• Aucun résultat trouvé

Apprentissage en situation de travail et lien avec le parcours de formation

CHAPITRE 5 : PRESENTATION ET DISCUSSION DES RESULTATS

5.1. Eléments du parcours professionnel des DSP qui relèvent des théories de l’apprentissage en

5.1.2. Apprentissage en situation de travail et lien avec le parcours de formation

Malgré le ressenti commun d’un brusque saut caractérisant l’entrée dans la profession, il est possible de mettre en évidence des divergences en ce qui concerne la façon de concevoir l’apprentissage au travail, notamment en fonction de la valeur attribuée au parcours de formation.

Plus précisément, nous repérons quatre types de rapports à la formation, reliés à certaines

24 À noter qu’ici le parcours de formation est à concevoir sans prendre en compte le programme d’habilitation mais uniquement les études académiques préalables à l’entrée en formation.

sensations de s’être plus ou moins développé grâce aux acquis préalables intégrés dans les études.

5.1.2.1. Premier type de rapport avec la formation : aucun lien avec la formation

Premièrement, le cas le plus négatif est celui où le DSP se trouve dans l’impossibilité de tracer des liens entre son parcours de formation et son activité professionnelle. C’est le cas notamment de Laurence, qui affirme n’avoir pu faire aucunes liaisons entre ces deux parcours (« C’est tout autre monde ! », Laurence, l.198). Elle fait émerger le fait d’avoir dû se débrouiller afin de repérer les ressources nécessaires pour apprendre à pratiquer le métier (« c’est moi qui s’est débrouillée », Laurence, l.236) et que c’étaient les expériences concrètes, les essais et les efforts qui lui ont permis d’apprendre le métier (« au début en septembre de la première année de travail, on arrive là et!

on se base un peu- il y a des livres, il y a du matériel, il y a des DVD, on avance un peu grâce à l’intuition, avec les souvenirs:! [!]. Avec ses propres expériences », Laurence, ll.238-241).

À partir de ces considérations, il ressort que l’entrée dans le métier se caractérise dans ce cas par une myriade d’apprentissages inédits permettant de se créer son profil professionnel depuis le point zéro. Ici, la critique majeure a été posée sur une formation académique ne proposant aucun stage pratique tout au long du cursus (« chez nous il n’y avait rien [!]. ZERO en pratique, vraiment zéro », Laurence, ll.210-212), facteur estimé central dans la transmission de connaissances concrètes facilitant l’entrée dans le monde du travail et permettant aussi de se faire une idée moins abstraite de la réalité du terrain (« tout ce que nous avons appris à l’école:- à l’Université! utile au niveau théorique mais puis concrètement! ces choses là on ne les utilise pas », Laurence, ll.202-203 ; « Pour cela je dis d’introduire peut-être DEJA au niveau du Master, au niveau de la formation, un stage » ; Laurence, l.464).

5.1.2.2. Deuxième type de rapport avec la formation : l’émergence secondaire de l’utilité des études universitaires

Deuxièmement, les études académiques sont perçues comme une ressource qui doit être mise de côté à l’entrée dans la formation et qui ne sera mobilisée que dans un second temps après avoir acquis d’autres compétences nécessaires pour agir tout de suite dans le contexte scolaire (« après c’est comme si on le prend, on le met de côté un moment et on se concentre sur les choses un peu plus pédagogiques », Aline, ll.412-413). L’extrait suivant illustre plus précisément ces propos :

« on n’a rien. Dans le sens qu’on n’a non plus une formation d’enseignant pur. Je pense que dès qu’on commence/ si on a au moins une formation en enseignement on est avantagé. Nous ne l’avions pas. Puis, au fur et à mesure qu’on apprend les choses là, ou qu’on voit les objectifs visés- que les enseignants DOIVENT rejoindre année d’après années etcétéra, PEUT-ÊTRE après le fait d’avoir étudié psychologie ça devient après un certain nombre d’années comme un point à son

faveur. Mais c’est vrai qu’il faut en tout cas récupérer toutes ces choses plus didactiques, pédagogiques » (Aline, ll.209-215)

Cet énoncé a été prononcé par un DSP ayant à la base une formation en psychologie, raison pour laquelle ce sont les compétences didactiques et organisationnelles inhérentes au fonctionnement scolaire qui manquent, mais qu’il s’avère indispensable d’acquérir immédiatement pour s’intégrer dans le monde de l’école. Ainsi, les acquis obtenus grâce à la formation peuvent peut-être se révéler un avantage, mais seulement dans un deuxième temps (« quand on étudie psychologie ce n’est pas qu’on t’enseigne les choses », Aline, l.206). Suite à ces considérations, il émerge une pression lié au besoin de combler tout de suite les lacunes présentées afin de pouvoir s’adapter au fonctionnement scolaire, ce qui fait qu’une formation en enseignement est vue comme une source importante pour savoir exercer dès le début le métier de DSP.

Dans une même optique, David fait d’une part émerger sa passion pour les tests psychologiques, mais, d’autre part, il souligne que l’utilisation de ces outils ne suffit pas pour se sentir prêt à affronter le monde du soutien pédagogique. Il affirme s’être en effet trouvé au début dans un milieu professionnel sans disposer des compétences pratiques requises par le contexte professionnel.

Plus précisément, il parle de manques en termes de didactique et de connaissances des troubles spécifiques (« ce qui manque un peu c’est, au moins pour le type de formation que j’ai fait oui [!] beh, déficits spécifiques ou déficits didactiques, dans des différents domaines, oui », David, ll.375-380), ce qui l’a porté à devoir apprendre par la suite les différentes façons d’agir (« il me semble que les enseignants de soutien arrivent un peu à se construire quelque chose: sans avoir déjà une préparation théorique qui leur permet de: », David, ll.370-371). C’est dans cette perspective qu’Hélène fait ressortir que les liens entre théorie et pratique ne se font pas de manière automatique, mais qu’ils doivent être faits volontairement, ce qui n’est possible qu’artificiellement par le biais d’efforts personnels (« il faut reprendre les bouquins et essayer de: faire TOI le lien entre théorie et pratique », Hélène, ll.84-85).

De ce fait, il y a un appel à la découverte qui se fait sur le terrain (« j’ai commencé sur le terrain à apprendre choses que l’Université ne te transmet pas », Hélène, ll.37-38) et qui exige dans un premier temps de remédier aux carences de son profil professionnel en fonction des lacunes dues à une formation non spécifique (« lorsque j’ai débuté je me suis trouvée un peu en difficulté dans le travail qui m’était demandé car il y avait des instruments spécifiques de l’enseignant du soutien pédagogique que je ne connaissais pas et qu’on ne t’apprend pas », Hélène, ll.268-270).

Ces constatations proviennent principalement de DSP ayant une formation en psychologie tels que David, Aline et Hélène, mais elles sont aussi mentionnées par Nadine, laquelle dispose à la base d’une formation en enseignement primaire (« Je pense que comme base, ce qui manque un peu c’est vraiment l’aspect scolaire, celui de la didactique », Nadine, l.551). C’est en effet cette dernière qui souligne l’importance de la didactique dans le métier de DSP, ce qui mène à se questionner par

rapport à la pertinence de demander un certain niveau de formation (de Master notamment) et aucune base au niveau de l’enseignement à proprement parler (niveau Hautes Ecoles Pédagogiques notamment) :

« Je vois que les filles qui sont entrées dernièrement dans l’équipe viennent! nous avons des personnes psychothérapeutes\ Dans le sens, personnes SUPER formées, mais du point de vue didactique/ encore la dernière fois l’une me disait “mais moi de didactique je ne connaît rien ! Je ne sais pas quoi présenter, comment travailler sur cette chose”, comme par exemple une difficulté d’orthographie chez un enfant [!]. Je veux dire que c’est dommage qu’une personne arrive dans un environnement, une profession tellement engageante, car couvrant des nombreux aspects, avec cette lacune/ parce que cela peut conférer une sensation d’insécurité, même si après elle est sûre dans tous les autres aspects » (Nadine, ll.618-624)

Pour rappel, Nadine avait aussi suivi - après son diplôme d’enseignante et après des années d’expérience au niveau des remplacements dans le champ du soutien pédagogique - une formation en sciences de l’éducation. Celle-ci étant jugée intéressante, mais quand même très abstraite et ne transmettant rien de pratique pouvant préparer à l’exercice concret du métier de DSP (« [L’Université de] Pavie ne m’a rien transmis de tout cela [!]. Pavie m’a transmis beaucoup du point de vue psychologique et pédagogique et m’a servit de base pour ce qu’après c’est l’aspect psy de l’enfant », Nadine, ll.483-485). Encore une fois, la formation universitaire est considérée comme utile seulement dans un second temps, notamment pour une pratique plus approfondie et consciencieuse, une fois acquis les savoirs de base nécessaires pour la pratique concrète.

5.1.2.3. Troisième type de rapport avec la formation : l’entrée dans la pratique comme occasion pour enrichir les apports de la formation

Troisièmement, l’entrée dans la profession est vécue comme une suite d’apprentissages permettant de compléter son propre profil, tout en acquérant des savoirs que la formation n’a pas permis d’apprendre. Il y a donc un certain décalage entre formation et activité professionnelle. La particularité de cette catégorie, c’est que le bagage de compétences déjà acquises est mobilisé tout de suite et se complète au fur et à mesure de la confrontation avec le milieu de travail. Dans cette perspective, Nadine affirme que toute formation entreprise a été moyen pour renforcer des compétences déjà intégrées, tout en aidant à donner du sens à sa pratique professionnelle (« Les autres formations ont été par la suite des études qui m’ont aidée, qui m’ont confirmé cette chose et qui m’ont aidée à comprendre », Nadine, ll.446-447).

Plus précisément, il est intéressant de constater que les participants qui se situent dans une telle perspective sont ceux qui disposent à la base d’un diplôme d’enseignant, notamment Nadine et Sabine. L’idée est alors de concevoir la formation des enseignants comme un socle de base sur lequel construire par la suite d’autres compétences nécessaires au métier de DSP (« à la base je suis enseignante, chose qui m’a aidée énormément dans ce métier », Nadine, l.11 ; « le fait de provenir de

l’école pour nous c’était un avantage », Nadine, l.553) et qui permet aussi d’avoir à disposition pas mal de matériel scolaire déjà préparé (« J’avais beaucoup de matériel: déjà préparé », Sabine, l.170).

Plus particulièrement, au-delà du diplôme d’enseignante et de celui en psychologie, Sabine a aussi ressenti le besoin de se former encore à certains instruments spécifiques lui permettant de savoir agir face à des cas particuliers de désadaptation scolaire (« Les instruments “à mettre en pratique pour” j’ai dû les apprendre » ; Sabine, ll.194). Au final, il ressort que la vaste gamme de connaissances nécessaires au métier de DSP ne puisse pas être totalement satisfaite par aucun cursus de formation, d’où l’importance de l’apprentissage en situation de travail et de continuer à se former tout au long de sa carrière.

De plus, Sabine cite l’avantage d’entreprendre des études académiques après quelques années de pratique représentées par le parcours de formation professionnelle au niveau de l’Haute Ecole Pédagogique. Cela a motivé la reprise des études et a aidé à tracer des liens plus concrets entre les aspects abstraits de la formation universitaire et la réalité du terrain (« Là : c’était vraiment prolonger ce que j’avais découvert un peu comme des premières notions au niveau de l’Haute Ecole Pédagogique », Sabine, ll.153-154 ; « je trouve vraiment que c’était! un parcours où au fur et à mesure j’ai pu compléter des choses », Sabine, l.158 ; « je pense qu’on y fait face avec un autre regard car on a déjà une expérience », Sabine, l.162-163 ; « On peut relier beaucoup de choses à l’expérience pratique.

C’était vraiment intéressant cela », Sabine, l.165). Au final, il ressort que l’enrichissement du profil professionnel se fait grâce à une confrontation progressive tant à des savoirs nouveaux qu’à des situations réelles.

5.1.2.4. Quatrième type de rapport avec la formation : un continuum entre formation et pratique

Quatrièmement, même si l’entrée dans le monde de la pratique pose le sujet dans une situation déstabilisante et demande l’apprentissage de plusieurs compétences que le débutant ne dispose pas encore, ce passage-là est vu comme un véritable continuum qui mène à la concrétisation des savoirs déjà acquis en théorie. Dans cette perspective, il n’y a pas de rupture entre le parcours de formation et celui professionnel, mais l’un est la suite de l’autre : plus particulièrement, l’un permet d’expliquer et de donner du sens à l’autre. Dans ce sens, Marlise s’exprime par rapport à ces deux parcours de la manière suivante :

« Plutôt que différente c’est que pendant qu’on étudie et qu’on lit les pathologies, en réalité on ne se rend pas vraiment compte de qu’est-ce que c’est et de comment c’est vraiment dans la réalité. Mais cela ne veut pas dire que ce sont deux réalités complètement parallèles qui ne se croisent jamais » (Marlise, ll.73-75)

Ainsi, si d’une part Marlise affirme s’être sentie perdue à l’entrée dans le métier à cause d’une divergence entre la réalité académique et la réalité tessinoise du soutien pédagogique - décalage qui s’est par la suite réduit grâce à l’habilitation (« L’habilitation/, disons que ça m’a aidée à [!]

compléter ma formation, car d’abord elle se fait au Tessin. Donc, on parlait de la réalité tessinoise », Marlise, ll.390-392) -, elle souligne d’autre part l’utilité d’avoir suivi son Master en parallèle à l’entrée dans la profession, ce qui a favorisé le transfert immédiat des connaissances théoriques dans la pratique (« C’est comme si j’étais en train de suivre une formation avec la possibilité de la l’actualiser », Marlise, l.375). Elle parle alors d’une construction progressive du parcours et d’une mise en commun des différents éléments tant théoriques que pratiques (« C’est ainsi que là on construit petit à petit son parcours et on commence à mettre ensemble les morceaux », Marlise, ll.79-80).

Dans ce cas, la particularité réside dans la juxtaposition du Master et du début de la carrière en tant que DSP, ce qui est susceptible donner du sens à la sensation de continuité perçue entre le parcours de formation et le parcours professionnel.

Par ailleurs, Linde décrit la formation comme le socle qui a modélisé sa façon de penser, une sorte de cadrage sur lequel repose par la suite toute action professionnelle (« [le parcours universitaire]

Il est très important et il te transforme au niveau de pensée. Au moins, en psychologie on se crée une pensée grâce aux études suivis », Linde, ll.143-144). À la lumière de ces considérations, il ressort que la formation prépare, forme et guide l’action professionnelle (« Donc, à mon avis, pour la lecture des situations, le parler.. avec les enseignants, la récolte des informations de la part des parents, l’arrière-plan dont j’avais parlé c’était important », Linde, ll.159-160 ; « lorsqu’on entre dans le monde du travail, en fonction du type de profession mais dans tous les domaines auxquels on peut accéder en général avec une telle formation/, cet arrière-fond te GUIDE dans ta manière d’agir et de travailler », Linde, ll.146-148).