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9. PREMIERE SERIE D’ETUDES : L’ETRE-AUPRES-DE

9.1 Etude 1 : Le Nous de la rencontre arbitre/joueur est nécessaire pour

9.1.4 Synthèse phénoménologique

Finalement, l’analyse nous permet de déduire que :

- Si l’espace intersubjectif est éprouvé, alors la possibilité d’être-au- monde du sujet se réalise dans le Je-Tu.

- Si l’espace intersubjectif n’est pas éprouvé, alors la possibilité « d’être-au-monde » du sujet est suspendue dans le Je-Cela.

Nous en déduisons que la constitution de l’être-soi dépend de l’espace intersubjectif arbitre/joueurs. En corollaire, nous émettons l’hypothèse que l’absence de l’arbitre dans le paysage du sujet disloquerait l’espace intersubjectif arbitre/joueurs.

9.1.4.1 Interprétation de la dimension de l’absence dans la relation intersubjective

158 Dans un texte non publié, La double constitution de l’espace intersubjectif et la question de l’implication, Charbonneau soutient que la possibilité de création de l’espace intersubjectif tient dans une dimension de l’absence, ici la dimension de l’absence de l’arbitre. Dans la planche numéro 1, par exemple, l’arbitre incarne cette dimension de l’absence (il est quasiment absent des commentaires tandis que la corporéité de l’arbitre est clairement sentie puisque l’arbitre est là, dans le monde commun). Nous pouvons donc situer cette dimension de l’absence aux confins des frontières entre l’intériorité et l’extériorité d’une subjectivité. Le monde interne ne se fabrique que lorsqu’une proximité maturante et séparante (une corporalité nostrique) préserve un espace intersubjectif en toile de fond. Tel un enfant qui va en tout quiétude en le monde, parce qu’il sent que l’environnement, préservant un monde commun, l’y réserve une place.

Or, nous avons vu que dans la planche numéro 4 l’arbitre semble se confondre avec les autres joueurs. Il n’est pas senti corporellement par les joueurs. Etant senti comme une « idéalité » (l’idéalité vient de ce qu’il n’y a aucune implication corporelle, selon Charbonneau), l’arbitre ne peut incarner l’absence, c’est-à-dire la corporalité nostrique de départ nécessaire à la constitution d’un ensemble nostrique. D’emblée, une relation d’objet arbitre/joueurs s’instaure en termes de division. Par voie de conséquence, en retour, l’individu ne peut se constituer une subjectivité.

9.1.4.2 Vérification de l’hypothèse.

L’arbitre qui n’est pas flairé/qui ne rayonne pas suffisamment dans l’horizon du sujet semble donner un sens au passage à l’acte agressif : si

159 l’espace intersubjectif arbitre/joueur est suspendu dans le Je-Cela, alors l’advenir du joueur est destitué. L’acte d’agression devient alors le moyen de se restituer une subjectivité, comme pour se sentir à nouveau reconnu dans l’espace intersubjectif ponctuellement déprivant. A l’inverse, le pouvoir-être du joueur advient lorsque la rencontre avec l’arbitre est sous tendue (dans le Je-Tu). Aussi, notre attention est attirée par le fait que l’être-jeté-en-le-monde du joueur interrogé s’oriente (tend) vers deux horizons distincts selon le degré de « flairement » de l’espace intersubjectif :

- un horizon du monde suffisamment spacieux pour y voir émerger la conscience de soi, la conscience d’autrui, la conscience du temps ;

- un horizon qui se réduit à l’espace du corps propre. Cet espace exclue, ici, l’émergence de la conscience du temps et d’autrui. Dans le deuxième cas de figure, nous constatons que les registres pulsionnel et existentiel se délient : là où le sujet est isolé du monde, l’être-soi s’exprime dans une Nostrité violente. Alors que dans le premier cas de figure, là où nous constatons le destin harmonieux du conflit, nous flairons l’existence d’une sorte d’être-ensemble (arbitre- joueurs-joueurs adverses).

Nous identifions donc ici une direction qui va du soi vers l’Univers. Avant de se projeter pulsionnellement dans le monde, le sujet semble originairement s’y fier peu ou prou376. Ce pro-jet, (ce vers quoi tend l’être-jeté-en-le-monde du Nous) est le « premier acte caractéristique de

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Selon Buytendijk, le jeu présuppose, en effet, un monde « dont les possibilités dynamiques font l’objet d’un projet. On ne joue qu’avec quelque-chose qui, à son tour, joue avec le joueur ». Ce projet serait directement en lien avec le versant « actif » de « l’être mu en se mouvant » en termes de « se mouvant en étant mu ». Buytendijk, op. cit. p. 23

160 toute création »377 de l’être-soi et de l’être-ensemble, selon nous. Ce « qui est lancé à l’avant » (de proicere latin), ici, est la constitution même d’un monde interne qui, dépendant des aléas de la reconnaissance de l’espace intersubjectif, préserve ou non l’étendue de l’horizon (c’est- à-dire un horizon partagé)378 ; dit autrement, une impression d’ensemble semble mise en demeure, au rythme de l’événement, de naitre ou de disparaitre sous peine de division sociale. Concernant l’image 2 de notre protocole, l’impression d’ensemble renvoie, pour nous, à la ré-union des uns et des autres (communion personnelle), tandis que l’image 4 renvoie à la division des uns et des autres (séparation fondamentale). Nous entrevoyons donc une forme de mutualité dans le premier cas379 entre les joueurs et l’arbitre.

Au final, si l’amour et la haine coexistent dans le monde interne du joueur (Klein et Rivière, 1968), c’est en éprouvant sa propre agressivité que le joueur peut transformer l’agressivité primitive en agressivité créatrice. Eprouver sa propre agressivité dans un cadre bienveillant suppose que l’espace intersubjectif soit vivant dans la vie psychique du sujet. Autrement dit, pour assurer la continuité du jeu, un arbitre « atmosphériquement bon » s’engagerait corporellement dans l’acte

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Boutinet, J-P. Anthropologie du projet. Paris, PUF, 1990 p. 21 et p. 65

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En s’inscrivant dans la perspective de Von Weizäcker, Kimura rappelle, ici, que perception et mouvement ne sont pas indépendants mais dans deux rapports d’imbrication circulaire permettant de maintenir un espace intersubjectif, et donc la cohésion du sujet. Le japonais rappelle donc que le point de rencontre de l’organisme et du milieu est un point de rencontre « sans cesse rencontré » : par conséquent, selon nous, la naissance du sujet est perpétuellement mise en demeure d’exister ou de disparaitre selon le degré perpétuel de connaissance (Le Nous) et de reconnaissance (la Réciprocité) de l’espace intersubjectif préalable. Kimura B. L’entre. Une approche phénoménologique de la schizophrénie. Grenoble, Million, 2000.

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161 d’arbitrer, afin de favoriser un préalable de corporalité nostrique, c’est-à- dire un Nous préalable au Je.

9.1.5 Résultat : Identification d’un processus fondateur de la