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7. METHODOLOGIE

7.3 La recherche en phénoménologie

7.3.2 La méthode en psychologie phénoménologique

La méthode en psychologie phénoménologique ne vise pas, nous l’avons compris, la recherche des déterminants d’un phénomène mais la compréhension de l’essence fondamentale de ce dernier. De même, elle semble davantage s’intéresser à l’interaction du sujet et de l’événement que ne le fait la méthode clinique340 traditionnelle341. Techniquement,

340

Chahraoui, K., Benony, H. Méthodes, évaluation et recherche en psychologie clinique. Paris, Dunod, 2003.

341

Traditionnellement, la méthode clinique a pour objet l’étude d’un sujet en souffrance (Pedinielli, 1994) et sa personnalité. Elle parait donc davantage s’intéresser au sujet dans sa globalité « aux prises » avec une situation donnée par le biais de la méthode psychanalytique, de la méthode des tests, de la méthode introspective, ou la méthode observationnelle. Lorsqu’un clinicien choisi d’utiliser un

137 cette méthode est essentiellement descriptive (Valle et King, 1978). Dans un premier temps, elle consiste en une « description soignée et systématique de ce qui est perçu dans l’expérience vécue » ; dans un deuxième temps, il s’agit d’ « identifier sa signification essentielle »342. Il est question, ici, d’éliminer tout a priori réflexif sur une description qui se veut globale. Ainsi, voici ce que précisent Bachelor et Joshi :

« L’objectivité du phénoménologue réside dans l’appréhension la plus complète possible de la structure globale du phénomène, ce qui se traduit en recherche par l’absence de toute perspective théorique, d’hypothèses pré-formulées et de sélection préliminaire de variables considérées, ainsi que par l’investigation du phénomène dans son contexte naturel. »343.

Notre démarche a donc essentiellement consisté à recueillir des données expérientielles dans la sphère sportive, d’une part en allant à la rencontre de sportifs de haut niveau dans différents clubs de la région PACA (témoignages enregistrés et transcrits en intégralité), d’autre part en décrivant notre propre expérience d’entraineur, de chorégraphe ou de juge (en milieu naturel), et enfin en menant à bien une recherche-action.

outil pour son travail de recherche, c’est alors généralement pour évaluer une structure ou un trait de personnalité, un trouble, une forme d’intelligence, une aptitude, une forme de développement plutôt que la dynamique d’un lien.

342

Bachelor, A., Joshi, P., op. cit. p. 13

343

138 7.3.2.1 L’entretien phénoménologique

La « méthode enactive » appréhende l’implication directe de la corporéité du chercheur par le prisme du « savoir faire du corps en mouvement » 344. C’est pourquoi elle a été privilégiée dans la conduite des différents entretiens qui ont eu lieu dans le cadre de cette recherche. En effet, cette méthode prédispose le chercheur à favoriser la création d’un monde commun avec l’interviewé qui livre, en retour, des données expérientielles. Cette disposition particulière induit une série d’opérations cognitives appelées « réductions » (méthode husserlienne visant à mettre le monde objectivable entre parenthèse pour l’approcher de l’expérience concrète et sensible du monde) aboutissant à « un retour à l’expérience concrète, au monde tel qu’il est originellement vécu, afin d’interroger la génèse de sa signification »345.

7.3.2.2 La recherche-action

Une recherche-action phénoménologique a été menée au sein d’un atelier à médiation corporelle selon la méthode de Barbier346. La spécificité d’une recherche-action consiste en des « recherches dans lesquelles il y a une action délibérée de transformation de la réalité et de produire des connaissances concernant ces transformations »347 (Elle implique l’immersion du chercheur en milieu naturel et une recherche collective autour d’une problématique donnée afin de mieux sentir « la réalité du

344

Leroy-Viémon, B. La méthode enactive en psychologie clinique. Le « savoir faire » du corps en mouvement. Cahiers de psychologie clinique 2008/1, N°30, p. 91-108

345

Bachelor, A., Joshi, P., op. cit. p. 11

346

Barbier, R. La Recherche Action. Paris, Economica, 1996

347

Hugon M.A, Seibel Cl., Recherches impliquées, recherche-action : le cas de l’éducation. Bruxelle, De Boeck Wesmael, 1988, p.13

139 monde telle que nous la percevons dans nos interactions »348. Dans la recherche action existentielle, « il s’agit de mettre en œuvre des facultés d’approche de la réalité qui se réfèrent aux domaines de l’intuition, de la création et de l’improvisation (…) »349. Cette pratique de recherche a mis en exergue un repérage du problème et sa contractualisation (écoute sensible, observation participante, repérage de la commande, enquête), l’identification d’un symptôme (hypothèses intuitives, hypothèses de compréhension, hypothèse d’intervention), la proposition d’un dispositif d’intervention (objectifs, hypothèses de corpus théorique coconstruites), le recueil de données, l’identification des biais, et l’évaluation de l’intervention.

Au final, l’entretien phénoménologique, l’expérience vécue et la recherche-action sont les trois points essentiels qui mettront à l’épreuve notre thèse.

7.3.2.3 Les biais

Les trois grandes études que nous allons présenter au cours de la mise à l’épreuve de notre thèse (des entretiens phénoménologiques avec divers sportifs, la description de notre propre expérience vécue dans le domaine sportif ainsi que la recherche-action menée au sein d’un atelier

psychothérapeutique) peuvent, comme toutes les recherches

scientifiques, présenter des biais majeurs.

Les biais liés aux effets de l’être-chercheur, notamment pour Bachelor et Joshi, sont au nombre de deux : les effets du chercheur sur le milieu et

348

Idem p. 81

349

140 les effets du milieu sur le chercheur350. Afin de neutraliser ces biais, les auteurs préconisent en particulier :

Dans le premier cas,

- De rester le plus longtemps possible dans le milieu.

- De clarifier son mandat auprès des sujets. De demander au sujet d’être attentif à l’influence qu’il exerce sur le milieu et sur autrui. - D’effectuer une partie des observations dans différents lieux.

- D’effectuer une partie des observations dans un contexte propice à la relation intersubjective.

Dans le second cas,

- Eviter le biais « élite » en agrandissant les échantillons.

- Eviter d’avoir une influence trop importante dans le milieu en passant du temps à l’extérieur ou en espaçant les visites.

- Utiliser plusieurs méthodes de recueil de données.

- Montrer ses données à un chercheur extérieur au projet, ce collègue étant susceptible de détecter les sources de biais.

Dans le premier cas, notre manière de réduire les effets du chercheur sur le milieu a précisément consisté à s’efforcer de créer et préserver un monde commun dans notre relation à autrui. Que ce soit dans notre expérience personnelle vécue, dans la conduite d’entretien ou dans la recherche-action, le contact prolongé avec chacun, dans des univers différents, s’orienterait vers la création d’une unité de la recherche.

350

141 Dans le deuxième cas, notre manière de réduire les effets du milieu sur le chercheur a précisément consisté à diversifier les études de recherche, qui sont présentement au nombre de cinq. Au sein même de ces études, afin d’éclairer au mieux les observables phénoménologiques, nous avons ponctuellement complété la compréhension du processus originaire par l’approche psychanalytique afin de mettre en évidence les entrelacements et/ou la déliaison des processus existentiel, primaire et secondaire.

Enfin, nous précisons que les différents recueils de données ont, dans certains cas, été recueillis avant même la perspective d’envisager l’élaboration de cette thèse et, dans d’autres, ont été discutés avec des chercheurs de notre laboratoire d’appartenance étant sensibilisés ou non par l’approche phénoménologique. Les limites d’une telle perspective de recherche concernent la généralisation possible du point de vue des sciences dites « exactes ». Pour Barbier, dans la recherche existentielle « il ne s’agit pas de produire plus de savoir mais mieux connaitre la réalité du monde telle que nous la percevons dans nos interactions »351. Comme le sont, en général, les recherches qualitatives, rien n’empêche la présente recherche d’être éventuellement le point de départ de toute démarche expérimentale afin d’œuvrer dans le sens de l’unité de la recherche scientifique.

351

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8. PRESENTATION DE LA MISE A L’EPREUVE DE LA