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SECTION1 : UNE TENTATIVE D’AUTORISATION PAR LE DROIT INTERNE

B- Une reconnaissance institutionnelle de la coopération décentralisée

1. Des structures centrales

La vie internationale n’est plus comme au début du siècle dernier celle des seuls Etats souverains avec leur territoire strictement délimité par des frontières178.Pour Serge Sur, les relations internationales interpellent non seulement les Etats mais aussi des institutions de plus en plus nombreuses, parmi lesquelles les collectivités territoriales qui se considèrent comme transnationales179.Même si l’Etat demeure le principal pilier du droit international

178 CHICOT (Pierre –Yve), op, cit , p.10

179 FLORY ( Maurice), Le couple Etat-territoire en droit international contemporain, in culture et conflits, l’ha atta , , p. -265

48 classique, force est de constater qu’il n’est plus actuellement le seul à communiquer et à coopérer avec l‘extérieur180.Cette thèse est soutenue par Jamil Sayah. Selon lui, parler d’acteurs de la coopération décentralisée revient déjà à affirmer que l’espace public international se nourrit désormais d’une diversité d’acteurs181. Au monopole étatique d’hier se substitue une pluralité d’intervenants qui recherchent une « humanité qui transcende les frontières stato-nationales182 », en brisant les souverainetés, les désacralisant et en parlant plus haut. Les acteurs étatiques cohabitent désormais avec l’existence d’autres acteurs ; l’Etat n’est plus le premier, ni le seul à faire émerger, formuler, mettre en œuvre et élaborer les politiques publiques183.

Cependant l’Etat reste toujours un acteur de première importance de la coopération décentralisée à travers notamment une meilleure coordination d’action en matière de politique internationale184 et une mission d’élaboration des éléments de la politique de coopération au développement , de la prospection des partenariats multilatéraux ainsi que la coordination, le suivi, le contrôle et l’évaluation de la mise en œuvre de cette politique185.

180SUR(Serge), L’Etat e t e l’ late e t et la o dialisatio , Re ue Belge de d oit i te atio al, / , p.

181 SAYAH (Jamil), « La coopération décentralisée, un mode atypique des relations internationales », Lamy collections territoriales-responsabilité, 03-2006.

182BERTRAND ( Badie), La diplo atie des d oits de l’ho e, e t e éthi ue et volo té de puissa ce, Fayard,

2002, P 274.

183 VINCENT Le ieu , « L’ tude des politi ues pu li ues : les a teu s et leu pou oi », Les p esses de l’U i e sit de La al, , p .

184L’ex-Direction Nationale de la Coopération Internationale a été éclatée en cinq Directions qui sont : la Direction des Organisations Internationales, créée par la loi n°2011-019 du 19 mai 2011 et organisée par le Décret n°2011- 381 /P-RM du 22 juillet 2011; la Direction de la coopération multilatérale créée par la loi n°2011-020 du 19 mai 2011 et organisée par le Décret n°2011- 382 /P-RM du 22 juillet 2011 ;la Direction Afrique créée par la loi n°2011-015 du 19 mai 2011 et organisée par le Décret n°2011- 377 /P-RM du 22 juillet 2011 ;la Direction Europe créée par la loi n°2011-018 du 19 mai 2011 et organisée par le Décret n°2011- 380 /P-RM du 22 juillet 2011 ;la Direction Amériques créée par la loi n°2011-017 du 19 mai 2011 et organisée par le Décret n°2011- 379 /P-RM du 22 juillet 2011 ;la Direction Asie et Océanie créée par la loi n°2011-016 du 19 mai 2011 et organisée par le Décret n°2011- 378 /P-RM du 22 juillet 2011.Cité par Souleymane De, op, cit, p.80

185Art. 2, loi n°2011-020 du 19 mai 2011 portant création de la Direction de la coopération multilatérale liste ses prérogatives. A cet effet, elle est chargée de : conduire des études et recherches concourant à l’élaboration de cette politique ; promouvoir et assurer la coordination du dialogue politique et des partenariats avec les partenaires multilatéraux dans le cadre de leur contribution aux efforts de développement du Mal ; coordonner la mobilisation de l’Aide Publique au Développement des partenaires multilatéraux et la mise en œuvre des procédures administratives de conclusion, de signature, de ratification ou d’approbation des accords et conventions subséquents ; contribuer à la préparation de la participation du Mali aux négociations multilatérales sur les questions de coopération économique, financière et commerciale ; coordonner l’élaboration du rapport annuel sur l’Aide Publique au Développement du Mali. Cité par Souleymane De, op, cit, p.80

49 Au Mali, la coopération décentralisée est encadrée essentiellement par le Haut Conseil des Collectivités et le ministère de l’administration Territoriale et de la décentralisation. Pour le Haut conseil des collectivités (HCC), Institution de la République représentant des collectivités, a pour missions, d’étudier et de donner un avis motivé sur toute politique de développement local et régional186. Il peut faire des propositions au gouvernement pour toute question concernant la protection de l’environnement et l’amélioration de la qualité de vie des citoyens à l’intérieur des collectivités. A cela s’ajoute le Conseil Economique Social et culturel qui a compétence sur tous les aspects du développement économique, social et culturel187.

En qui concerne le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, il est l’organe suprême des collectivités territoriales, chargé d’approuver les accords décentralisés. La principale structure en charge, rattachée, de la mise en œuvre et du suivi des conventions de partenariat entre les collectivités territoriales maliennes et celles de l’étranger est la Direction Générale des collectivités territoriales (DGCT). En effet, la DGCT est chargée d’élaborer les éléments de la politique nationale de décentralisation et de participer à sa mise en œuvre. Elle coordonne et contrôle aussi l’action des autorités administratives, des services et organismes publics impliqués dans la mise en œuvre de la politique de décentralisation. Elle est chargée aussi, à travers sa sous-direction « Coopération et Partenariat 188» de promouvoir la solidarité et la coopération entre les acteurs infra-étatiques d’une part et entre celles-ci et leurs homologues de pays étrangers, de réguler et dynamiser les relations entre les collectivités territoriales et leurs partenaires, de suivre les actions de coopération et de veiller à la création des réseaux d’échange et d’information en relation avec la coopération. Paradoxalement, les normes n’obligent pas les acteurs infra-étatiques à se référer à priori aux services de la DGCT. Aussi, elle est très souvent ignorée par les acteurs infra-étatiques dans le cadre de la signature des accords de coopération avec leurs partenaires étrangers. Il en est de même pour les autorités déconcentrées que sont les gouverneurs, les préfets et les sous-préfets.

A côté de la DGCT,il existe un centre de formation des collectivités territoriales, créé par l’ordonnance n°07-019/P-RM du 18 juillet 2007189 et chargé du renforcement des capacités des groupes ciblés (élus locaux, agents et personnels des collectivités) dans tous les

186Art 99 de la constitution du 25 février 1992

187Art 106 de la constitution du 25 février 1992

188 Guide sur la coopération décentralisée, op, cit , p.12

50 domaines de la décentralisation et du développement local, de la production des outils et de supports de formation adaptés, entre autres.

Il faut noter aussi les actions de la Direction Nationale des frontières qui relève du ministère de l’administration territoriale. Celle-ci a pour mission d’élaborer les éléments de la politique nationale des frontières et d’assurer la coordination et le contrôle de l’action des autorités administratives, des services et des organismes publics qui concourent à la mise en œuvre de cette politique. Elle est chargée de mettre en œuvre des actions de coopération administrative et économique dans le cadre de l’intégration sous régional et en matière de gestion des frontières, participer à l’élaboration d’une politique de sécurisation des zones frontalières et coordonner les programmes d’équipements et de développement des zones frontalières, de préparer et mettre en œuvre les plans de matérialisation des frontières. Elle intervient donc dans le cadre de la coopération transfrontalière des collectivités publiques. Cette coopération est mise en œuvre dans le cadre du concept de pays frontaliers prôné par les autorités décentralisées du Mali en vue de promouvoir l’intégration sous régional à la base.

Par ailleurs, le ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation est chargé de la tutelle des collectivités territoriales. Il veille, en outre, au respect de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national. Il a la responsabilité de l’administration du territoire à travers ses services centraux et déconcentrés au niveau local. L’Etat accompagne aussi les collectivités à travers l’Agence Nationale d’Investissement des Collectivités Territoriales(ANCIT) qui est chargée de la gestion des dotations du fonds national d’appui aux collectivités territoriales (FNACT). Le dispositif national d’appui aux acteurs infra-étatiques est chargé principalement de la gestion de l’appui à la maitrise d’ouvrage des collectivités, à travers la mise à disposition de services techniques déconcentrés de l’Etat, mais aussi par le recours à la contractualisation des partenaires privés de service ou la création de services propres des acteurs infra-étatiques ou encore par la promotion de l’inter collectivité. S’ajoute, le Centre de formation des collectivités territoriales190 qui est chargé du renforcement des capacités des organes ciblés (élus locaux, agents des collectivités territoriales) dans tous les domaines de la décentralisation et du développement local, de la production des outils et de supports de formation adaptés, entre autres.

En plus du ministère de l’administration territoriale, nous avons d’autres ministères qui

51 interviennent à travers leurs entités déconcentrées.

Le ministère des affaires étrangères à travers la Direction nationale de la coopération internationale est l’une des administrations concernées par la coopération des collectivités territoriales avec, notamment, les ministères techniques tels que ceux de l’économie , de l’agriculture, de l’aménagement du territoire, de l’équipement et des transports, de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur, de l’environnement, de l’industrie, etc., qui peuvent se trouver impliqués191.

Cependant le rôle du Ministère des Affaires étrangères reste moins marqué au Mali. En effet, la loi sur la libre administration des acteurs infra-étatiques ne fait aucune référence au ministère des affaires étrangères (MAE). Aussi, dans la pratique, beaucoup de conventions de coopération sont signés à l’insu de ce ministère. Les conventions soumises à leur appréciation sont généralement celles portées par une ambassade au nom d’une collectivité ou d’une ville de son pays, ou celles dont les projets ont été identifiées lors de rencontres bilatérales entre le Mali et ces pays partenaires. Cela relève peut-être de la volonté politique des autorités centrales de laisser aux acteurs infra-étatiques la plénitude de leurs compétences. Alors que le MAE doit, en principe, veiller à la cohérence des politiques de coopération de collectivités territoriales avec la politique diplomatique du Mali. Il revient donc aux missions diplomatiques du Mali à l’extérieur de mettre à la disposition des autorités décentralisées à la recherche des acteurs infra-étatiques des informations utiles.

En plus, les structures administratives déconcentrées sont plus actives dans le domaine de la coopération décentralisée. En effet, celles-ci sont plus présentes en raison de leur rôle de tutelle qu’elles exercent sur les acteurs infra-étatiques et leurs actes. Aux termes des dispositions de l’article 19 de la loi n°93-008 modifiée par la loi n °2017 -052 déterminant les conditions de la libre administration des collectivités territoriales192, les autorités administratives déconcentrées (gouverneurs, Préfets,) sont au cœur du contrôle de l’exercice de la coopération décentralisée en matière d’engagements financiers. Ces autorités exercent aussi un contrôle de légalité des protocoles d’accord de coopération. Ce contrôle est relatif à la légalité telle que le respect par les autorités décentralisées des dispositions constitutionnelles, législatives et réglementaires en matière de coopération décentralisée. Ces

191BOINVILLIERS (Iris), Coopération décentralisée, Acteurs, pratiques, procédures, Ministère des Affaires étrangères, Les éditions du Gret, p.55

52 contrôles sont réalisés à l’occasion de l’approbation des actes administratifs pris par les organes délibérants de ces entités décentralisées par leurs services de tutelle respectifs.

Outre ces structures citées ci-dessus intervenant dans l’encadrement institutionnel de la coopération décentralisée au Mali, on peut aussi retenir les juridictions. Ces juridictions peuvent être amenées à intervenir dans le processus de la coopération décentralisée. En effet, en cas de contentieux, le juge compétent est saisi, soit par le représentant de l’Etat, soit par les autorités décentralisées ou encore par l’administré pour trancher de la légalité des actes pris en matière de coopération décentralisée. En plus de ces structures centrales et déconcentrées, des institutions locales interviennent dans l’exercice de la coopération décentralisée.

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