• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 5 : PRESENTATION ET DISCUSSION DES RESULTATS

5.2. Eléments permettant de mettre en évidence l’identification à une catégorie professionnelle

5.2.2. La collaboration avec d’autres acteurs que les pairs

Tenant compte de la proéminence de l’aspect relationnel annoncée auparavant pour le métier d’enseignant de soutien pédagogique, il s’avère opportun d’analyser plus en détails comment les DSP s’expriment à propos de la collaboration au sens large. Plus précisément, c’est dans cette perspective qu’émerge le rôle joué par des collègues qui ne font pas partie de leur même communauté de pratique. Par conséquent, il ressort que la partie consacrée au travail indirect occupe une place prépondérante dans la profession en question (« Donc c’est TOUT ce qu’il y a autour qu’au final prend BEAUOCUP d’espace », Laurence, l.416). Dans ce sens, l’expert de la difficulté scolaire agit dans un système pluriel d’acteurs où il ne peut pas agir seul et où il se trouve alors à collaborer dans une pluralité de postures de partenariat et de coopération (Thomazet, Ponté & Mérini, 2011).

En outre, dans les entretiens recueillis l’interaction directe avec l’élève n’est citée que très peu de fois et seulement pour indiquer qu’elle représente la partie la plus facile du métier. Plus en détail, ce sont les collaborations avec les familles et avec les enseignants ordinaires qui émergent le plus des discours de nos participants et qui se révèlent ainsi cruciales (« Ce n’est pas qu’on parle SEULEMENT avec des élèves, donc! un: un aspect de se rapprocher comme personne et avoir un minimum de feeling ou d’ENTENTE/ il faut qu’il y ait », Linde, ll.734-735).

5.2.2.1. Primordialité d’une collaboration efficace

Tenant compte de l’importance de la collaboration indirecte, il s’avère essentiel pour les DSP de viser à une participation active de la part de tous les acteurs impliqués dans le projet pour que la démarche mise en place puisse se justifier et avoir donc du sens (« à mon avis, aller dans une même direction permet en tout cas de faire un travail qui ait du sens », David, ll.166-167). De ce fait, dans le métier de DSP, une bonne collaboration de réseau est considérée comme une base indispensable sur laquelle pouvoir fonder et construire tout projet pédagogique (« je pars du présupposé qu’un BON réseau, un bon travail de réseau a des résultats décisivement supérieurs », Marlise, ll.233-234).

Suite à ces constats, il apparaît qu’il faut qu’il y ait de la part de chaque partie et dès le début une certaine volonté à contribuer à la démarche mise en place (« il est important que pendant tout le parcours d’observation et de récolte d’informations qu’il y a au début, il y ait un partage entre école, famille et soutien », David, ll.146-148), tout en préservant des relations le moins tendues possibles pour que le projet tienne et aboutisse en quelque chose de positif pour l’élève (« voir comment agir pour ne pas faire en sorte que puis l’élève se trouve au milieu d’un jeu de pouvoirs qui ce n’est pas utile », Aline, ll.508-509). Comme l’affirme Evéquoz (2004), « il est de plus en plus admis par tous que c’est aujourd’hui le collectif de travail et la manière dont les personnes développent des processus de coopération et d’interaction qui déterminent la performance » (p.53).

Dans cette optique, il s’avère aussi opportun de gagner de la confiance de la part des collègues afin de pouvoir collaborer à un même projet (« il me semble de:- d’avoir confiance dans les enseignants.. et de pouvoir échanger. », Linde, ll.741-742). À la lumière de ces considérations, il ressort l’importance de préparer les DSP - notamment par le biais de l’habilitation - à acquérir et développer une certaine « capacité de dialogue, de discussion en vue de la création d’un projet commun, ainsi que de collaboration avec tous les autres interlocuteurs (enseignants, élèves, familles) » (DFA, 2014, p.9).

En outre, il s’agit de relever qu’une bonne collaboration favorise des résultats efficaces et apporte aussi des sentiments positifs chez les professionnels, tels que par exemple l’estime de soi (« On veut réussir et son estime de soi dépend aussi de combien on arrive à- », Aline, ll.428-429), la satisfaction (« Parce que c’était BEAUCOUP plus gratifiant. Enfin, quatre yeux », Nadine, l.265), une importante appréciation de l’interaction (« j’ai eu la chance de trouver des collègues vraiment:

disponibles et compréhensifs non/. Et: nous travaillons ensemble », Hélène, ll.493-494), une plus grande

efficacité (« lorsqu’il y a du feeling on collabore bien », Aline, l.176) ainsi que du plaisir à travailler et à échanger avec les collègues (« Je suis vraiment contente d’aller là, je reste aussi à midi car j’ai du plaisir à rester avec eux », Laurence, l.575). Au final, des pratiques collaboratives sont censées se traduire en un climat de confiance où prévaut le regard professionnel, le respect mutuel et l’engagement collectif pour des objectifs communs (P. E. Leonard & L. Leonard, 2001).

Enfin, nos entretiens font ressortir le fait qu’une collaboration efficace est censée rendre le travail moins lourd et plus bénéfique pour tous les acteurs concernés, ce qui se traduit par une résolution en commun de doutes ou difficultés (« Elle [l’enseignante ordinaire] avait ses peurs et ses doutes, nous en discutions. Je faisais des propositions et on regardait comment ça marchait », Linde, ll.187-188), ainsi que par une certaine volonté à faire en sorte que l’un des partenaires ne soit pas submergé par des situations trop compliquées (« Ils ne déchargent jamais trop sur moi. Dans le sens qu’on cherche toujours mettre ensemble celles qui sont leurs compétences et celles que je peux mettre moi-même », Hélène, ll.496-497).

5.2.2.2. Entraves à la collaboration

Malheureusement, il s’avère souvent difficile de pouvoir communiquer aisément avec autrui. Il y a en effet une certaine pluralité du corps enseignant qui confronte les DSP à une multitude de collaborations arbitraires et inconstantes n’allant pas forcément dans la direction souhaitée (CSSP, 2010). Plus particulièrement, il émerge à partir des entretiens recueillis que des difficultés majeures sont rencontrées avec les familles (« l’aspect qui après.. peut-être c’est: de plus en plus difficile c’est le rapport avec les parents. Avec les familles qui devient toujours plus difficile », Nadine, ll.406-408) ou avec les enseignants ordinaires (« Avec les enseignants: on s’attend la collaboration et:..

il FAUT l’avoir! et alors là ce n’est pas facile », Linde, ll.724-725).

Plus en détails, Linde affirme que même si la collaboration peut s’avérer difficile avec les deux catégories d’acteurs mentionnées, celle avec les enseignants risque de peser plus dans la balance, vu qu’il s’agit de travailler plus fréquemment et sur des durées plus longues avec ceux-ci, alors que les rencontres avec les familles sont plus sporadiques (« avec les enseignants c’est très engageant, car il faut travailler avec », Linde, l.719). En effet, si avec certains enseignants la collaboration peut être fantastique, avec d’autres elle peut être minime ou - dans le pire des cas - nulle (« Avec certains il y a des collaborations FANTASTIQUES, avec d’autres [!] minimales, dans le sens qu’aussi à niveau des projets avec les élèves avec certains on fait des choses très jolies [!]. Avec d’autres il faut se contenter de faire, je ne dis pas le minimum mais presque », Linde, ll.742-746).

De plus, Sabine exprime le fait que les collaborations difficiles pèsent et perturbent significativement le DSP (« Donc la collaboration avec les enseignants! je dois dire qu’elle est vraiment fondamentale. Car ce qu’on arrive à affiner à l’intérieur de la classe si le soutien est direct, puis:!

l’enseignant le peut: exercer, continuer à mettre en pratique et cela c’est un aspect important. Disons que d’enseignants j’en ai rencontré peu.. eh! MAIS ces peux là que l’on rencontre pèsent », Sabine,

ll.480-483), ce qui peut porter jusqu’à une nécessité de faire un travail de réflexion sur moi-même (« Au cours de la deuxième partie de ma carrière j’ai rencontré des enseignants qui n’avaient par peut-être tellement envie de se confronter, ehm! de collaborer, de partager. J’ai trouvé! mh! plus de personnes prédisposée à déléguer non/, donc la construction ensemble du projet ce n’était par toujours évidente. Là j’ai du travailler aussi sur moi-même », Sabine, 468-471).

Ensuite, Laurence parle du comportement utilitariste de la part des enseignants, lesquels tendent des fois à camoufler sous forme d’aide l’attitude qui en réalité est une décharge de travail adossée à des DSP débutants comme elle (« Donc on est toujours une figure qui n’est pas bien acceptée au départ. Donc.. ce qu’ils me disaient de faire ils le faisaient non car ils sont cordiaux et vont m’aider, mais simplement parce que cela leur est pratique », Laurence, ll.505-507). Il apparaît alors que certains enseignants proposent au DSP novice des activités non tant pour l’aider à s’intégrer dans le système scolaire et à avoir des idées par rapport à des possibles activités, mais plutôt pour profiter de celui-ci pour faire terminer ce qu’il n’a pas réussi faire en classe avec l’élève (« parce que des fois il est pratique pour eux de donner: les fiches qui n’ont pas réussi à faire en classe », Laurence, ll.507-508).

5.2.2.3. Rôle du chef d’équipe dans la collaboration

À partir des témoignages recueillis, il s’agit de relever la particularité de la position occupée par le chef d’équipe, laquelle se différencie totalement de celle des DSP (« Il a un tout autre rôle et donc il a dû et doit se faire d’autres compétences », Linde, l.266). D’une façon générale, tous les DSP reconnaissent le statut hiérarchiquement supérieur du chef d’équipe, ainsi que sa fonction de validation. À ces propos, David s’exprime de la façon suivante :

« Puis peut-être on nous demande de faire des autres approfondissements: à travers le chef d’équipe\ [!] en général, les évaluations cognitives c’est lui qui les fait/, même si en tant que psychologues nous sommes habilités à utiliser certaines épreuves, mais en tant qu’enseignant de soutien nous avons un peu cette division des rôles. Les épreuves plutôt sur le scolaire, ou en tout cas aussi épreuves: je répète sur la dyscalculie ou de screening aussi au niveau cognitif nous les faisons, MAIS l’évaluation complète:, nous faisons un travail avec le chef d’équipe » (David, ll.324-329)

Plus en détail, le chef d’équipe doit être averti de tout cas signalé par les enseignants ordinaires, contribuer à l’assignation du diagnostic et être informé par rapport aux différentes façons de planifier les prises en charge, tout particulièrement de celles destinées aux cas les plus compliqués (« la où la situation: se complique ou où j’ai besoin/ je fais toujours appel à lui », Hélène, l.578), ce qui porte à considérer ce professionnel comme une personne de référence

Cependant, il est intéressant à relever que les DSP interviewés ne semblent pas être influencés par l’autorité représentée par cette figure. Au contraire, ils considèrent leurs chefs d’équipe comme des personnes auxquelles s’adresser pour confirmer leurs idées ou pour se faire aider par rapport

à des situations plus difficiles (« au niveau du développement cognitif/ j’ai- la première année j’ai eu le chef d’équipe avec lequel partager des observations etcétéra », Sabine, ll.108-109 ; « beh, pour moi c’était primordial le chef d’équipe, évidemment- puis je n’étais pas la seule nouvelle employée, nous étions quatre ou cinq. Nous avion des moments de formation pour nous: [!] donc lui, il a été précieux », Hélène, ll.283-287). Suite à ces constats, les jugements du chef d’équipe apparaissent comme une occasion primordiale pour évaluer sa propre pratique et comprendre ses actions, cela dans le but de se développer en tant que professionnel.

Aussi, le chef d’équipe est considéré un peu comme la boussole non seulement garantissant un bon déroulement des rencontres d’équipe (« nous avons en tout cas les réunions d’équipe, nous avons un chef d’équipe qui les coordonne », David, ll.245-246), mais permettant aussi aux DSP de ne pas se perdre dans le champ du soutien pédagogique, raison pour laquelle la présence du chef d’équipe est jugée comme primordiale pour avoir des points de repère par rapport à son agir professionnel (« lorsqu’il faut commencer à dire “il faut peut-être essayer, ou il faut penser à un parcours scolaire alternatif/, il y a le besoin de faire intervenir d’autres services scolaires” [!], dans ce cas on sort de notre parcours et il est fondamental de pouvoir se référer à cette figure [qui est le chef d’équipe] », Linde, ll.259-263). Ainsi, lorsque cette figure-là manque, le DSP risque de se trouver perdu et de se sentir seul et sans une guide lui donnant de la sécurité (« j’étais un peu abandonnée à moi-même », Laurence, l.333).

Toutefois, même si le chef d’équipe est doté d’un statut hiérarchiquement plus élevé que celui des DSP et même s’il bénéficie d’une grande considération de la part des DSP, il est des fois perçu comme une figure ne pouvant pas fournir certains types de support, notamment en ce qui concerne des activités concrètes (« Mais lui il est très bien dans tout ce qui est théorie, mais au niveau pratique de qu’est-ce que faire concrètement il ne le sait pas lui non plus », Laurence, ll.279-280). À la lumière de ces considérations, il ressort que le chef d’équipe peut être vu sous la forme d’un coach qui ne connaît pas forcément la pratique en elle-même (notamment dans le cas des chefs d’équipe qui n’ont pas exercé auparavant la profession de DSP) et qui ne peut pas comprendre réellement ce que signifie exercer la profession de DSP (« Parce que lui n’a jamais fait l’enseignant de soutien », Laurence, l.282). C’est ainsi que, parfois, les DSP ne ressentent pas le besoin de s’adresser à cette figure car pensent ne pas pouvoir être compris au niveau des activités concrètement déployées. Les chefs d’équipe peuvent alors être considérés comme n’étant pas à même d’apporter des idées véritables en lien avec la réalité concrète du terrain (« Enfin, il est psychologue et a fait l’enseignant titulaire etcétéra, mais ce n’est pas qu’à ce niveau là:! sait quoi dire ou quoi conseiller par rapport à des activités véritables », Laurence, ll.284-285).