• Aucun résultat trouvé

SECTION I : DE LA PLACE DES CONVENTIONS DE COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE DANS L ’ORDRE JURIDIQUE INTERNE

Paragraphe 1: De l ’implication des acteurs principaux dans le processus de financement de la coopération décentralisée

A- Des interventions financières des acteurs infra-étatiques

1. Des modes de financement

Désormais, la coopération décentralisée ne s’inscrit simplement plus dans une déclaration d’intention mais obligatoirement dans une action puisque tout contrat de coopération devra définir « les actions envisagées »688. Cette notion implique la mise en œuvre d’une politique concrète, aux résultats souhaités. Et va donc contraindre implicitement les autorités décentralisées à définir au préalable une politique de coopération décentralisée afin de déterminer les actions envisagées à entreprendre. Elle doit en effet être assortie de prévisions de dépenses et d’une note de présentation des actions projetées, avant d’être soumise à l’examen de l’assemblée délibérante de la collectivité ou du groupement689. A ce sujet, Eric Recoura Massaquant estime que toute action de coopération décentralisée ayant une incidence financière passe, comme il se doit, devant l’assemblée délibérante de la collectivité concernée690. Comme toute autre politique locale ou régionale, les projets de délibération ne peuvent pas être pris en catimini sur la base de fonds secrets, par un nombre restreint de représentation des citoyens. Pour Yves Gounin, les conventions de coopération doivent préciser les modalités des actions envisagées et mentionner le montant prévisionnel des engagements financiers691 .

Cela permet d’éclairer les autorités décentralisées avant qu’elles ne se prononcent sur les buts poursuivis, les enjeux de partenariat, et les éventuels bénéfices à entendre, puisque tous

687CHICOT(Pierre-Yves)op, cit , p.220.

688 LUBAC(Jean-Christophe), « La efo te des p i ipes de l’a tio i te atio ale des olle ti it s te ito iales », La Semaine Juridique Administration et Collectivités territoriales, 2007, n°10-11,2064.

689 TULARD(Marie-José), « La coopération décentralisée : diversité, enjeux et instruments », AJ Collectivités Territoriales, 2011, p.542.

690 RECOURA-MASSAQUANT (Eric), « La coopération décentralisée et international en pratique », La Semaine Juridique Administration et Collectivités Territoriales, 2013, n°30, 2213.

691 GOUNIN(Yves), « Le cadre juridique de la coopération décentralisée », AJ Collectivités Territoriales, 2011, p.545.Confirmé par MONDOU(Christophe), « La Coop atio d e t alis e des olle ti it s te ito iales d’u ode d’e e i e des o p te es à une compétence spécifique », Revue Le Lamy Collectivités territoriales, 2007,n°22, p.1-8.

181 les éléments du projet de partenariat, y compris les engagements financiers qu’il recouvre, doivent être portés au préalable à la connaissance des élus locaux. Ainsi, la décision de conclure la convention, qui résultera, le cas échéant, de la délibération de l’assemblée, sera prise en toute connaissance de cause et de façon plus formelle qu’au paravent692.

Le financement de la coopération décentralisée est d’abord l’affaire du budget propre des collectivités territoriales693. Selon Jean Marc Pastor, la principale ressource de la coopération décentralisée provient des collectivités territoriales694.Classiquement, la notion de financement s’envisage sous l’angle des dépenses 695 et des ressources696. La dépense d’un acteur infra-étatique emporte pour conséquence d’influer sur son champ de compétences c’est-à-dire d’augmenter ou de le minoré. Les dépenses publiques locales sont la manifestation financière de l’exercice des compétences des collectivités locales697. En ce qui concerne les ressources propres des collectivités territoriales, qu’elles soient fiscales ou tarifaires, sont essentielles pour garantir l’autonomie financière des collectivités locales698. Les ressources affectées par les acteurs infra-étatiques à leur coopération ont des assises variables. Elles prennent la forme, selon les cas soit le versement d’une subvention annuelle au comité de jumelage, soit une somme forfaitaire par habitant ou un pourcentage de ses

692 TULARD(Marie-José), op, cit, p.542.

693LAYE Pie e , La oop atio d e t alis e des olle ti it s te ito iales, dossie d’e pe ts, , p.

694

PASTOR(Jean-Marc), « Le financement des projets de coopération décentralisée », AJ Collectivités territoriales, 2011, p.548.

695

Art 250 de la loi n°2017-051 du 02 octobre 2017 portant code des collectivités territoriales dispose que les charges des collectivités territoriales comprennent les dépenses de fonctionnement et les dépenses d’i estisse e t.

696 Art 248 de la loi n°2017-051 du 02 octobre 2017 portant code des collectivités territoriales dispose que les ressources des collectivités se comprennent :

-Des ressources fiscales qui comprennent les i pôts d’Etat t a sf s au olle ti it s te ito iales, les i pôts et taxes locaux directs et les impôts et locaux indirects ;

-Des p oduits pa atu e les p oduit d’e ploitatio , les p oduits fi a ie s, les e e us du do ai e et les redevances)

-Des essou es udg tai es ui so t o stitu es des dotatio s et su e tio s sp iales de l’Etat au collectivités territoriales ;

-Le produit des emprunts autorisés qui sont exclusivement destinés au financement des investissements ; -Des dons et legs ;

-D’aut es essou es ota e t les su e tio s les su e tio s des pa te ai es.

697TAILLEFAIT(Antony), « Budgets locaux », Jurisclasseur, fasc.127-10, 2014, p.37-38.

182 ressources sur le budget de fonctionnement ou d’investissement699, soit la détermination d’un volume financier établi à partir des projets retenus, ou soit de frais généraux voire même des prestations en nature700.

Les dépenses de coopération décentralisée des collectivités territoriales ne sont pas toutes inscrites sur les mêmes lignes budgétaires701. Ainsi des frais de logistique pour les missions ou l’accueil de responsables du Sud ou du Nord et le détachement de personnels ou de dons de matériel ne sont pas forcément inscrits à la ligne budgétaire de la coopération, mais pris sur le fonctionnement général de l’acteur infra-étatique. En somme, la dépense couvre l’ensemble du financement de l’opération de coopération.

Le débat sur le financement de la coopération décentralisée par les acteurs infra-étatiques révèle que ces derniers ne sont plus en mesure d’assumer seules le financement compte tenu du perfectionnement des projets qui tendent vers l’appui de la maîtrise d’ouvrage et de la technique de la gestion décentralisée urbaine et communale. D’ailleurs, les acteurs infra étatiques maliens demandent avec déférence un renforcement des cofinancements étatiques et africains qui permettront d’assurer avec effectivité les opérations de coopération décentralisée.

Le financement présente un caractère fonctionnel attestant de la particularité de l’évolution du concept qui s’est d’abord matérialisé par l’exercice de la pratique avant de se pourvoir de règles juridiques qui lui soient propres702. Le caractère fonctionnel fait recours à l’impact du financement sur l’évolution juridique de la coopération décentralisée à savoir l’admission de la légalité du fait coopératif et les effets des initiatives financières sur l’étude de la coopération décentralisée703.Bernard Dolez a, en ce sens, démontré704que l’Etat ne pouvait consentir à un cofinancement sans avoir au préalable admis la légalité du rapport de coopération.

699 Ministère des affaires étrangères, DGCID, Guide de la coopération décentralisée, Echanges et perspectives et partenariats internationaux des collectivités territoriales, la documentation française, 2ème édition, 2006, p.87

700

Rapport HUNAULT, la coopération décentralisée et le processus d’ la gisse e t de l’U io eu op e e, Asse l e Natio ale, it pa C. MONDOU et A. POTTEAU, L’a tio e t ieu e des olle ti it s te ito iales, bilan et perspectives, Harmattan, Paris, 2007, p.161

701 LAYE(Pierre), op.cit., p.143

702 MONDOU(Christian) et POTTEAU(Aymeric), op, cit , p.156

703 MONDOU(Christian) et POTTEAU(Aymeric), op, cit , p.156

704 DOLEZ (BERNARD), « Le gi e ju idi ue de la oop atio d e t alis e ap s l’adoptio de la loi d’o ie tatio pou l’a age e t et le d eloppe e t du te itoi e », RFDA, 1995, p.940

183 Des dispositions législatives viennent alors conforter les relations internationales des acteurs infra-étatiques en précisant directement la capacité financière de ceux-ci dans un domaine spécifique et ce dans un souci de motivation de la coopération décentralisée et non de la réduction. La loi 96 constitue un des principaux instruments pour la réalisation de l’autonomie financière du District de Bamako et des communes qui le composent705. « Elle leur permet, à l’instar des autres collectivités territoriales, de pouvoir disposer de ressources propres pour leur fonctionnement et la réalisation des actions de développement706 ». Pour chaque niveau de collectivité territoriale, la loi prévoit deux types d’impôts et taxes. Il s’agit d’abord des impôts et taxes prévus par le code général des impôts et qui, recouvrés sur leur territoire, sont transférés à son budget. Il s’agit ensuite des impôts et taxes qui peuvent, par délibération, être institués par les collectivités territoriales sur certaines matières707. De même, la loi n°2011 -036 du 15 juillet 2011 relative aux ressources fiscales des communes, des cercles et des régions, énumère les différents impôts et taxes des différents niveaux de collectivités territoriales708.

Pour les collectivités territoriales du Nord particulièrement celles de la France, les textes législatifs sont plus précis pour le financement des actions de coopération décentralisée. Nous pouvons citer à cet effet la loi Oudin, du 9 février 2005709qui fixe le cadre budgétaire des actions de coopération décentralisée, d’aide d’urgence et de solidarité internationale dans les domaines de l’eau et de l’assainissement. Les collectivités territoriales et plus généralement les établissements publics de coopération intercommunale auxquels ont été attribués ces

705

Loi n°96-058 du 04 novembre 1996 déterminant les ressources fiscales du District de Bamako et des communes qui le composent.

706

Voir : Interview réalisé à la Direction générale des collectivités territoriales, interview Dramane Guindo, Sous-directeur, Bamako, Janvier 2017.

707 KEITA(Amadou), FOMBA(Brahima), KEITA(Amagoin), Le parcours législatif de la reforme de décentralisation au Mali, éd Tombouctou,2017, p.30.

708 Art 3 de la loi n°2011-036 du 15 juillet 2011 relative aux ressources fiscales des communes, des cercles et des régions.

709 Loi n°2005-95 du 9 février 2005 relative à la coopération internationale des collectivités territoriales et des age es de l’eau da s les do ai es de l’ali e tatio e eau et de l’assai isse e t, J.O du 10 février 2005, p.2202.

Article L. 1115-1-1 du CGCT : « Les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les s di ats i tes ha g s des se i es pu li s de dist i utio d’eau pota le et d’assai isse e t peu e t, dans la limite de 1% des ressources qui sont affectées aux budgets de ces services, mener des actions de coopération avec les collectivités territoriales étrangères et leurs groupements, dans le cadre des conventions pu li es p ues à l’a ti le L. -1, des actions d’aide d’u ge e au fi e de es olle ti it s et g oupe e ts, ai si ue des a tio s de solida it i te atio ale da s les do ai es de l’eau et de l’assai isse e t ».

184 compétences peuvent consacrer jusqu’à un pourcent de leur budget propre à ces services pour motiver leurs actions de coopération décentralisée710.

Le financement peut se regarder, par ailleurs, comme un moyen d’encouragement de l’exercice de la coopération décentralisée711.L’acteur infra-étatique malien supporte le financement de ses actions en complémentarité avec l’apport financier de son partenaire de coopération. Les dépenses, en la matière, se répartissent sur plusieurs chapitres dans la section de fonctionnement et d’investissement selon leurs caractéristiques propres et sont soumises à cet égard aux règles budgétaires locales.

Parmi les dispositifs mis en œuvre, « l’aide de solidarité » reste très présente. Elle prend la forme d’envoi d’objets en nature, de médicaments, d’ouvrages scolaires… ou d’envoi d’argent pour la mise en place de banques de céréales villageoises, le financement de petites infrastructures : puits, blocs scolaires… Ses récipiendaires la qualifient de « coopération conteneur » ou l’évoquent sous le terme de « toubab kado712 ». Fondée sur une conception humanitaire, « cette coopération a pour objet de soulager les populations vivant dans la misère »713. Il s’agit d’aider à l’amélioration des conditions de vie par l’aide ponctuelle. Aucun domaine n’est négligé.

Considérés comme un soutien au développement, les volumes financiers se mesurent par le financement et souvent la prise en charge d’équipements, comme par exemple la réalisation de points d’eau, l’amélioration de l’hydraulique villageoise. Dans le domaine de la santé et de l’éducation, les établissements sont particulièrement sollicités. Ils bénéficient de financements publics nationaux et multilatéraux, de la formation de leurs agents.

Certaines coopérations accentuent encore leur appui au développement en apportant leur concours à la mise en place et à la gestion de services publics fonctionnant sous l’autorité des collectivités locales. Nous pouvons citer en exemple le montant total de la subvention de la Région Rhône-Alpes en faveur de la coopération avec la Région de Tombouctou de 2004 à 2009 qui s’élève à 5.279.540.040 FCFA. Ce montant accordé à la coopération au Mali

710La olle ti it te ito iale p l e u e ti e additio el su le p i de l’eau et de l’assai isse e t, it pa Christophe.Mondou et Aymeric Potteau, op, cit, p.163

711 DOLEZ (BERNARD), « Coop atio d e t alis e, sou e ai et de l’Etat, o t i utio à l’ tude du gi e ju idi ue de l’a tio e t ieu e des olle ti it s te ito iales, th se, u i e sit de Lille , , p. -56

712

« Toubab kado » Expression « bambara », ’est u e la gue ate elle ui pe et de ualifie les do atio s des blancs.

185 (Tombouctou) est largement le plus important de l’APD de la Région Rhône-Alpes sur la même période ; soit 22,12% des 36.370.721 Euros le montant total de l’APD de 2004 à 2009714.

Le financement est un instrument capital car il s’suppose une maitrise certaine du projet de coopération et constitue un véritable indicateur de l’ensemble des opérations de coopération. Il répond à un double objectif d'efficacité et de pertinence. Efficacité, parce qu’elle permet aux collectivités territoriales qui n’ont pas de ressources suffisantes de satisfaire les besoins socio-économiques de leurs communautés à la base. Pertinence, parce que les financements sont accordées seulement à certaines conditions715. Mais ces financements manquent de lisibilité.

Documents relatifs