référence qui est présente malgré le fait qu’elle soit constituée par des professionnels différents et travaillant à des endroits divers. Par conséquent, il émerge un sentiment général d’appartenance à une communauté de pratique donnée qui trouve ses racines dans une forte identification à une catégorie professionnelle précise et unique plutôt que dans le fait de pratiquer des activités similaires. De plus, il apparaît que la communauté de pratique des DSP se crée au niveau général plutôt qu’au niveau des équipes sous-régionales, cela malgré la conscience de la spécificité du fonctionnement de chacun de ces groupes. En effet, le sentiment d’appartenance à l’une de ces équipes ne ressort en aucun cas comme une volonté de s’identifier à un regroupement donné.

D’ici émerge le sentiment d’appartenance à une communauté de pratique précise, mais il s’agit de constater aussi que celui-ci n’est pas le même pour tous. En effet, nos participants sont conscients de l’hétérogénéité des profils de DSP, ce qui fait qu’ils se réfèrent plus à certains collègues qu’à d’autres en fonction de leurs nécessités. Plus particulièrement, ces regroupements peuvent se faire non seulement sur la base du type de parcours de formation entrepris, notamment de certaines idéologies, mais aussi pour des raisons d’âge ou de situation géographique (DSP travaillant dans un même bâtiment scolaire).

Au final, d’une manière générale, notre deuxième hypothèse semble être validée. En effet, malgré le fait que le réseau de collaboration du SSP ne comprend pas directement d’autres DSP, les différents DSP revendiquent leur appartenance à une communauté de pratique singulière, ce qui se fait à travers l’identification à un rôle précis et non via le déploiement d’activités professionnelles similaires. Enfin, nous citons le cas particulier de Sabine, laquelle revendique son rôle tout en ne ressentant pas le besoin de se confronter à d’autres DSP. Ceci nous permet de renforcer davantage la validité de notre hypothèse, notamment en mettant en exergue la présence d’un fort sentiment – voire une forte volonté - d’appartenance à la catégorie professionnelle des DSP, malgré l’indépendance vis à vis des pairs.

6.1.3. La validité du système d’habilitation

Les entretiens recueillis ont permis de mettre en évidence que, malgré la présence d’aspects tant positifs que négatifs de l’habilitation, les DSP semblent avoir pu tirer davantage de bénéfices à partir de ce programme de formation. Plus précisément, ce dispositif apparaît comme une occasion pour rencontrer des pairs, donc pour se retrouver dans une sorte de communauté de pratique où prévaut un partage contribuant à la construction du parcours de professionnalisation.

De plus, l’habilitation est censée représenter une opportunité pour acquérir certains savoirs qui ne sont pas transmis par des formations académiques. En particulier, le système d’habilitation mis en place actuellement rencontre des avis positifs et les essais fait au cours des années pour améliorer ce dispositif sont appréciés par nos interviewés. Ainsi, ils reconnaissent ces efforts en

termes de planification pédagogique, tout en étant conscients de la complexité résidant dans la mise en place d’un dispositif répondant à une multiplicité de besoins différents.

Toutefois des points négatifs émergent, touchant surtout à une négligence par rapport à l’hétérogénéité des profils de DSP, ce qui a pour conséquence que, d’un côté, plusieurs enseignements sont perçus comme répétitifs et donc comme des occasions perdues pour l’apprentissage d’autres connaissances essentielles à l’exercice du métier. D’un autre côté, les DSP non issus d’un cursus d’enseignement primaire n’ont pas des compétences en matière de didactique, alors que c’est un aspect central demandé à tout DSP. Par conséquent, le champ de l’enseignement ordinaire en général ainsi que celui de la psychologie scolaire sont des domaines qui apparaissent comme très importants. Leur intégration au sein du programme d’habilitation est par conséquent estimée comme pertinente.

Dans cette optique, tout savoir permettant de tisser des liens directs avec la pratique s’avère particulièrement important. Il apparaît alors comme souhaitable de prévoir des moments d’accompagnement, par exemple sous la forme de stages, de témoignages de la part de DSP chevronnés ainsi que d’espaces pour favoriser la réflexion sur la pratique. C’est cette dernière tout particulièrement qui aide à créer des ponts entre théorie et pratique, ce qui semble par ailleurs être visé par les laboratoires didactiques actuellement proposés au sein du programme d’habilitation.

Au final cependant, nous ne pouvons pas accepter notre troisième hypothèse selon laquelle un dispositif de formation spécifique au métier serait vu comme plus pertinent que l’année d’habilitation. En effet, c’est le système d’habilitation qui est considéré rester une bonne occasion pour favoriser le passage à la réalité professionnelle du DSP. Plus précisément, le dispositif actuel proposé sous la forme de MAS est non seulement vu positivement par les DSP interviewés, mais il est aussi jugé s’orienter davantage vers des besoins concrets. Les efforts faits pour répondre mieux aux multiples exigences des DSP sont donc appréciés et s’opposent à une tendance générale - de la part d’une partie de la population tessinoise au sens large30- à considérer l’habilitation sous un angle négatif. Il s’avère alors que l’idée courante régnant au sein d’une partie de la population tessinoise est beaucoup plus négative que la réalité même de l’habilitation.