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9. PREMIERE SERIE D’ETUDES : L’ETRE-AUPRES-DE

9.1 Etude 1 : Le Nous de la rencontre arbitre/joueur est nécessaire pour

9.1.3 L’analyse des résultats

La présentation, les observables phénoménologiques et la synthèse phénoménologique des résultats sera présentée ici. Le lecteur trouvera

154 des éléments de compréhension psychanalytique dans « l’analyse image par image » du mémoire de recherche(Decocq, 2008).

9.1.3.1 Présentation de la passation

La passation a duré moins d’une heure. Dès la première présentation, tout le monde s’interroge et participe : l’utilisation d’un matériel audio aurait été opportun car il ne nous a pas été possible de retranscrire scrupuleusement tout ce qui a été dit. Succinctement, nous pouvons constater la présence de divers procédés372 qui soulignent des attitudes défensives ce qui semble confirmer l’idée que notre support revêt réellement des qualités projectives. Beaucoup de réponses se réfèrent, par exemple, à la réalité quotidienne et sociale : nous dénotons un certain conformisme dans les réponses que nous qualifierions de « banales ». Seuls les leaders se sont risqués dans des réponses plus originales. Nous imputons ce fait directement au fait que la passation eut été collective. En effet, selon Braconier et Marcelli, « cette adhésion au groupe répond à des besoins sociaux qui permettent à l’adolescent de se sentir intégré »373.

Nous notons également quelques recours à la relation au clinicien : des questions nous sont posées, il nous est demandé de ne pas tenir compte de tel ou tel commentaire, mais cela reste ponctuel. De même, les cadets nous donnent souvent l’impression de dire ce que, d’après eux, nous aimerions entendre (en tous cas dans la première partie de leurs réponses). Il y a là un souci de plaire de leur part. Ce constat va dans le

372

Anzieu, D., Chabert, Ch., op.cit. p. 197

373

Braconnier, A., Marcelli, D. L’adolescent aux mille visages. Paris, Editions Universitaires, 1988, p. 32

155 sens de ce que précise Chahraoui : « le psychologue est toujours pour quelque-chose dans ce que le sujet montre, que ce soit de l’agressivité, de la séduction ou de l’indifférence »374. Puis, l’on sort parfois de l’aspect manifeste pour entrer dans l’interprétation. Au fil de la passation, le discours sort de la réalité externe pour aller vers des scénarios plus fantasmatiques.

Le but n’étant pas de dépouiller scrupuleusement ce support afin d’établir la problématique d’un sujet mais bel et bien de cerner un éventuel lien avec notre hypothèse, nous allons nous efforcer de chercher ce lien en proposant une analyse phénoménologique.

9.1.3.2 Observables phénoménologiques

Le recueil de données a permis de relever les résultats suivants : · dans la planche 1 : « il y a l’arbitre »

· dans la planche 2 : « l’arbitre est là »

· dans la planche 3 : « ça c’est un arbitre qui… »

· dans la planche 4 : « l’arbitre il est même pas là pour voir»

Dans les trois premières planches, l’arbitre est positivement présent dans le discours des cadets alors que dans la quatrième image l’arbitre n’y est pas situé, du moins pas spontanément.

Réduisons notre champ d’observation à la deuxième et la quatrième planche, car en manifestant un passage à l’acte, elles concernent directement notre hypothèse.

Voici les deux éléments que nous retenons :

374

156 1. L’espace intersubjectif n’est pas éprouvé

Il apparait que dans l’image numéro 2, où l’espace arbitre/joueurs est proche, l’arbitre est corporellement saisi par les cadets, qui le situent dans le discours ; tandis que dans l’image numéro 4, où l’espace arbitre/joueur est lointain, l’arbitre n’est pas « là ». Si le « là » est un adverbe de lieu qui renvoie à « un lieu dont on

parle »375, phénoménologiquement le discours des cadets

discrimine « l’être-là », le Dasein, autrement dit : la présence de l’arbitre. Ainsi, les cadets perçoivent l’arbitre lorsqu’ils

éprouvent un espace nostrique formé avec l’arbitre. Alors

qu’ils ne sentent pas corporellement l’arbitre dans le cas où ils le confondent avec les autres joueurs. Ainsi, l’arbitre ne peut être là, dans l’horizon du sujet, que s’il est senti : il leur a fallut plusieurs minutes au cadets avant de s’apercevoir que l’arbitre figurait sur l’image numéro 4 !

2. Le pouvoir-être du sujet sportif est suspendu

« L’advenir » du discours des cadets atteste d’un pouvoir-être du sportif qui se jette en le monde (en tant que possible, nous l’avons vu avec Maldiney). Nous remarquons à la planche 2 que même s’il y a conflit, l’être jeté en le monde est identifié : « le jeu continue et puis c’est tout ! ».

Plus finement, dans cette planche-ci, où le conflit est engagé, un espoir est détectable dans le discours des cadets : « heureusement que l’arbitre est là » « Il arrête la bagarre ». « Le jeu va reprendre puisque l’arbitre est là dans mon horizon » auraient-ils pu sentir : l’arbitre est ici éprouvé. Autrement dit, quand l’espace

375

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intersubjectif est éprouvé, le sujet parvient à s’engager corporellement en le monde, les horizons s’ouvrent dans le Je- Tu.

Tandis que dans la planche 4, où l’arbitre n’est pas éprouvé, il est absent de l’horizon du sujet: « ben oui, c’est évident qu’ils se battent » « bah ouais faut pas s’étonner si l’arbitre est « à l’ouest». Aucun advenir n’est perceptible ici, et le discours des cadets bascule vers un mode purement pulsionnel, dans le Je-Cela, semblant justifier le passage à l’acte par l’absence d’espace intersubjectif arbitre/joueurs : « c’est normal! ». Comme si le sujet éprouvait le corps à corps pour transcender sa subjectivité.