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Le collègue DSP vu comme support à la construction professionnelle

CHAPITRE 5 : PRESENTATION ET DISCUSSION DES RESULTATS

5.2. Eléments permettant de mettre en évidence l’identification à une catégorie professionnelle

5.2.1. La revendication d’une communauté de pratique singulière

5.2.1.1. Le collègue DSP vu comme support à la construction professionnelle

À partir de nos entretiens, il émerge que les DSP ressentent un certain besoin de confrontation et de partage avec des pairs, ce qui se traduit par des recherches volontaires de contact et de rencontre avec les collègues (« il s’agit à nouveau d’échanges que nous cherchons par nous-mêmes », Linde, ll.231-232). L’individu est donc actif en ce qui concerne quoi et comment il apprend à partir de ces rencontres avec ses collègues (Billett, 2001) (Cf. Chap. 3.1.2.).

Plus précisément, les DSP avec plus d’expérience apparaissent aux yeux des novices comme des personnes à partir desquelles recueillir un plus grand nombre de conseils et auxquels s’identifier (« J’avais des collègues plus:... comme ça, ceux avec plus âgés mais aussi ceux avec plus d’expériences si l’on veut non/. Et donc voilà, je les sollicitais en continuation, forcement », Hélène, ll.331-332). C’est ainsi que « la participation ne se limite pas à un engagement dans certaines activités courantes avec d’autres personnes, elle réfère également au processus plus englobant de “collaboration active aux pratiques d’une communauté sociale” et à la construction d’identités en lien avec elle » (Wenger, 2005, p.2). Dans ce sens, Aline reporte l’exemple d’un DSP en classe avec elle lors de l’année d’habilitation mais ayant déjà plusieurs années d’expérience dans l’environnement scolaire, ce qui s’avérait une source d’aide et de conseil principale pour les pairs novices ayant

besoin de s’appuyer sur les avis de quelqu’un de plus expérimenté (« il y en avait un par exemple qui avait déjà assez d’expérience.. [!] il avait expérience au niveau pratique du travail, donc! c’était très utile », Aline, ll.132-135). À la lumière de ces constats, il apparaît que le collègue DSP représente une personne de référence qui soutient le parcours de professionnalisation (« j’ai puisé ENORMEMENT des expériences des collègues », Hélène, l.289) et par conséquent, qui remplace l’absence de la figure de tuteur décrite dans les théories de l’apprentissage en situation de travail (« il y a quelqu’un, quelque collègue que: d’une façon ou d’une autre il t’aide petit à petit à encadrer ton activité », Hélène, l.598). C’est alors dans cette perspective que « les réflexions menées sur l’action au moment des rencontres de collaboration amènent les enseignants à construire graduellement leurs savoirs au sujet de leur pratique pédagogique » (Savoie-Zajc, 2001, p.159).

Plus en détails, l’importance du rôle des DSP chevronnés est présente même dans le cas de Laurence qui, malgré avoir rencontré des difficultés au niveau de son intégration en tant que DSP (« le soutien VERITABLE et volontaire de la part des enseignants est arrivé dans un deuxième temps », Laurence, ll.523-524), affirme que les collègues du même statut professionnel sont des personnes avec lesquelles pouvoir partager (« il y a en tout cas des collègues avec lesquels on peut échanger opinions », Laurence, l.261). Toutefois, nous relevons un positionnement dichotomique chez Laurence : si, d’un côté, elle admet l’utilité des échanges avec les collègues DSP, de l’autre elle dit que ce partage reste limité et qu’elle préfère plutôt être et se montrer autonome (« ce n’est pas qu’il y a ait un véritable échange. Un peu parce que je suis l’une de celles qui veut se débrouiller un peu seule/

qui n’ose pas tellement à demander aux autres », Laurence, ll.267-268). De plus, Laurence critique le fait de s’être trouvée seule au début, ce qui permet de souligner à nouveau la centralité de l’aide et du support fourni par autrui (« Mais enfin, le sentiment initial est en tout cas un peu celui de solitude, que l’on se retrouver seul et qu’il faut se débrouiller », Laurence, ll.296-297). À la lumière de ces considération, il ressort que, même si un DSP préfère travailler de façon autonome de par son caractère, dans le métier en question il est inévitable de se référer à autrui ou d’avoir des échanges avec des pairs - en particulier de ceux plus expérimentés - afin d’affiner sa propre pratique professionnelle.

En outre, à partir des témoignages recueillis, il apparaît crucial pour nos interviewés (exception faite pour Sabine, Cf. Chap. 5.2.1.3.) de trouver des espaces de partage entre DSP (« il faut un peu se prendre du temps », Marlise, ll.345-346 ; « Ça vaut la peine de se poser ces questions, ça vaut la peine de s’arrêter un moment et demander quelques choses de plus aux enseignants », Linde, ll.502-503).

À ces propos, Marlise explique une véritable nécessité de devoir fixer des rencontres avec la collègue DSP travaillant dans son même bâtiment scolaire afin de discuter et de s’entraider (« il faut un peu en trouver [de temps], peut-être un midi ensemble » ; Marlise, l.348). Dans ce cas, les deux DSP mettent l’une à disposition pour l’autre le matériel pédagogique, donc l’échange des ressources matérielles est aussi important et se fait de manière continue (« je travaille avec une autre fille/ et son armoire c’est là-bas et le mies c’est là-bas, et cela c’est un continuel “j’ai découvert ceci, j’ai

trouvé ceci” », Marlise, ll.290-291). Aussi, Linde évoque la nécessité de parfois se référer à des collègues travaillant dans une autre école, en particulier pour bénéficier d’opinions et de conseils spécifiques (« avec les collègues qui travaillent dans un autre bâtiment.. il y a des confrontations un peu plus ciblées. Donc, si on sait que cette personne là a connu un test, ou un certain type de:.. intervention, on se réfère à elle et on CHERCHE l’occasion d’échanger avec elle », Linde, ll.240-242). Au final, il apparaît que le partage avec les pairs se fait de façon ciblée et volontaire, ce qui est démontré par le temps consacré à ces moments jugés primordiaux (« Chacun se choisit, les personnes avec lesquelles! on arrive plus à partager, et le temps il faut se le prendre, voilà », Marlise, ll.363-364).

Ensuite, le collègue DSP est considéré non seulement comme une source d’aide et de confrontation, mais aussi comme une personne avec laquelle pouvoir se défouler et se sentir compris (« si c’est une chose qui va rester sur l’estomac et qu’on veut se défouler c’est pus simple d’aller vers les collègues que l’on voit: quelques fois par semaine », Aline, ll.314-315). Plus particulièrement, il semble qu’il y ait sorte de répertoire commun aux DSP qui constitue une ressource importante pour le partage des différentes situations rencontrées sur le terrain, ce qui est susceptible d’augmenter le sentiment d’appartenance à une même catégorie professionnelle (« heureusement avec ma collègue de bâtiment on est très similaires, on a des points qui nous différencient MAIS lorsqu’on communique, nous parlons un peu la même langue », Marlise, ll.356-357). Il s’avère alors primordial de pouvoir bénéficier d’un contact fréquent avec d’autres DSP avec lesquels partager des sentiments et aussi des déceptions au niveau du travail (« il y a aussi le fait qu’en tout cas on est là avec un groupe de collègues et si on a un problème aussi important, on en parle avec eux\ car autrement c’est vrai qu’on a souvent un peu un rôle de poisson hors de l’eau eh: l’enseignant de soutien, dans le sens là! ça va s’il y a des collègues avec lesquels partager des choses de façon assez régulière », Aline, ll.275-277). Dans une même optique, Hélène s’exprime de la façon suivante :

« Penser de commencer dans un bâtiment inconnu, avec des enseignant ordinaires inconnus, avec tout ce qui comporte l’enseignement et dont on en connaît que peu, hein ! Avec un enseignant de soutien qui m’accompagnait je dois admettre que à mon avis ça serait une grande ressource » (Hélène, ll.352-355)

À la lumière de ces considérations, il ressort aussi l’importance de travailler dans une école où on n’est pas le seul DSP (« travailler au 100 seul dans un bâtiment [!] je ne sais pas si on arrive bien à:

gérer! dans le sens/ à être un peu là au service de tous ce qui ont besoin », Aline, ll.317-320), chose qui permet de rencontrer souvent et dans l’immédiat d’autres enseignants de soutien pédagogique, donc ce qui permet d’échanger et de se soutenir les uns les autres (« [les échanges se font]

énormément avec celui qui est peut-être collègue dans le même bâtiment », Linde, l.234 ; « le fait d’être dans le même bâtiment et choisir ensemble de faire une chose/ ça facilite énormément l’échange », Linde, ll.236-237). C’est ainsi qu’il y a une distribution de différents savoirs et avis qui permet une négociation par rapport à la pertinence de l’activité de chaque membre de la communauté professionnelle (Wenger, 2005).

Enfin, l’importance que chaque DSP accorde à ses pairs émerge tout particulièrement à travers la valeur attribuée aux échanges lors des rencontres en équipe (« on se parle vraiment beaucoup et ça devient un moment d’échange très utile », Marlise, ll.340-343). À ces propos, David cite l’ambiance agréable de son environnement de travail ainsi que le petit team formé entre les DSP du bâtiment, tout en mentionnant quand même l’utilité des rencontres en équipe :

« ici je dois dire que c’est une belle école. Aussi logistiquement je suis bien organisé et en tout cas on est trois enseignants de soutien, donc c’est déjà comme si on était un petit team. Mais nous avons en tout cas les réunions d’équipe, nous avons un chef d’équipe qui les coordonne, nous avons la possibilité de ramener des thématiques dans l’équipe » (David, ll.243-246)

Suite à ces considération, il s’avère que les échanges en équipe sont jugés comme riches et fructueux, car apportant des pistes de solution à des situations problématiques et permettant la discussion sur sa propre pratique et sur ses difficultés, c’est ainsi que « l’équipe c’est aussi un moyen pour exprimer ses manques » (Jovillet-Blanchard & Blanchard, 2004, p.18). De ce fait, le groupe de pairs est conçu comme un environnement où l’individu a l’occasion d’échanger, d’apprendre ainsi que de combler ses lacunes tout en développant son profil professionnel (Klein

& Connell, 2008).

Enfin, il émerge de ces propos le rôle du chef d’équipe, qui consiste à gérer et coordonner les rencontres d’équipe ainsi qu’à favoriser un lien d’adhésion à ce groupe qui soit de l’ordre de la cohésion, du partage et aussi de l’entraide (« Le chef d’équipe est: habile à nous laisser des moments de pause un peu plus longs où on voit vraiment tu-tu-tu-tu-tu ((imitation d’un bombardement)) il se forment des petits groupes, on se parle vraiment beaucoup et ça devient un moment d’échange très utile », Marlise, ll.340-343).