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Paragraphe 2 : De la coopération entre les collectivités territoriales maliennes et leurs homologues d’autres Etats

B- De la coopération décentralisée

La coopération décentralisée est aujourd’hui une réalité à l’évidence des traditionnels jumelages qui sont dépassés tant au vu des instruments utilisés, véritables sources de droits et obligations110. Un phénomène que depuis peu le législateur malien 111a voulu encadrer et surtout contrôler, obligeant les collectivités territoriales à une analyse juridique de leurs conventions.

La coopération des collectivités locales, autant à l’intérieur, qu’à l’extérieur du territoire national, est devenue un élément majeur de compréhension des acteurs infra-étatiques. Selon Jamil Sayah, la coopération décentralisée nous ramène au principe « de la libre administration des collectivités territoriales » en tant que d’ordre légal112.

La politique de coopération décentralisée a été perçue par les acteurs infra-étatiques maliens comme un moyen de développement. Puisqu’elle représente une forme de

107CHRISTOPHE (Mondou) et POTTEAU(Ameyric) « L’a tio e t ieu e des collectivités territoriales, bilan et perspectives » RDP-GERAP, 2006, p.110

108 Art 58 du dit décret, op, cité

109A t de la o e tio de l’U io af i ai e su la oop atio t a sf o tali e, op , it,

110 CLAISSE (Yves), Le droit de la coopération décentralisée, , Paris, 1994, préface du livre.

111 Art Art 27 de la loi 93-008 modifiée par la loi n °2017-052 du 2 octobre 2017 déterminant les conditions de la libre administration des collectivités territoriales

112 SAYAH (Jamil) « La coopération décentralisée, un mode atypique des relations internationales », Revue le Lamy Collectivités territoriales, n°11, 2006, p.1.

29 coopération horizontale, qui correspond mieux à une nouvelle vision de la gouvernance locale. Mais cette expression « coopération » a fait l’objet de plusieurs débats doctrinaux. La coopération, écrivent Antoine Vion et Emmanuel Négrier113, est le résultat d' « un étagement de la diplomatie ». Dont l'objet de la diplomatie est la réduction et l'effacement des tensions et crises et l'instauration d'une vie paisible.

Elle est une notion qui couvre un large éventail de relations contractuelles entre deux ou plusieurs entreprises, résultant en partie de l’imagination prodigieuse de celles-ci, mais également de la spécificité des secteurs dans lesquels les accords sont conclus114.

Le concept de coopération décentralisée est à la fois nouveau et ancien. Nouveau, car peu de doctrines y sont consacrées, ancien du fait qu'elle a existé d'abord sous la forme de jumelage depuis la fin de la seconde guerre mondiale, en vue de créer des liens d’amitié entre les communautés des entités différentes .Par exemple des jumelages 115entre villes d’Europe occidentale se sont développés, puis avec l’Europe de l’Est. Tout ceci dans un élan de promotion de la paix et de la solidarité dans le monde. C'est ainsi que les premiers jumelages sont nés entre les villes françaises et allemandes. Ce genre de partenariats s'est étendu aux pays de l'Europe de l'Est pendant la guerre froide. En Afrique, elle a fait son apparition aux lendemains des indépendances pour favoriser la paix à travers des actions d'aides spontanées. La coopération décentralisée, considérée comme un partenariat solidaire entre acteurs infra-étatiques, vise essentiellement à favoriser la prospérité commune, consolider le développement local et régional, et la gouvernance des territoires. Elle renforce les capacités des autorités locales et régionales à assumer les compétences de la décentralisation croissante dans les différentes entités infra-étatiques. La coopération décentralisée rentre dans le champ de l'aide publique au développement. Elle est définie par la législation des Etats et les organisations internationales.

C’est ainsi que la communauté européenne a depuis 1989 consacré d’abord l’expression de « coopération décentralisée pour le développement » dans les accords de Lomé IV116, de ce fait il y a eu une reconnaissance juridique de cette pratique par les Etats signataires dont le Mali de ces accords de partenariats qui redéfinissaient le rôle de l’Etat et des autres acteurs

113 VION(Antoine) et NEGRIER(Emmanuel), la coopération décentralisée, un étage du jeu diplomatique, CEPEL Mo tpellie Co t i utio à l’atelie les nouvelles formes de la diplomatie, Congrès AFSP, Lille, 21 septembre 2002

114VERBRAEKEN (E) , le cadre juridique de la coopération , RTD Com, 1995, p.39

115La notion de jumelage est né au lendemain de la 2ème guerre mondiale en 1951 avec la création de l’association du monde de bilingue.

116A o d de oop atio e t e l’Eu ope et les pa s d’Af i ue-Caraïbes Pacifique (ACP) en 1989 à Lomé au Togo.

30 (collectivités territoriales, société civile, secteur privé, etc..) dans la gestion des affaires publiques.

Mais, il est à signaler que cette coopération décentralisée est confrontée à un problème de définition. Au niveau de la doctrine, deux écoles s’affrontent à savoir le courant Anglo-saxon ou extensif et celui du courant Français ou restrictif. Selon Ada Bekkouche et Bernard Gallet, dans l’action extérieure des acteurs infra-étatiques en matière de relations internationales se distinguent dans leur contenu et dans la qualité de l’agent qui l’a conduit117. La conception qu'on peut qualifier d'extensive, accorde la qualité d'agents de coopération décentralisée à tous les acteurs infra-étatiques, c'est-à-dire toutes les organisations et personnes morales qui ne relèvent pas directement du gouvernement, qu'elles soient publiques ou privées. Il peut s'agir des acteurs infra-étatiques ou autorités territoriales, que de chambres consulaires ou de métiers, d'universités, de centres de recherche, d'associations, d'ONG, etc. Dans cette conception, les associations et organisations de solidarité internationale jouent un rôle important dans les relations de l'émergence des acteurs infra-étatiques dans le cadre de la coopération. Ainsi, pour cette conception, la coopération décentralisée comprend toute action internationale mise en œuvre par les acteurs infra-étatiques. Selon l’UE, on entend par coopération décentralisée tout programme conçu et mis en œuvre dans le pays du Sud ou de l'Est par un acteur de la société civile : ONG, coopérative agricole, groupement féminin, syndicat118 , etc. Cette conception vise à intégrer les acteurs non gouvernementaux dans le développement local et régional. En outre elle considère pour sa part, que l’action extérieure des collectivités territoriales, doit être entendue dans une conception large comprenant tous les acteurs de terrain119.Cette définition appelle plusieurs précisions120.

En revanche, la conception que l'on peut qualifier de restrictive accorde la qualité et le statut d'agents de coopération décentralisée uniquement aux collectivités et autorités territoriales, car on considère qu'il s'agit de relations décentralisées au sens étroit de

117BEKKOUCHE(Ada), et Gallet (Bernard) . , « Coopération décentralisée : L’ e ge e des olle ti it s et autorités territoriales, sur la scène internationale », Annuaire français des relations internationales, Bruylant, Bruxelles, 2001, p.376.392, cité par Ousmane Sall dans son mémoire de Master en Relations internationales, les échanges entre collectivités décentralis es d’Af i ue “u saha ie e et de l’U io eu op e e : Une réussite si la condition de la réciprocité est respectée, 2005, p.44

118 V .CUF CONCOD, Manuel de Formation des acteurs de la CD, V . CUF, CONACOD, 2003, p5 .

119 4 Règlement (CE) n°625/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 prorogeant et modifiant le règlement (CE) n° 1659/98 relatif à la coopération décentralisée.

119L1115-2 et L1115-4 du CGCT en France

120COMBEAU(Pascal), « Coopération décentralisée », jurisclasseur collectivités territoriales, Fasc. 60, octobre 2010, p1-36.

31 l'expression. Les acteurs de la coopération, dans ce cadre, sont les acteurs infra-étatiques et leurs groupements. Ainsi, toute entité, disposant d'une assemblée élue au suffrage universel, peut mener des actions de coopération décentralisée. Ce sont donc les autorités décentralisées élues qui ont par excellence le statut d'agents de la coopération décentralisée. Toutes les entités qui ne relèvent pas de cette catégorie d'institutions et qui ont des relations avec des organismes étrangers, font de la coopération non gouvernementale. La doctrine française et la pratique des autres Etats comme le nôtre en la matière ont tendance à privilégier cette conception.

Au regard de cette analyse, nous pouvons dire que les deux écoles de la coopération décentralisée sont complémentaires dès lors que, les acteurs infra-étatiques et les autres acteurs non gouvernementaux s’échangent, au sud comme du Nord sur les actions de développement qui prennent en compte le souci des bénéficiaires.

Le concept de la coopération décentralisée et sa signification concrète au Mali est la manifestation de la volonté d’une collectivité territoriale malienne d’établir des relations de coopération avec une collectivité sur le territoire malien ou avec une collectivité d’un Etat étranger121. Selon l’article 47 du décret n° 2015 -848, la convention de coopération décentralisée est un acte juridique par lequel deux ou plusieurs collectivités territoriales ou leurs groupements établissent des liens de coopération ou de partenariat122.Ces relations peuvent aller du simple échange culturel à l’établissement d’une convention de partenariat dans le domaine social, économique et culturel. Il s'agit donc d'une relation à double sens qui doit se fonder sur la liberté, l'égalité et la démocratie. Cette définition est confirmée par Franck Petit Ville. Selon lui, la coopération décentralisée désigne toutes les opérations de coopération mises en œuvre directement ou sous leur impulsion ou avec leur soutien par les collectivités territoriales123. Pour Delphine Burriez, l’action extérieure, autrefois « coopération décentralisée »124, est définie comme l’action qui « associe des collectivités françaises et

121 Guide sur la coopération entre les collectivités territoriales, février 2016

122 Art 47 du décret n°2015-848/P-RM du 22 décembre 2015 déterminant les modalités de la coopération entre les collectivités territoriales.

123 Petite ville (Franck)), la coopération décentralisée : les collectivités locales dans la coopération Nord –sud, Paris, Harmattan, p. 286

124 La coopération décentralisée est définie comme « l’e se le des a tio s de oop atio i te nationale e es pa o e tio da s u ut d’i t t o u pa u e ou plusieu s olle ti it s te ito iales f a çaises, d’u e pa t, et u e ou plusieu s auto it s te ito iales t a g es et leu s g oupe e ts, d’aut e pa t, da s le cadre de leurs compétences mutuelles »(circ., 20 avr 2001 relative à la coopération décentralisée des collectivités territoriales françaises et de leurs groupements avec des collectivités territoriales étrangères et leu s g oupe e ts . Aujou d’hui, la oop atio d e t alis e fait pa tie i t g a te de l’a tio e t ieu e, e ta t u’a tio e t ieu e « contractualisée entre autorités locales partenaires ».Nous verrons en effet que l’a tio e t ieu e s’ te d au-delà de l’i st u e t o e tio el. A ote toutefois ue la otio d’ « action

32 étrangères pour mener des projets de coopération dans les domaines de la culture, du climat, du développement urbain et rural durables, de l’éducation, de la jeunesse et du développement économique »125.

En tant que concept, elle désigne au Burkina-Faso l’ensemble des relations non gouvernementales qui unissent des collectivités, des associations, des institutions et des structures non gouvernementales du Nord et du Sud dans des actions Nord/Sud ou Sud/Sud126. Pour Hubert Perrot, la coopération décentralisée peut être définie comme « la forme la plus répandue de l’action extérieure des collectivités locales. Yves Delahaye la définit comme des relations extérieures ou des actions extérieures que les collectivités territoriales peuvent mettre en œuvre dans les domaines de leurs compétences127.

Lorsque les acteurs infra-étatiques agissent par-delà la frontière nous sommes dans le cadre d’une coopération transfrontière. Toutefois ce terme employé par Nicolas Levrat128mérite cependant d’être affiné car il ne signifie pas le passage de la frontière par tous les partenaires engagés dans une même action de coopération mais le fait que des projets soient menés par des collectivités territoriales de nationalités différentes129et qu’elles peuvent être amenées à franchir la frontière et soumises à un droit étranger voire supporter une gestion régie uniquement par un droit étranger.

Mais ce terme de coopération décentralisée désignerait, au regard des conventions liant la collectivité malienne à un partenaire clairement identifié, l’ensemble des actions de coopération internationale menées entre une ou plusieurs collectivités territoriales et une ou plusieurs autorités locales étrangères dans un intérêt commun.

C'est pourquoi le choix se basera ici sur une définition lato sensu. La coopération décentralisée désignera toute forme de relation, de collaboration ou d'actions entre les collectivités territoriales maliennes et étrangères. Elle peut se manifester aussi sur le plan

extérieure des collectivités locales » est appa ue e p e ie , da s le tit e do au d l gu pou l’a tio extérieure des collectivités locales par la circulaire du Premier ministre du 26 mai 1983(sur ce point, v.CE, sect. Rapport et études, Le ad e ju idi ue de l’a tio e t ieu e des olle ti it s lo ales : étude adoptée par l’asse l e g ale du Co seil d’Etat le juillet , . La do u e tatio f a çaise, p. .Cit pa Delphine Burriez, « L’a tio i te atio ale des olle ti it s territoriales françaises », RDP,2018, n°5, p.1271.

125 Site internet France Diplomatie.www.diplomatie.gouv.fr.

126

Art. 122, 123, 127 et 128 du code général des collectivités territoriales du Burkina du 21 décembre 2005.

127DELAHAYE (Yves), « Une nouvelle forme de coopération : la coopération décentralisée »,in « Coopération décentralisée et coopération multilatérale francophone, colloque international 15 et 16 décembre 1988 », Economica 1989, pp.41-53, cité par César Noizet, coopération décentralisée et le développement local, l’Ha atta , , p.

128Levrat (Nicolas) , Le droit applicable aux accords de coopération transfrontière entre collectivités publiques infra-étatiques, P.U.F, 1994, p.3

33 juridique, par la simple conclusion d’une convention entre collectivités territoriales d’Etats différents. Considérée comme théorie de la relation internationale, elle définit un nouveau code de vie des collectivités territoriales. Ce faisant, elle sanctionne certaines attitudes et encourage d’autres130. Elle modifie le paysage juridique de la relation des collectivités territoriales. Ce qui nous amène à réfléchir sur le régime des obligations contractuelles en droit administratif.

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