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CHAPITRE 5 : PRESENTATION ET DISCUSSION DES RESULTATS

5.3. Eléments mettant en avant la valeur de l’habilitation

5.3.1. L’utilité de l’habilitation

5.3.1.1. Un support à la construction du profil professionnel

Tout d’abord, nous citons la particularité du cas de David qui, pour des raisons organisationnelles et relatives au nombre de participants, a suivi une année d’habilitation au sein d’un groupe se formant à l’enseignement spécialisé (« la chose qui faisait un peu rire c’était que moi je l’ai suivie avec un groupe d’école spécialisée et ce n’était plus un groupe de soutien », David, ll.103-105). Ce participant dédramatise ce fait (« ça c’est les choses un peu bizarres qui arrivent, mais sinon tout bien », David, ll.115-116), tout en se limitant à affirmer qu’il aurait préféré se trouver dans une classe destinée à se spécialiser au soutien pédagogique mais que cela n’était logistiquement pas possible à cette période-là (« non plus l’année suivante on aurait organisé un groupe de soutien, donc je me serais trouvé à ne pas l’avoir suivie quand je pouvais et après peut-être attendre plus de deux années pour la suivre, donc à ce point là je me suis dit: fait-la maintenant ! », David, l.115). En outre, ce même témoignage fait émerger que David aurait souhaité pouvoir plus bénéficier de la formation, notamment par des enseignements plus ciblés. En effet, même s’il a pu faire son travail de diplôme en lien avec sa branche de spécialisation, les cours portaient plus sur l’école spécialisée que sur le soutien

27 Pour rappel, Sabine et Laurence sont les seuls deux participants qui n’ont pas suivi l’habilitation: la première parce qu’employée avant l’installation du dispositif (ce qui a fait qu’elle a été automatiquement habilitée), alors que la deuxième parce que venant d’être employée et n’ayant pas encore pu suivre un tel programme.

pédagogique (« le travail de diplôme était quand même: basé sur des aspects du soutien, mais le groupe était d’école spécialisée, donc la plupart de la formation était intéressante, mais n’était pas vraiment!», David, ll.107-108). Enfin, malgré les décalages relevés, David semble satisfait de l’habilitation et affirme l’avoir trouvée précieuse pour la construction de son profil professionnel (« sûrement cela t’apporte toujours quelque chose, moi j’aime bien aussi penser de traire le côté positif de n’importe quel type d’expérience », David, ll.121-122).

Ensuite, aussi Linde évoque l’utilité de l’habilitation, tout en soulignant en particulier l’importance des échanges avec les pairs et les professionnels qui ont lieu pendant cette formation (« il a été intéressant! parler avec les autres personnes, aussi des gens vraiment compétents donc au niveau de COLLEUGES », Linde, ll.497-498), ce qui l’a aidée à mieux encadrer ses actions professionnelles (« au niveau des échanges. Je trouve qu’il a été très utile surtout pour organiser aussi une certaine [!] forme mentale dans l’approcher des projets », Linde, ll.486-487). De plus, Linde parle de la faisabilité de ce programme : elle ne s’est pas sentie surchargée et a pu profiter des enseignements tranquillement et sans aucune pression (« Ils ont fait des demandes à mon avis ACCEPTABLES et tranquilles », Linde, l.483). À partir de ces considération, il apparaît que, même si un programme plus chargé lui aurait peut-être plus apporté en termes de quantité d’apprentissages (« donc j’ai obtenu quelque chose peut-être d’un peu MOINS! complet », Linde, l.484), Linde semble rester satisfaite de l’habilitation suivie (« enfin, JE trouve! que cela a été utile comme ça » ; Linde, l.471).

Puis, nous citons le cas de Marlise, la seule personne interrogée qui a suivi l’habilitation sur deux ans. Il s’avère intéressant à noter que, de façon spontanée, cette participante n’a évoqué que des aspects positifs du programme (« L’habilitation/, disons que ça m’a aidée à [!] compléter ma formation », Marlise, ll.390-391). Plus particulièrement, Marlise ne parle de la fatigue à suivre cette formation sur deux ans que lorsque nous lui avons posé spécifiquement une question à ce propos.

De ce fait, c’est dans un second temps qu’il est ressorti que l’habilitation a demandé de nombreux efforts et un engagement assez conséquent de la part de Marlise, sentiment qui a été renforcé par le fait de devoir se déplacer chaque semaine jusqu’au DFA28Ça a été longue et ardue pour tous.

Pour tous. Nous avons souffert pendant ces années », Marlise, l.458). Dans cette perspective, Hélène, la seule DSP interviewée étant actuellement en habilitation, donc la première à suivre le programme sous la forme de MAS, souligne la lourdeur de l’habilitation au niveau du temps et des efforts à investir (« Donc c’est plutôt engageant en termes de:! de! temps de travail », Hélène, l.132) : plus en détails, elle déconseille de travailler au 100% en parallèle à un tel programme (« Ça peut-être utile oui, avec un travail beh, pas au 100% car c’est très engageant », Hélène, l.420).

En outre, Marlise prône l’utilité de l’habilitation, tout en évoquant le grand nombre de compétences qu’elle a pu acquérir tant au niveau théorio et réflexif qu’au niveau concret et pratique (« Compétences:! aussi au niveau théorique et pratique l’habilitation », Marlise, ll.408-409). Par

28 Trajet que, d’après nos connaissances du territoire, nous estimons prendre au minimum une heure et quart pour Marlise.

exemple, cette participante cite avoir abordé la thématique de la médiation, un aspect notamment jugé comme central dans la pratique du DSP ; elle reconnaît donc la pertinence de traiter ce sujet plus en profondeur (« nous avons abordé la thématique de la médiation, donc de la réflexion, notamment par rapport à ce qu’elle signifie un peu- nous aussi sommes un peu médiateurs dans notre rôle de médiateurs entre enseignant et famille, entre enfant et enseignent/ », Marlise, ll.409-411). L’habilitation apparaît donc aux yeux de cette participante comme indispensable non seulement pour le développement de son propre profil, mais aussi comme un levier essentiel pour permettre à tout DSP de rester actif dans sa démarche de construction professionnelle (« Puis Locarno/ ça active un moteur qu’à mon avis il est nécessaire réactiver, car après su cours des années on tend selon moi à s’asseoir, de ça je me suis rendue compte avant », Marlise, ll.433-435).

C’est ainsi que, d’une façon générale, l’habilitation s’avère un moyen utile pour favoriser des liens entre parcours de formation et activité professionnelle, tout en apportant des compléments de formation plus spécifiquement orientés vers la préparation au métier et en comblant - au moins en partie - celle que nous avons appelée dissonance lacunaire. Ici, il s’avère opportun de faire le lien avec les différents types de rapports avec la formation évoqués auparavant (Cf. Chap. 5.1.2.), l’habilitation étant un programme conçu pour optimiser ces relations. Premièrement, elle est censée éviter qu’il y ait un décalage net entre le parcours académique et l’activité professionnelle, tout en permettant de faire des liens avec les acquis académiques qui résultent autrement de façon trop abstraite (« tout ce que nous avons appris à l’école:- à l’Université! utile au niveau théorique mais puis concrètement! ces choses là on ne les utilise pas », Laurence, ll.202-203). Deuxièmement, l’habilitation devrait transmettre des compétences concrètes du métier que les DSP ne disposent pas encore à cause d’une formation préalable ne portant pas spécifiquement sur la totalité des savoirs qu’il s’agit de déployer dès le début de la carrière (« en arrivant des études en psychologie, BEAUCOUP de choses plus pédagogiques on nous les a apprises et on nous les a transmises », Aline, ll.103-104) 29 . Troisièmement, elle est censée représenter une occasion d’enrichir les connaissances déjà acquises, tout en favorisant l’approfondissement du champ de soutien pédagogique en général (« l’habilitation devrait, à mon avis, parvenir à être suffisamment élastique afin de compléter la formation précédente, selon le parcours de formation de l’individu », Nadine, ll.195-196).

Quatrièmement, l’habilitation devrait optimiser le continuum qu’il y a lors du passage caractérisée par l’entrée dans la profession, notamment en permettant d’approfondir et de donner un sens plus concret aux apprentissages déjà acquis et considérés comme essentiels pour la pratique (« L’habilitation/, disons que ça m’a aidée à [!] compléter ma formation, car d’abord elle se fait au Tessin.

Donc, on parlait de la réalité tessinoise », Marlise, ll.390-392).

29 À souligner que cette lacune semble être remédiée - au moins en partie - à travers le dispositif actuel d’habilitation qui consacre toute une partie modulaire à des laboratoires portant sur des spécificités évolutives, notamment les troubles spécifiques dans l’apprentissage, l’évolution de l’intelligence numérique et la dyscalculie, le trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité, la mémoire et les déficits du développement au sens large (DFA, 2014).

5.3.1.2. Liens directs avec la pratique, confrontation à des professionnels chevronnés et échanges avec les pairs

Globalement, les témoignages recueillis font émerger un autre avantage de l’habilitation, notamment l’intérêt de pouvoir relier les éléments théoriques à la pratique. Il s’agit alors de faire en sorte que le contenu de ce programme de formation puisse se révéler utile tout de suite et puisse ainsi être appliqué dans le travail quotidien du DSP. Par conséquent, l’idée est de penser à l’habilitation plutôt comme une sorte de formation professionnelle, celle-ci portant sur des savoirs et des contenus orientés de façon très directe sur l’activité professionnelle (Gendron, 2008). Par exemple, Hélène souligne l’efficacité d’être sollicité dès le début de l’habilitation, via une invitation concrète à essayer d’appliquer les concepts traités en cours (« Beaucoup [elle affirme que cette stratégie utilisée dans les enseignements est très utile], parce qu’après la journée de théorie il y a toujours l’essai d’amener les choses en pratique non/ donc se rejoindre à ce qu’il est notre: notre travail au quotidien », Hélène, ll.188-189).

Par contre, il est intéressant de relever que Linde dit que ce n’est pas l’habilitation qui permet d’apprendre les savoir-faire (« des choses CONCRETES de la pratique ce n’est même pas là qu’on le:! qu’on en parle », Linde, l.529), parce qu’elle aide plutôt le DSP à organiser son travail afin de rendre ce dernier plus structuré et réfléchi (« au niveau vraiment des procédure de travail, des réflexions SUR le travail/.. cela oui », Linde, l.531). En outre, Marlise souligne l’avantage des évaluations faites au cours de son habilitation, celles-ci étant basées sur des rapports portant sur des activités concrètes mises en place avec les élèves (« ce que moi j’ai fait c’était simplement de retransmettre ce que j’avais le plus aimé de cette année là et de le présenter aux collègues\ [!]. Donc, c’était intéressant parce que:! cela m’a permis de réfléchir sur mon travail pratique », Marlise, ll.426-430). À partir de ces constats, il ressort que les retours issus de ces épreuves formatives sont considérés comme particulièrement utiles et bénéfiques pour l’amélioration et le développement du profil professionnel, comme l’affirme Bourgeois (2014), « pour apprendre plus efficacement en travaillant, il s’agit non seulement de faire, de pratiquer, mais également de réfléchir à ce que l’on fait » (p.150). C’est ainsi que l’habilitation devrait représenter une occasion de remise en question et d’évaluation de soi-même en tant que professionnel : les entretiens font en effet émerger des attentes en termes de développement et d’amélioration de compétences propres à l’individu et en lien avec ses propres interventions professionnelles (« Je trouve qu’il a été très utile surtout pour organiser aussi une certaine [!] forme mentale dans l’approcher des projets », Linde, ll.486-487).

Ensuite, tenant compte du caractère abstrait des formations académiques, nos participants font ressortir la nécessité de pouvoir bénéficier - au niveau de l’habilitation - d’interventions de la part de professionnels issus du terrain et prêts à témoigner de leur expérience, plutôt que parler de choses peu concrètes et très théoriques (« Il y a quelque chefs d’équipe que pendant les laboratoires il a fait intervenir aussi les enseignants de soutien. Et ces fois là on été: si l’on veut les choses le plus intéressantes. Autrement, ça restait tout très: très théorique », Hélène, ll.402-403). À partir de ces

propos, il émerge que le fait d’écouter et d’avoir des échanges portant sur des situations réellement vécues en milieu de travail sont des occasions pour véritablement préparer les DSP.

En effet, cela apparaît aux yeux de ces professionnels comme une source à partir de laquelle retenir un plus grand nombre d’exemples utiles à la construction et au développement de leurs modes d’action (« il a été utile aussi certaines stratégies pédagogique, car l’enseignante que nous avions avait exercé PENDANT DES ANNEES en tant qu’enseignante titulaire et puis pendant des années aussi en tant qu’enseignante de soutien, donc, grâce à son expérience elle nous transmettait aussi des conseils pratiques, concrets », Aline, ll.114-116).

Dans cette perspective, les études de cas sont considérées comme une activité toujours utile, non seulement parce que portant sur des problématiques concrètes, mais aussi parce que susceptibles de faire émerger les points de vue de la part de collègues ayant peut-être un parcours de formation et professionnel différents. Dans ce ses, les études de cas sont estimées apporter des éléments qui auraient été négligés autrement ou n’auraient pas été pris en compte (« il y a maintes aspects: que depuis l’extérieur peut-être on arrive à entrevoir ou:- et puis peut-être je ne sais pas, il y a personnes qui après ont peut-être des compétences et des formations différentes/ et qui te rendent attentif sur des choses que peut-être tu ne prends pas en considération », Hélène, ll.611-613). En lien avec ces propos, il apparaît que l’habilitation se révèle aussi une occasion importante de rencontrer et d’échanger avec des pairs (« ce qui a été utile c’est sans doute la discussion, les échanges qu’on tenait véritablement entre nous. Nos discussions », Aline, ll.127-128), ce qui est censé créer - voire augmenter - le sentiment d’appartenance à une même communauté de pratique (Cf.

Chap. 5.2.1.1.).

Enfin, il apparaît que l’habilitation actuelle, par le fait qu’elle ouvre les portes tant au niveau préscolaire et primaire qu’à celui du secondaire, et permet de se confronter aux différentes réalités d’intervention du SSP. En effet, grâce au stage prévu dans le degré de scolarité autre que celui où le DSP est employé, ce dernier a la possibilité de se faire une idée générale par rapport aux différents degrés concernés par le métier (« on a le temps pour se rendre compte qu’il s’agit d’un autre monde », Linde, l.337). Plus particulièrement, la différence entre les deux niveaux où intervient le SSP apparaît comme énorme (« Il s’agit de tout un autre monde », Linde, l.336), ce qui met en évidence la difficulté pour le programme d’habilitation de transmettre des connaissances suffisantes pour se préparer à intervenir à tout niveau de l’école obligatoire. Il s’agit en effet de constater que les participants sont répartis en fonction de leur milieu d’intervention, ce qui fait que les parties théoriques de habilitation se concentrent davantage sur les aspects liés à l’un des degrés de scolarité selon le public cible, tout en n’abordant pas suffisamment ceux liés à l’autre niveau scolaire (« Si par contre je dois penser à ce que l’habilitation est en train de me transmettre, là je serais en difficulté. Car la formation pour nous c’est plutôt pour le niveau primaire et préscolaire », Hélène, ll.259-260). Par conséquent, il ressort alors que le stage proposé dans le niveau autre que celui de travail est un moyen pour permettre aux DSP d’avoir au moins un premier contact avec la totalité

des degrés où ils devraient être à même d’intervenir, tout en leur permettant donc de tisser un lien concret avec les différents terrains concernés par la profession (« moi je découvre le monde du secondaire grâce au stage », Hélène, l.261).