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CHAPITRE 3 : CADRE THEORIQUE

3.2. Professionnalisation

Un autre concept qu’il s’agit d’approfondir pour les analyses récoltées dans le cadre de ce travail est celui de professionnalisation. En effet, il est intéressant de comprendre plus en profondeur comment des individus arrivent à construire à travers la pratique leur propre profil professionnel et à revendiquer leur propre statut, tout en ne pouvant pas disposer d’une formation initiale commune. Le terme de professionnalisation étant ici à entendre au sens large, donc tant comme dynamique d’autonomisation et de revendication d’un statut professionnel singulier que comme processus visant le développement des compétences ayant pour but un plus grand degré d’employabilité et d’adaptabilité (Maubant & Piot, 2011). En outre, il s’agit de considérer la professionnalisation comme résultante à la fois d’un investissement personnel et de moyens mis à disposition, tel qu’un dispositif de formation adapté, par exemple (Le Boterf, 2010).

D’une manière générale, les différents parcours de formation susceptibles d’amener à la profession de DSP sont censés transmettre des savoirs importants et utiles pour après exercer dans le domaine de l’éducation au sens large. Cependant, comme c’est le cas pour tout autre métier, c’est à l’individu lui-même de réussir à repérer les éléments importants acquis au cours de la formation, les mobiliser, les transférer mais aussi les adapter pour trouver la bonne façon de les concrétiser dans la pratique (Wittorski, 1997). C’est donc dans l’expérience que l’individu investit son savoir et arrive à se construire selon sa propre subjectivité (Wittorski, 2008). Il s’agit alors tant de mobiliser les compétences déjà acquises que de transformer ces dernières en fonction de la particularité de la situation inédite (Wittorski, 1997) : ces actions sont une première qualité dont doit faire preuve tout DSP et qui se relie au fait que « nous sommes constamment en train de négocier notre identité, laquelle situe notre engagement dans la pratique dans un contexte temporel » (Wenger, 2005, p.173). D’ici émerge un lien étroit avec l’apprentissage en situation de travail, ce dernier étant rattaché à la construction professionnelle de l’individu, donc, à un processus de professionnalisation inscrit dans des négociations d’identités constantes (ibid.).

13 Avec le terme de « professionnalisation » nous sous-entendons un processus qui se fait ou qui a été fait. En outre, nous considérons la notion de « professionnalisme » comme étant un synonyme du mot en question.

À la lumière de ces propos, il ressort que les DSP sont appelés à se mettre en jeu afin de trouver leur place au sein du SSP, ce qui signifie qu’ils doivent comprendre leur position et les stratégies d’action à déployer pour répondre aux attentes que les autres se font à leur égard. Par conséquent, l’identité professionnelle de l’individu se construit et se transforme à partir des différentes expériences professionnelles (Duc, 2008). Plus particulièrement, Gohier, Anadón, Bouchard, Charbonneau et Chevrier (2001) parlent de la construction identitaire de l’enseignant sur le plan professionnel, tout en soulignant la variété des contextes et des possibles tensions auxquelles ce professionnel est confronté en permanence. Au final, la professionnalisation résulte donc tant d’une subjectivité que d’une intersubjectivité (Maubant & Piot, 2011).

3.2.1. Une évolution constante

D’une façon générale, la professionnalisation se conçoit comme un processus d’adaptation et de mutation constantes qui se font au fil du temps grâce à l’expérience et en fonction des spécificités des contextes. Comme l’affirme Pastré (2011), « la situation (la part de réel à laquelle un sujet est confronté) entraîne une transformation du sujet, ce qu’on peut traduire par une construction, un développement de son expérience et de sa compétence » (p.187). À partir de ces constats, il s’avère que le métier de DSP ne peut pas répondre à un modèle professionnel figé, car c’est une pratique qu’il s’agit de redéfinir constamment, tout en réfléchissant à ses propres actes en fonction du rôle social à jouer, ce dernier ne restant pas immuable mais étant continuellement changeant selon les contextes (Gohier et al., 2001).

Nous nous appuyons alors sur des auteurs tels que Schön (1994) et Gohier et al. (2001) pour concevoir la pratique enseignante - tout particulièrement celle d’un DSP - comme dynamique, interactionnelle et évolutive. Nous considérons donc les DSP comme des professionnels inscrits dans des enjeux changeants, les appelant à devenir les acteurs de leur propre style professionnel.

Dans ce sens, « bien qu’elle se situe dans un contexte social et professionnel qui posent certaines balises, l’identité professionnelle est un processus en constante évolution, sous l’impulsion de l’enseignant qui est le principal acteur de sa transformation » (Gohier et al., p.29).

À la lumière de ces propos, il ressort que l’évolution en question ne peut pas se faire sans confrontation réelle au milieu de travail et à des problématiques concrètes de terrain, car c’est dans l’action que se construit l’identité professionnelle de tout enseignant en général (Etienne &

Bucheton, 2004). Ainsi, comme l’affirme Mayen (2002), « c’est cet objet étrange, à la fois produit et processus déjà passé, qu’est l’expérience qui constitue l’objet de travail ; littéralement, comme on le dit en psychologie du travail, qui constitue l’objet de la transformation » (p.106).

3.2.2. Le rôle des autres dans le processus de professionnalisation

Comme annoncé auparavant, la rencontre avec l’autre est un point central de la pratique du DSP, ce qui rend nécessaire une adaptation à des environnements multiples, tant au niveau de

l’intervention indirecte (diversités socio-culturelles, contraintes professionnelles, divergences de pensées avec d’autres professionnels, variété des acteurs de réseau, etc.) que de celle directe (variété de personnalités d’élèves et ample gamme de possibles situations de désadaptation scolaire). Il s’avère alors important pour tout DSP de mobiliser ses différentes compétences et d’essayer différentes voies possibles d’intervention et de collaboration, ce qui se trouve être en lien avec le type de parcours de professionnalisation entrepris. Plus particulièrement, dans le champ de la scolarité en général, comme c’est le cas pour le soutien pédagogique, l’une des possibles pistes pour apprendre le métier « réside dans l’établissement de rapports privilégiés avec certains collègues, soit sous forme de collaboration de travail (planification de l’enseignement, échange de matériel pédagogique, élaboration de projets scolaires ou parascolaires), ou simplement sous forme d’échanges et de discussion sur les problèmes vécus » (Gohier et al., 2001, pp.22-23).

De ce fait, la multiplicité de relations rend les différentes situations de travail plus riches et susceptibles d’apporter un plus grand nombre de confrontations, donc de sources de développement. Comme l’affirment Gohier et al. (2001), « c’est à travers ce processus, dynamique et interactif, caractérisé par un compromis entre les demandes sociales et son affirmation de soi, que son identité professionnelle se transformera, potentiellement tout au long de sa carrière, et qu’il pourra contribuer à la redéfinition de sa profession avec ses collègues » (p.5). Suite à ces propos, il apparaît la trajectoire de professionnalisation telle qu’elle est proposée par Tavignot (2008), notamment comme étant l’ensemble de trois composantes - activité, soi et environnement - en constante interaction selon des dimensions de type affectif, cognitif et social.

En outre, l’occasion de se trouver face à des nouveautés est une source potentielle d’enrichissement du répertoire propre à la personne, qui se fait selon une logique d’évolution permanente du profil professionnel - mais aussi personnel - du sujet (Schön, 1994). La notion de professionnalisation relève alors tant de l’interaction avec autrui (négociation sociale) que de celle avec l’environnement (action). Comme l’affirment Wittorski et Briquet-Duhazé (2008), « la professionnalisation est donc à la fois et dans le même temps action et dynamique identitaire (les deux paraissant inséparables) » (p.28).

Par conséquent, toute personne travaillant dans un métier de l’humain - tel que le DSP - est appelée à se remettre continuellement en question et à réorienter sa pratique en fonction non seulement des besoins et des caractéristiques de la situation, mais aussi selon les nécessités et les limites imposées par autrui : dans cette optique, l’autre peut être considéré comme jouant un rôle de modélisateur de la pratique. C’est ainsi que chaque situation est inscrite dans un contexte donné impliquant des acteurs et des conditions précises. Les actions de la personne se caractérisent alors par une certaine autonomie, parce qu’elles sont singulières et dépendent fortement de la circonstance donnée (Maubant & Piot, 2011). D’ici apparaît à nouveau la notion d’apprentissage en situation de travail traitée auparavant. En effet, malgré le fait d’agir toujours

dans un même rôle, « exercer un emploi, c’est apprendre à travailler dans un contexte particulier » (Le Boterf, 2010, p.43).

3.2.3. Un praticien réflexif

En considérant que la capacité à mobiliser des ressources appropriées selon la situation se développe au fil du temps grâce à l’expérience et qu’elle s’améliore à travers une prise de recul par rapport au vécu et aux conséquences relevées, il ressort que la réflexivité joue un rôle important dans le développement personnel et professionnel de la personne (Le Boterf, 2010).

Comme l’affirme Schön (1994), « la réflexion en cours d’action et sur l’action est en quelque sorte une expérimentation en soi » (p.170). Ces propos permettent de mettre en évidence que tout apprentissage est une découverte accompagnée par une réflexion contribuant à la construction identitaire et au développement de la personne (Wenger, 2005). Suite à ces considérations, il ressort que tant le fait d’être capable de reproduire des actions que de pouvoir comprendre le sens de son propre agir sont des facteurs indispensables au processus de développement de l’individu.

D’ici il s’avère opportun d’introduire la notion de praticien réflexif, laquelle s’explique par la réflexion que l’individu porte sur son action, ce qui est censé favoriser une meilleure conscientisation de ses propres actes (Schön, 1994). En effet, c’est cette action réflexive même, faite sur soi-même, qui permet à l’individu de prendre conscience de sa pratique et de développer - voire améliorer - sa professionnalité (Jorro, 2005). De ce fait, la professionnalisation comporte aussi une prise de distance par rapport à ses actions. De ce fait, « c’est en analysant constamment sa propre pratique, en ayant une distance par rapport à celle-ci, et en la réajustant que l’enseignant exerce sa fonction en qualité de professionnel » (Wittorski, 2008, p.24). Par conséquent, il s’agit de considérer le mécanisme d’autoévaluation et de transformation réfléchie comme un acte que la personne fait tout au long de sa carrière, ce qui fait référence à la figure du praticien réflexif.

Au final, nous retenons que la professionnalisation d’une personne se situe au carrefour de plusieurs éléments reliés aux différents vécus et appartenances. En effet, la singularité du profil professionnel est déterminée par plusieurs aspects, comme par exemple la vision personnelle qu’a la personne du métier, le développement des pratiques pédagogiques, le type d’interaction avec autrui ainsi que la capacité de réflexion critique propre à l’individu même (Savoie-Zajc, 2001). D’ici, nous reprenons un schéma proposé par Le Boterf (2010) qui résume l’ensemble des considérations que nous venons d’évoquer et qui s’avère particulièrement utile pour expliquer les interactions entre les différents facteurs débouchant sur un certain profil professionnel propre à la personne (Figure 2) ; le processus de professionnalisation étant ici entendu comme un produit de l’expérience (ibid., p.55).

Figure 2: Le professionnalisme au Carrefour (Le Boterf, 2010, p.45)