• Aucun résultat trouvé

Paragraphe 1 : Des acteurs intervenants dans la conclusion des accords de coopération internationale

A- De la phase de négociation

1. De la position des acteurs étatiques

Les acteurs étatiques doivent arbitrer entre les besoins de coopération tels qu’ils les perçoivent et leur souci constant d’échapper à une dépendance qui mettra en cause leur autonomie. Si les relations internationales sont un marché de la puissance publique, il s’agit d’un marché de l’offre beaucoup plus que la demande. Les acteurs qui ont la capacité et le désir de l’offrir ont toujours le dernier mot. A cet effet, tout acteur étatique a la capacité de conclure des accords de coopération. L’approche historique nous montre également que depuis le XV siècle, le domaine diplomatique relève de la mission régalienne486. Le seul fait d’être reconnu comme entité étatique suffit pour se prévaloir de la qualité de sujet de droit des gens. Dans la sphère internationale, ce sont les acteurs étatiques qui sont les entités fondamentales. Les acteurs étatiques disposent de la capacité juridique et de la personnalité juridique internationale pour intervenir dans les relations internationales. Cette compétence exclusive des Etats dans les relations internationales leur est attribuée par le droit international public et par le droit interne.

On constate ainsi que c’est la notion de souveraineté qui confère aux acteurs étatiques la capacité juridique pour intervenir dans les relations internationales. Selon Sinkondo, ce sont les Etats qui font et disent le droit international à leur propre intention, pour se construire eux-mêmes comme concept renvoyant à une réalité transcendante, et pour surmonter leurs conflits de souveraineté487.Selon Michèl Debré, il ne saurait être question, de quelque façon que ce soit, de l’altérer en reconnaissant aux collectivités publiques infra-étatiques un droit d’action à l’étranger. Pour Fabien Brial, ce serait de compromettre la souveraineté de l’Etat dans son

486 SALMON (Jean), Manuel de droit diplomatique, Bruxelles, Bruylant 1994, P.20

127 acception de représentation de la France sur le plan international488. La société relationnelle

489internationale concerne les Etats. Ces derniers sont des acteurs essentiels des relations internationales490.Pour les approches stato-centrées, ces relations correspondent aux théories qui sont liées à la domination des relations par les Etats. En ce sens Viltard parle de « présupposé majeur faisant de l’Etat l’acteur quasi-exclusif des relations internationales 491». En droit interne, les constitutions nationales depuis longtemps basées sur le principe de la séparation des pouvoirs, le régime parlementaire et la démocratie. Ce sont naturellement le chef de l’Etat, le ministre des affaires étrangères, et des personnes munies de pouvoirs appelées pleins pouvoirs 492« en réalité sauf des accords en forme simplifiée (c’est aujourd’hui fréquemment le cas, à l’imitation d’une procédure d’origine américaine « exécutive gréements 493») le plénipotentiaire n’a plus aujourd’hui compétence pour engager définitivement l’Etat, ce qui donne un caractère surtout protocolaire à l’examen des pleins pouvoirs »494.

Ce sont ces deux organes de l’Etat qui, à l’égard des autres Etats, assument la responsabilité de l’observation des règles plus ou moins compliquées posées par les normes fondamentales. Selon Claude Chayet, les porte-voix de la volonté conventionnelle de l’Etat sont le Chef de L’Etat, le chef du gouvernement ainsi que le ministre des affaires étrangères et ce, en France comme ailleurs495. Par conséquent, un accord directement signé par l’une de ces autorités engage immédiatement l’Etat, s’il est en forme simplifiée. S’il est en forme solennelle, la signature aura valeur d’authentification du texte conventionnel496. Mais, il est évident que ces autorités se font parfois représenter dans l’exercice de cette fonction. C’est alors qu’intervient le mécanisme des lettres de pouvoirs497.

488BRIAL (Fabien) , Décentralisation et coopération internationale : le Cas de l’out e-mer français , l’ha atta , 1977,P.78.

489 DUPUY (René-Jean), Droit international, 1er éd, Presses universitaires de France, 1963

490 LAVIELLE (Jean-Marc) , Relations internationales , ellipses, 2003

491VILTARD(Yves) « Co eptualise la diplo atie des illes ou l’o ligatio faite au elations internationales de l’a tio e t ieu e des gou e e e ts lo au » revue française de science politique, 2008, vol 58 n° 3, p 511

492 Art 2 S1 de la convention de vienne du 23 mai 1969

493CHAYET (CLaude) , « Les accords en forme simplifiée »A.F.D.I 1957, p.3-13

494 DAILLIER (Patrick), FORTEAU (Mathias) et Alain PELLET (Alain), Droit International Public ,LGDJ, 8eme éd ,p 1149 novembre 2009

495 L’E p essio du o se te e t des Etats à t e li pa u t ait , “t as ou g: Co seil de l’Eu ope, .

496 Pour des traits directement signés par le président de la république française et dont le parlement a, par la suite, autorisé la ratification: chr. D.Ruzié, R.F.D.A, 1996, P.824, id, P. 1242

497 Les circulaires des 2 mars 1982, 6 Juillet 1984 et 22 Janvier 1988:publiées in Ministère des affaires étrangères, attributions, organisation, Paris: éd. J.O, 1989, respectivement, p.257 et p. 270

128 Selon la constitution malienne du 25 février 1992 dans son article 116 « le Président de la République négocie et ratifie les traités ou les accords internationaux ». Et les autres autorités compétentes pour négocier sont le ministre des affaires étrangères et les personnes munies de « pleins pouvoirs ». Nous pouvons illustrer l’expression « pleins pouvoirs » par exemple lors de la crise malienne de 2012, où Tièbilé Dramé a été désigné comme plénipotentiaire par le président de la République pour négocier les accords de paix à Ouagadougou avec les rebelles, ce qui a permis la tenue des élections présidentielles et législatives498.

Mais, en dehors de ce cadre, le droit interne ne reconnait pas à l’ensemble des autorités relevant de l’Etat-personne publique la compétence pour représenter l’Etat souverain, le cas échéant, signer un accord international en son nom. Mais cette représentation de l’Etat est contestée par certains auteurs. Robert Lafore y relève deux arguments. Le premier considère que la coopération internationale est inconstitutionnelle, car la constitution499 attribue au chef de l’État et aux instances centrales de l’État la compétence diplomatique. Le second se fonde sur le principe de territorialité du droit public, principe selon lequel les autorités publiques ne peuvent sortir du cadre territorial national et qu’aucune incursion d’autorité étrangère n’est tolérée.

L’exclusivité territoriale est la condition du pouvoir souverain comme le soulignent les auteurs classiques500. Ils précisent « qu’il se déduit de là qu’aucune action d’une autorité publique ne saurait avoir d’effet et être reconnue valide sur le territoire d’un autre État à défaut d’une extension légale de sa compétence ou d’une reconnaissance de celle-ci, tant de la part du pays d’origine que du pays d’accueil501 ».Il ressort de ces analyses que les acteurs infra-étatiques ne peuvent nouer aucune relation juridique avec des collectivités territoriales étrangères sans la reconnaissance de cette compétence.

Sur le plan international, la convention de Vienne sur le droit des traités consacre plusieurs articles à la question de l’engagement de l’Etat dans un traité502. Selon la convention de Vienne, il n’y a pas de lien entre la capacité de conclure un traité et fait qu’il soit reconnu par

498

TIEBILE DRAME, nommé en 2012 par le Président de la République pour négocier au nom du Mali. Cet accord obtenu entre les autorit s alie es et les e elles a pe is l’o ga isatio des le tio s e .

499Art 52 de constitution du 4 octobre 1958

500HAURIOU(Maurice), Droit constitutionnel et institutions politiques, p 104

501LAFORE R , L’a tio à l’ t a ge de olle ti it s lo ales, RDP, 1988, p.777 et s.

502 Les articles 11 et 17ontdirectement trait à cettequestion.Voy. not :A.Bolintineanu « Expression of consent to be bound by a treaty in the light of the 19 69 Vienna convention » , A.J.IL, 1974, p. 672-686, S. Rosenne, o se t a d elated o ds i the odified la of t eat i M la ges Rousseau, Pa is: Pedo e, , P. -248. Cité par AUDIT (Mathias), op, cit , p.98.

129 un autre. Deux entités peuvent être parties, au même traité sans se reconnaitre503. Exemple l’Iran ne reconnait pas l’Israël comme un Etat et pourtant ils sont tous membres de l’ONU.

Traditionnellement, l’Etat dispose d’une compétence exclusive en matière de relations internationales. L’Etat a le pouvoir de traiter avec l’étranger504.

Ainsi, l’article 11 de la convention de vienne sur le droit des traités « le consentement d’un Etat à être lié par un traité peut être exprimé par la signature, l’échange d’instruments constituant un traité, la ratification, l’acceptation, l’approbation ou l’adhésion, ou par tout autre moyen convenu ».Les Etats peuvent retenir le mode de conclusion de leur choix. Pour la représentation de l’Etat, l’article 7 paragraphe 1 stipule qu’une autorité sera considérée comme représentant valable d’un Etat « si elle produit des pleins pouvoirs appropriés 505». Toutefois, l’article 7 paragraphe 2 énumère les personnes considérées comme représentant de l’Etat sans avoir à produire ces pleins pouvoirs. Il s’agit naturellement des mêmes autorités précitées.

Elles varient selon qu’il s’agisse d’un accord bilatéral, conclu entre deux sujets, ou d’un traité multilatéral, voué à une application la plus universelle possible. S’agissant du premier, la négociation se déroule dans un cadre diplomatique et secret, au siège du ministère des affaires ou de l’ambassade de l’une des parties.

Dans le cas d’un accord multilatéral, le cadre est dit « parlementaire », la négociation se déroule au sein d’une conférence internationale menée par un acteur étatique ou une organisation internationale ou régionale comme par exemple le Conseil de l’Europe, l’Union économique monétaire ouest africain (UEMOA).Les Etats ont le choix entre deux types de négociateurs, il peut s’agir des représentants munis de « pleins pouvoirs » 506dans des conditions déterminantes par l’Etat compétent, qui leur permettent d’adopter le texte au nom de l’Etat, voire d’exprimer son engagement .Ce n’est cependant pas là une procédure nécessaire puisque nombres d’autres personnes peuvent représenter l’acteur étatique sans produire des pleins pouvoirs, il s’agit de négociateurs de plein droit. Ceux-ci peuvent négocier un accord sans habilitation particulière parce qu’ils bénéficient d’une présomption de représentativité. Il s’agit du chef de l’Etat, du Chef du gouvernement, du ministre des

503 Convention de vienne du 23 mai de 1969 sur le droit des traités

504LAFORE (Robert), « l’a tio à L’ t a ge des collectivités locales «»1988, p.770 et s, Pierre- Marie Dupuy, la coopération régionale, transfrontalière et le droit international, AFDI, 1977, p.838 et s, R . Carre De Malberg, Co t i utio à la th o ie g ale de l’Etat de D oit, to e I, “i e , , p.30

505 Sur cetexte : D. Hutchinson, « the juridical Nature of article 7 of the Vienna convention on the law of treaties », Australian yearb. Of Int . Law, 1996, p.187-224 .Cité AUDIT(Mathias) ,op,cit, p.99

130 affaires étrangères et des ambassadeurs, ces derniers ne pouvant toutefois négocier que des accords conclus entre l’Etat accréditant et l’Etat accréditaire507.

C’est une règle de droit international bien établie que le chef de l’Etat, le chef de gouvernement et le ministre des affaires étrangères sont réputés représenter l’acteur étatique du seul fait de l’exercice de leurs fonctions, y compris pour l’accomplissement au nom du dit Etat d’actes unilatéraux ayant valeur d’engagement international508. Nous avons aussi les chefs de mission diplomatique, pour l’adoption du texte d’un traité entre l’Etat accréditant et l’Etat accréditaire et les représentants accrédités des Etats à une conférence internationale ou auprès d’une organisation internationale ou d’un de ses organes, pour l’adoption du texte d’un traité dans cette conférence, cette organisation ou cet organe.

Il est de plus en plus fréquent, dans les relations internationales modernes, que d’autres personnes représentant un Etat dans des domaines déterminés soient autorisées par cet Etat à engager celui-ci, par leurs déclarations, dans les matières relevant de leur compétence. Il peut en être ainsi, par exemple, des titulaires de portefeuilles ministériels techniques exerçant, dans les relations extérieures, des pouvoirs dans leur domaine de compétence, voire même de certains fonctionnaires 509.On ne saurait en principe exclure qu’un ministre de la justice puisse, dans certaines circonstances, engager par ses déclarations l’Etat dont il est le représentant.

Quand il s’agit d’un accord qui est destiné à être appliqué à un grand nombre d’Etats, notamment une conférence est convoquée pour adopter le texte final par les chefs d’Etats. Mais il ne faut pas confondre la diffusion de la capacité d’un traité international avec la multiplication des accords « infra-étatiques » qui établissent des relations de coopération entre les administrations décentralisées. Si l’Etat est un acteur acquis pour la conclusion des accords de coopération internationale. Qu’en dit-on pour les acteurs infra- étatiques ?

Documents relatifs