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CHAPITRE 3 : CADRE THEORIQUE

3.3. Compétence

Au cours de ce travail, nous mobiliserons aussi le concept de compétence. Tout d’abord, nous soulignons le fait que cette notion est soumise à de nombreux débats et réflexions à cause de sa complexité et de la multitude de facteurs qu’elle peut englober (Évéquoz, 2004). Plus en détails, ce terme s’impose aujourd’hui en tant que besoin d’opérationnalisation des savoirs et il résulte de toute une série de transformations sociétales qui ont porté à mettre en exergue la performance.

C’est ainsi que la compétence joue un rôle important, tout particulièrement à l’intérieur du monde scolaire. Elle apparaît en effet comme étant le but ultime de tout acte d’enseignement (Prévost &

Hébrard, 2008). Toutefois il subsiste un concept polysémique qui connaît des multiples définitions.

Il va pour nous s’avérer opportun de le traiter brièvement afin de le cibler et de le situer par rapport à notre cadre de recherche.

D’une façon générale, la compétence mobilise une myriade de ressources hétérogènes s’étendant non seulement sur un plan pratique et cognitif mais aussi au niveau affectif et relationnel (Roux-Perez, 2008). Tenant compte de ces constats, nous nous appuyons sur les propos d’Évéquoz (2004), qui affirme que la compétence relève d’une capacité individuelle à mobiliser différents savoirs. Il s’agit donc d’une sorte d’adaptation des qualités de la personne à la spécificité du contexte, ce qui rend inévitable de penser à la compétence comme à un savoir-agir en situation (ibid.), ce dernier n’étant pas de l’ordre de l’inné, mais dérivant du développement progressif de l’individu. Suite à ces propos, la compétence apparaît comme quelque chose d’évolutif résultant de la confrontation avec des situations différentes.

Ainsi, la compétence fait appel à l’habileté du professionnel à appliquer une certaine pratique professionnelle qui soit adaptée aux exigences du contexte. Une personne compétente serait donc capable d’utiliser les ressources dont elle dispose, ainsi que celles mises à disposition par

l’environnement, pour être en mesure de déployer une action performante (Le Boterf, 2010). De plus, la confrontation à des situations nouvelles - voire imprévues - interpelle tout particulièrement la compétence, car demandant une mobilisation des ressources nécessaires afin de trouver une stratégie efficace pour affronter la situation inédite. Cette mise en jeu est susceptible de se transformer en apprentissage, ce qui est censé augmenter le bagage des compétences de la personne. Ici, l’idée sous-jacente réside dans le fait qu’apprendre ce n’est pas qu’une simple assimilation d’informations, mais le résultat d’une compétence à avoir su déployer une activité donnée en fonction de la situation et des ressources disponibles à ce moment là dans l’environnement en question (Filliettaz, 2008).

De ce fait, l’apprentissage apparaît comme étant « un processus adaptatif par lequel l’individu va fournir des réponses adéquates à certaines situations données, dans un contexte donné.

L’apprentissage est un phénomène très complexe en soi impliquant de multiples dimensions (intellectuelles, motivationnelles, interactionnelles) dont la partie la plus visible sera la conduite et les comportements de la personne » (Évéquoz, 2004, p.34). C’est ainsi que, au final, la compétence professionnelle se distingue par son lien intrinsèque à l’action du sujet (Filliettaz, 2008).

3.3.1. Une combinaison de différents types de savoirs

Pour qu’un professionnel puisse être défini comme compétent, il doit faire preuve de trois dimensions différentes, qui se trouvent être les suivantes : savoirs (connaissances théoriques, qualifications obtenues via une formation), savoir-faire (habilités pratiques, gestes professionnels) et savoir-être (tout ce qui a trait à la personnalité de la personne, donc ses qualités en termes de posture, relations, empathie, motivation, etc.) (Évéquoz, 2004). Dans ce sens, la compétence recouvre un ensemble de plusieurs types de savoirs, tant théoriques que pratiques ou personnels.

Comme l’affirme Le Boterf (2010), « pour un professionnel, être compétent c’est être capable de mettre en œuvre, dans une situation donnée, une pratique professionnelle pertinente tout en mobilisant une combinatoire appropriée de ressources (savoirs, savoir-faire, aptitudes, raisonnements, comportements!) » (p.42).

De ce fait, la notion de compétence fait référence à une certaine faculté de savoir combiner trois différentes dimensions, afin d’arriver à transférer dans le contexte du travail les savoirs nécessaires pour faire face aux enjeux posés par une situation donnée. C’est ainsi que le concept en question se définit à partir des qualités de la personne et en fonction d’une action inscrite dans un moment précis (Gendron, 2008). Au final, nous concevons la compétence comme « la capacité d’une personne à agir avec initiative et responsabilité dans une situation donnée, en fonction d’une performance attendue, et en mobilisant ses ressources » (Évéquoz, 2004, p.27). Il y a donc l’idée de percevoir des ressemblances entre différentes situations, afin d’adapter la pratique sur la base des expériences passées et de la particularité du contexte présent. En effet, « l’individu en

situation va apprendre à apprendre et il va donc pouvoir transférer ses apprentissages sous des formes de comportements appris » (ibid., p.66). D’ici apparaît un lien fort avec la notion d’apprentissage en situation de travail traitée auparavant (Cf. Chap. 3.1.).

En outre, la compétence d’un DSP se fonde aussi sur une approche multimodale, prenant donc en compte la variété des formes sémiotiques qui sont mobilisées dans l’espace du soutien à l’apprentissage. Ainsi, pour rendre une action enseignante davantage efficace et significative, il s’agit de varier les modes d’interaction et d’intervention (Altet, 1994). Il y a en effet, outre le langage, plusieurs modes qui sont susceptibles d’être mobilisés pour favoriser l’apprentissage de l’élève, tout particulièrement de celui en situation de désadaptation scolaire. L’interaction scolaire en général est alors caractérisée par l’utilisation de systèmes sémiotiques divers (langage, signes, gestes, graphiques, objets, tableaux, schémas, etc.) composant un processus de construction de différents savoirs, ayant pour résultat une dynamisation tant de l’élève que de l’enseignant (Filliettaz, 2008).

3.3.2. Un praticien en constante interaction avec autrui

La compétence du professionnel ne peut pas se construire sans la présence d’autrui. Dans ce sens, Le Boterf (2010) affirme que :

« un professionnel ne peut pas tout savoir. Il doit être capable de mobiliser en temps opportun, non seulement ses propres connaissances et savoir-faire, mais également ceux de ses réseaux professionnels. Sa compétence ne dépend pas seulement de ses propres ressources mais aussi de tout un réseau de relations personnelles, de personnes ressources, de banques de données, de guides d’action de documents à portée de main. Il n’est plus possible à un professionnel d’être compétent tout seul » (p.51)

C’est ainsi que les collègues représentent non seulement les figures d’accompagnement dans la profession - à partir desquels recevoir de l’aide ou des conseils - mais aussi des interlocuteurs avec lesquels pouvoir échanger tout en contribuant à la création de compétences collectives. Cela est par conséquent susceptible d’apporter une amélioration tant personnelle que sociale sur un plan professionnel et identitaire - non seulement pour le novice mais aussi pour le chevronné - (Wenger, 2005). Plus particulièrement, l’interaction avec une multiplicité d’acteurs implique un réajustement constant de sa propre pratique, ce qui engendre la nécessité d’exercer un acte d’autoévaluation sur soi-même (Gohier et al., 2001). Suite à ces propos apparaît le lien avec la notion de praticien réflexif évoquée auparavant (Cf. Chap. 3.2.3.).

C’est dans cette optique que le profil de compétences visé par l’habilitation proposée aux DSP, porte entre autres sur le champ de la psychologie sociale et de la gestion des dynamiques interpersonnelles, comme par exemple la capacité à gérer et intervenir de façon autonome et en collaboration avec les enseignant dans toute situation de classe (DFA, 2014, p.9). Ainsi, la

compétence n’est pas à réduire à des ressources personnelles, mais elle est aussi à mettre en relation avec des apports provenant du partage des expériences et de la confrontation à autrui. Il s’agit alors de penser aux interactions comme à des portes ouvertes permettant l’accès à la compétence (Le Boterf, 2010).

À la lumière des ces constats, il émerge que tout DSP est confronté à une immense multiplicité d’enjeux qui impliquent de nombreux aspects reliés à la notion de compétence, ce qui se résume dans le propos suivant :

« le profil des compétences porte sur les capacités du DSP à affronter les situations de désadaptation ou difficulté scolaire en considérant et valorisant les caractéristiques de l’élève ou du groupe d’élèves, les spécificités de chaque enseignant au singulier, du corps enseignant, du siège scolaire et des autres acteurs en jeu, tout en prenant dûment en compte les nécessités et les demandes de l’institution, du système éducatif et formatif et de la société en général » (DFA, 2014, p.8).