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De la subordination des accords de coopération décentralisée à la légalité

SECTION I : DE LA PLACE DES CONVENTIONS DE COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE DANS L ’ORDRE JURIDIQUE INTERNE

B- De la subordination des accords de coopération décentralisée à la légalité

Au-delà de la question de la compétence et de la procédure, le principe de légalité impose plusieurs contraintes juridiques aux collectivités territoriales désireuses de déployer une action avec des entités étrangères, que ce soit par l’adoption d’actes décisionnels ou de simples vœux631.

Les actes pris par les autres autorités administratives déconcentrées ou décentralisées sont des arrêtés, ils sont eux-mêmes subordonnés aux décrets, et leur place dans la hiérarchie des normes est, en principe, celle que leurs auteurs occupent dans la hiérarchie administrative. Centralisation et décentralisation comportent l’une et l’autre un certain contrôle qui s’exerce d’en haut sur les autorités déconcentrées ou décentralisées. Ce contrôle est nécessaire compte tenu de la multiplication des centres de décision administrative, le risque de dispersion de désordre et d’incoordination. L’objectif recherché est non seulement d’assurer une certaine coordination et une unification de l’action administrative afin d’éviter la violation des textes mais aussi de s’assurer de l’opportunité des mesures prises632. La décentralisation donne une autonomie d’action aux autorités décentralisées dans le cadre des affaires locales. Mais cette autonomie est juridiquement encadrée, elle ne constitue pas une indépendance. La collectivité territoriale est encore une collectivité « contrôlée » mais ce n’est pas un adjectif qui s’oppose à l’ «autonomie633 ». Une autonomie est reconnue aux collectivités territoriales en ce sens qu’elles n’ont pas à recevoir d’injonctions de la part de l’autorité centrale. En effet , le contrôle que la loi maintien sur les collectivités demeure , au sens juridique du terme, un contrôle de tutelle, c’est-à-dire, par opposition au contrôle hiérarchique, un contrôle étroitement limité par les textes634. La question est de savoir quel moyen dispose les administrés pour annuler une convention de coopération décentralisée ? Il faut ajouter aujourd’hui le déféré du représentant de l’Etat dans le cadre de la décentralisation.

631 Pour rappel, si les œu e peu e t pas fai e l’o jet d’u e ou s pou e s de pou oi , ils peu e t t e déférés au juge par la voie du déféré préfectoral et sont soumis au contrôle de légalité (CE, 30 décembre .2009, n°308514, Département du Gers).V. sur ce point ROUAULT M-C., prec. Cité par BURRIEZ(Delphine), « L’a tio i te atio ale des olle ti it s te ito iales f a çaises », RDP , 2018, n°5, p.1271

632SY ( Demba), Op-cit, p152

633 RENDERS (David) , Droit administratif général , éditions Bruylant, groupe lancier, Bruxelles , 2015, p.49

163 Il s’agit d’une action intentée devant le juge, de l’excès de pouvoir contre les actes administratifs unilatéraux ou bilatéraux. Pour éclaircir le point, nous analyserons le contrôle des administrés d’une part(1) ; et d’autre part le contrôle du représentant de l’Etat(2).

1. Du contrôle des administrés

Le contrôle des administrés se manifeste par le biais du contentieux objectif. Mais il est mieux de rappeler une règle traditionnelle selon laquelle en matière de contrat administratif il n’est possible d’attaquer en recours pour excès de pouvoir que les actes détachables du contrat. La théorie des actes détachables a pour objectif d’individualiser les différents actes administratifs « support 635» du contrat dont l’appréciation de la légalité peut se faire en dehors du contrat dans sa globalité636. Il s’agit naturellement de l’autorisation de contracter, la décision de contracter ou de ne pas contracter, l’opération d’attribution et l’approbation du contrat.

La convention de coopération décentralisée peut faire l’objet d’un contrôle, plus ou moins étendu selon les cas, de la part des tiers. Ce contrôle repose sur le principe de légalité en vertu duquel « les autorités administratives sont tenues, dans les décisions qu’elles prennent, de se conformer à la loi ou plus exactement à la légalité, c’est –à-dire à un ensemble de règles de droit de rangs et contenus divers, de la place et des compétences de l’autorité administrative qui agit 637» .Ceci se vérifie pour tout contrat conclu par une personne publique, qu’il soit de droit public ou même de droit privé638.

Nous pouvons dire que le contentieux objectif porte nécessairement sur des moyens de légalité639.Ils sont deux, les premiers sont propres à l’acte lui-même, tandis que les seconds sont dérivés du texte conventionnel640.Par conséquent, une décision de conclure un accord de coopération décentralisée pourra être annulée si elle a été prise par une autorité incompétente (incompétence matérielle, territoriale et temporelle, ou procédurale). A titre d’exemple, un

635POUYAUD (Dominique) , op ;cit, numéro 407, p. 293

636 C.E 04 Août 1905 Martin GAJA 15è éd, numéro 16- CE 20 octobre 1997, Société sud communication BACE numéro 1998, P.147

637 LAUBADERE (André de ), J-C Vénézia, Y.Gaudemet, op.cit, T.I, numéro 814, p.593.Adde, R. Chapus, op .cit, T.I, numéro 1200 et ,J.Rivero, J. Waline, op. Cit, numéro 76 et s ;

638 C.E, 29 avril 1955, consortsNoual, Rec., p.228. ; C.E, 10 mars 1995, Commune de Digne, R.F.D.A, 1996, p.429-436.

639 Pour une présentation en détail des moyens de légalité : R. Chapus, op.cit , numéro 1208-1246, p.915-948

640RICHER (Laurent), op. cit, numéro 227-230, p. 162-164, P.Terneyre, D. de Bréchillon, Vè « contrats administratifs (contentieux des) ,Rép. Dalloz contentieux administratif, numéro 121.

164 accord de coopération décentralisée signé par le maire du District de Bamako, pourra être annulé, s’il n’a pas fait l’objet, au préalable, d’une autorisation du conseil.

Il arrive aussi que la collectivité territoriale signe des accords qui ne relèvent pas de sa compétence. Cet acte peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir par un administré ou par l’administration d’Etat. Par exemple, si une collectivité territoriale signe des accords dans le domaine des missions régaliennes, ces actes pourront faire l’objet d’une annulation soit par le ministre de l’administration territoriale ou soit par le juge de l’administration. Ce contrôle est complété par le contrôle du représentant de l’Etat.

2. Du contrôle exercé par le représentant de l’Etat

Le principe d'unité de l'État se manifeste notamment par la tutelle à la fois sur les organes et sur les actes des collectivités territoriale. A cet effet, les actes des collectivités territoriales pour l’application d’une coopération décentralisée sont soumis aux conditions du droit commun du contrôle de légalité641.

En premier lieu, les actes de passation de la convention sont préalablement autorisés par une délibération qui doit être transmise au représentant de l’Etat accompagnée du projet de convention, non encore signé, et de tout document permettant d’apprécier la légalité de l’autorisation de conclure. Les autorités de tutelle sont le ministre chargé des collectivités territoriales, le gouverneur et le préfet642.Elles sont les seules personnes habilitées à approuver les délibérations autorisant la signature d’une convention de coopération décentralisée, ou d’un serment de jumelage643, ainsi que la convention elle-même ou le serment de jumelage.

En second lieu, le représentant de l’Etat vérifie si le signataire de la convention a été autorisé dans les formes et sur le fond par une délibération de l’assemblée de la collectivité territoriale. Par exemple au Mali, les conventions de coopération décentralisée sont signées par les présidents des organes de l’exécutif des collectivités territoriales concernées après délibérations de leurs conseils644.Il vérifie aussi la compétence de la collectivité. Par exemple, si elle a négocié avec un acteur infra-étatique et non pas avec un acteur étatique ou

641CAUDAL “ l ie , Les elatio s e t e olle ti it s te ito iales, l’Ha atta , , p.

642Article 19 de la loi portant code des collectivités territoriales ( numéro du 23 janvier 2012).

643 LAYE (Pierre) « coopération décentralisée des collectivités territoriale » te ito ial ditio , dossie d’e pe ts, juin 2015, p.81

644 Articles 48 et 49 du décret numéro 2015-0848/P-RM du 22 décembre 2015 déterminant les modalités de la coopération entre les collectivités territoriales

165 une organisation internationale. Car les règles constitutionnelle et législative imposent à la coopération décentralisée le respect des principes d’indivisibilité de la République et de souveraineté nationale.

Enfin, toutes les décisions prises par l’organe compétent de la collectivité ne deviennent exécutoires que lorsqu’elles sont approuvées par le représentant de l’Etat. Par exemple le ministre de l’administration et des collectivités exerce non seulement un contrôle sur le Conseil du District de Bamako comme organe mais aussi sur les décisions prises par celui-ci. A ce sujet, Iris Boinvilliers estime que la convention de coopération ne revêt son caractère exécutoire qu’après que les formalités de transmission et publication aient été accomplies645. Par ailleurs, en matière de coopération décentralisée, peuvent donc être déférés les délibérations autorisant la conclusion du contrat surtout le contrat lui-même devant le tribunal. La principale particularité du déféré, en matière de coopération décentralisée comme ailleurs, est en effet de pouvoir porter sur le contrat lui-même646. Les conventions de coopération décentralisée peuvent être déférées à tout moment devant le juge administratif dans les conditions fixées par le droit commun, prévue par l’article 296 de la loi 2017, dans les deux mois à compter de la transmission647. Le sursis à exécution peut également être demandé. A cet égard toutes les conventions de coopération décentralisée sont soumises au contrôle de légalité. Elles doivent faire l’obligation de transmission et de publicité. C’est la convention elle-même qui est soumise au contrôle de légalité. Celui-ci s’exerce dans les conditions du droit commun. A la différence du recours pour excès de pouvoir à l’encontre d’un acte détachable exercé pour les mêmes motifs, c’est donc le contrat lui-même qui sera annulé. En plus, le contrôle de légalité a plusieurs fondements. Il est nécessaire dans l’intérêt de l’Etat lui-même. Le maintien de l’unité de la république se réalise grâce au contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales comme l’exige le code des collectivités territoriales dans son article 19 qui donne au représentant de l’Etat, dans les collectivités territoriales la charge du contrôle administratif et du respect des lois648.Au niveau de la personne morale décentralisée, il permet d’éviter la mauvaise gestion. Il permet de protéger aussi les individus vivant au niveau de la collectivité décentralisée contre l’autorité décentralisée.

645BOINVILLIERS (Iris) , coopération décentralisée, acteurs, pratiques, procédures ,,ministère des affaires étrangères, les éditions du gret, p . 48

646 « C’est la o e tio elle-même qui est soumise au contrôle de légalité » : circulaire préc. Du 26 mai 1994. .

647 Art 296 de la loi n° 2017-051 du 02 octobre 2017

166 En somme, nous pouvons dire que la question de savoir si les conventions de coopération décentralisée sont des actes administratifs interne ou des actes internationaux ne semble plus se poser, puisque ces accords sont soumis au contrôle de tutelle. Ce qui démontre que les conventions concluent entre les collectivités territoriales maliennes et leurs partenaires étrangers sont des accords de droit public interne. Ce sont des actes administratifs bilatéraux soumis à la tutelle des autorités centrales ou déconcentrées de chaque collectivité territoriale .Ils peuvent faire l’objet d’un contentieux de pleine juridiction ou d’un contentieux objectif devant le juge de l’administration. Après avoir tenté de classer les accords de coopération dans l’ordre interne, il nous revient de chercher leur place dans l’ordre juridique international (section 2).

SECTION 2 : DE LA PLACE DES CONVENTIONS DE COOPERATION

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