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Coopération décentralisée et le respect des compétences des collectivités territoriales

SECTION I : DE LA PLACE DES CONVENTIONS DE COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE DANS L ’ORDRE JURIDIQUE INTERNE

Paragraphe 2 Coopération décentralisée et le respect des compétences des collectivités territoriales

reconnues par l’Etat malien. Par exemple le District de Bamako ne peut pas signer une convention de coopération décentralisée avec le Sahara occidental ou les entités se présentant comme leurs collectivités puisqu’il n’est pas reconnu par l’Etat malien par contre il entretient des partenariats avec les autorités marocaines (une entreprise marocaine en partenariat avec le conseil du District est en train d’assainir la ville de Bamako). Cette thèse est aussi confirmée en France, car il est interdit aux collectivités territoriales de « conclure une convention avec un Etat étranger , sauf dans les cas prévus par la loi », par exemple la création d’un groupement européen de coopération territoriale ou bien un groupement euro-régional de coopération( article L.1115-5 du CGCT), des dispositions spécifiques existant aussi pour l’Outre-mer667.De la même manière, il est interdit aux collectivités territoriales françaises de signer des accords de coopération avec des entités non reconnues par l’Etat. Comme le cas de la Crimée.

En résumé, les collectivités territoriales maliennes n’ont que la possibilité de signer des accords de coopération décentralisée avec les collectivités étrangères dont leur entité centrale est reconnue par l’Etat malien .En plus de cette limitation, les relations internationales des collectivités territoriales connaissent une autre restrictive à savoir le respect de leurs propres compétences.

Paragraphe 2 : Coopération décentralisée et le respect des compétences des collectivités territoriales

Le respect des compétences des collectivités territoriales soulève beaucoup d’interrogation tant sur le plan interne et sur le plan international. Afin d’élucider cette partie, nous tenterons de démontrer les limites liées à la libre administration des collectivités (A) et la

666 Art 27 du code général des collectivités territoriales maliennes du 23 janvier 2012

667V. Les articles L,4433-4-3 ; L,O,6351-15 ;L ,O ;6461 ;L.7153-3 ;L.7253-3 du CGCT et l’a ti le de la loi Organique française numéro 2004- du F ie po ta t statut d’auto o ie de la Pol sie f a çaise

171 question de l’intérêt local comme critère d’intervention des acteurs infra-étatiques au niveau international (B).

A- Des limites de la libre administration en matière de coopération décentralisée

L’objet de la convention de coopération doit être conforme aux compétences de la collectivité territoriale. Car la libre administration dont bénéficient les collectivités de la république n’est pas équivalent du libre gouvernement, mais exprime bien le concept d’autonomie locale668. Au Mali, la loi numéro 93-008 du 11fevrier 1993, modifiée, déterminant les conditions de la libre administration des collectivités territoriales dans ses articles 21 et 27 disposent « le respect des domaines réservés aux collectivités territoriales669… ». Les collectivités exercent leurs activités sous le contrôle de l’Etat et dans les conditions fixées par la loi670. Cela démontre que l’acteur infra-étatique malien ne peut signer des accords de coopération décentralisée dans les compétences transférées. Mais, Il est interdit aux collectivités territoriales maliennes de conclure des conventions de coopération décentralisée dans le domaine réservé par l’Etat appelé encore les missions régaliennes de l’Etat, exemple la justice et la diplomatie. Ces domaines n’ont pas fait l’objet de transfert.

Il est également rappelé que les autorités décentralisées ne peuvent contracter en matière de police, ni s’engager conventionnellement sur les modalités d’organisation du service public administratif ou sur la délimitation du domaine public naturel.. Sur ce point, André De Laubadère précise que les personnes publiques ne devront pas conclure des conventions dans les matières que le droit public exclut de la contractualisation, comme la fiscalité ou la police administrative671.Enfin, les conventions d’arbitrage, c’est-à-dire des procédures non juridictionnelles de règlement des litiges, sont également proscrites. Elles devront respecter le domaine de compétence défini par leur droit.

En somme, les collectivités territoriales maliennes ne peuvent donc pas mener en principe des actions de coopération avec des collectivités étrangères en dehors des compétences qui leur sont reconnues par la loi. Il en est de même pour les groupements car ils ne peuvent exercer une action de coopération avec des collectivités étrangères que dans le strict cadre des

668V . H Portelli, in organisation territoriale : de la « reforme » aux évolutions constitutionnelles, Les cahiers de l’I stitut à la décentralisation, n°5, juin 2001, p.48

669 Art 21 de loi, op ;cité

670 Art 20 de la loi n°2017-052 du 02 octobre 2017 déterminant les conditions de la libre administration des collectivités territoriales.

671LAUBADERE(André-De), MODERNE(Franck), DEVOLVE(Pierre), traité des contrats administratifs, t. I, Paris :LGDJ, 1983, numéro 24-35, p.44-53, Moreau, « Les matières contractuelles », A.J.D.A, 1998, P.747-752.

172 compétences qui leurs ont été transférées672.En plus, nous notons que la référence aux lois de répartition des compétences apparaît trop stricte. Mais il me semble que les acteurs infra-étatiques peuvent intervenir dans les relations internationales au-delà des compétences transférées tout en se basant sur l’intérêt local.

B- De la clause générale de compétence en matière de relations internationales

L’intérêt local est encore plus difficile à saisir, car il revêt à la fois des caractéristiques publiques et privées, en ce qu’il est l’intérêt particulier d’une collectivité limitée. L’intérêt local est celui que la collectivité territoriale a la charge de gérer, la fin qu’elle doit tendre à satisfaire. l se base sur l’affaire locale. Par Exemple, la création des services publics répond à la gestion de ces intérêts communs. La coopération décentralisée sous ce régime juridique a été admise par la jurisprudence, qui a précisé que l’appréciation de la légalité d’une action repose sur sa compatibilité avec la définition de l’intérêt local673.

La question est d’importance sur les plans pratiques, de la philosophie politique et de l’organisation de l’Etat. Pour Maurice Hauriou, l’essence même de la décentralisation consiste en ce que la population d’une circonscription décide d’elle-même les affaires locales674.Cette assertion est confirmée aussi par Jean Rivero, selon qui la reconnaissance d’une catégorie des affaires locales distinctes des affaires nationales est la donnée première de toute décentralisation675.A ce sujet, la jurisprudence administrative a sanctionné certaines conventions pour défaut de compétence.

Dans la première affaire, le tribunal administratif de Versailles s’est prononcé à l’encontre d’un vote par lequel le syndicat intercommunal de la Vallée de l’Orge autorisait son président à signer une convention avec l’association des volontaires du progrès, en vue de la réalisation d’aménagements hydro-agricoles dans une région du Mali676.

Dans la deuxième affaire, en 1989, la délibération du conseil municipal de la commune de Pierrefitte-sur-Seine relative à l’octroi d’une subvention à l’association « un bateau pour le

672Préc

673LUBAC(Jean –Christophe), « Fondement juridique des actions de coopération internationale », Droit administratif, 2010, n°7, comm.108.

674HAURIOU (Maurice), Etude sur la décentralisation, Paris,1892, extrait du répertoire de droit administratif, p.12-13

675RIVERO (Jean), Droit administratif, Précis Dalloz, 4e édition, 1970, p.286

676 TA de Versailles, de e e , a a ul u e o e tio de l’i te o u al de la all e O ge ui préconisait de faire des aménagements hydro-agricoles au Mali.

173 Nicaragua » est annulé au motif que la commune a entendu « prendre parti dans un conflit de nature politique ».La juridiction avait fondé cette solution sur le fait que l’association en cause avait exprimé de vives critiques à l’encontre de la politique menée par le Nicaragua677.En plus la dite opération n’est pas « destinée à la satisfaction d’un intérêt public apprécié dans le cadre international de la commune et en fonction des besoins des habitants de celle-ci678 » .Les collectivités territoriales ont été obligé d’attendre l’ intervention du législateur.

Aujourd’hui la jurisprudence a évolué puisque. Nous pouvons citer à cet effet, l’arrêt du conseil d’Etat Fiançais intitulé « Villeneuve-d’Ascq » du 28 juillet 1995 qui, par voie jurisprudentielle, a reconnu aux collectivités territoriales l’intérêt local des actions de solidarité679.

En l’espèce, le conseil municipal de Villeneuve-d’Ascq avait décidé d’attribuer une bourse mensuelle pendant trois ans à deux étudiants, roumain et polonais, afin de leur permettre de préparer un doctorat en France et, par ce geste de solidarité, de participer à la formation de cadre de haut niveau dans les domaines scientifiques et technique qui faisait défaut à la Pologne qu’à la Roumanie. A cette occasion, le Conseil d’Etat français devait déterminer si la commune était compétente pour pendre une telle décision. Il lui revenait d’apprécier en l’espèce si un intérêt municipal justifiait l’intervention de ladite commune. Pour se prononcer en matière d’intérêt local, il réunit trois conditions pour admettre l’existence de l’intérêt municipal.

En premier lieu, l’intérêt communal est un intérêt public et le conseil municipal ne saurait, en effet, intervenir en vue de la satisfaction d’un intérêt purement privé, notamment en matière économique.

En second lieu, l’intervention de la commune doit répondre aux besoins directs de la population, ainsi, pour l’octroi des subventions, l’organisme concerné doit mener une action qui bénéficie aux habitants et enfin la commune doit conserver une neutralité qui exclut l’intervention dans un conflit collectif de travail ou dans un conflit politique national ou international. Le Conseil d’Etat français a relevé en l’espèce que les bourses accordées étaient destinées à des étudiants originaires de deux villes jumelées avec la commune et issus d’établissements universitaires entretenant eux-mêmes des relations de coopération avec l’université française qui accueillait ces étudiants.

677 CE, 23 octobre 1989, n°93331, 93847 et 93885 :Lebon. Note de Delphine Burriez.

678 T .A Paris, 28 octobre 1987, commissaire de la République de Seine-Saint-Denis, Rec.,p.489, .T.A.Paris, 16 décembre 1987, commissaire de La République de Seine-Saint- Denis, Gaz.pal.,1988.I.302, concl.G.Corouge

174 Enfin, la commune n’avait pas entendu intervenir dans un différend de caractère politique en favorisant l’accueil d’étudiants de deux Etats d’étrangers. Compte tenu de ces motifs, le Conseil d’Etat a considéré que la délibération contestée avait un caractère d’intérêt municipal et que, dès lors, le conseil communal était compétent, sur le fondement des dispositions combinées de l’article L.121-26 du code des communes et de l’article 51 de la loi du 26 janvier 1984, pour prendre une telle décision. Il ajoute d’ailleurs que les liens particuliers qui unissaient Villeneuve-d’Ascq et les villes étrangères à travers le jumelage et des relations interuniversitaires, les retombées positives éventuelles pour la commune et la circonstance que cette aide intervienne dans aucun conflit politique expliquent cette décision. Au regard de cet arrêt, nous pouvons dire que la détermination de l’intérêt local reste problématique. Nous avons constaté aussi que dans certaines conventions signées entre les collectivités maliennes et celles de l’étranger, étaient inclues des aides. Et à notre connaissance ces conventions n’ont pas fait l’objet de censure par le juge. Cependant à la fin des années 1990 et au début des années 2000, de nombreux arrêts qui censurent des actions de coopération décentralisée, ont été prononcées. Des jugements en illégalité ont été prononcés contre des projets sur des motifs qu’ils étaient dépourvus d’intérêt local (conseil général des Deux-Sèvres, contre deux projets, l’un d’aide à la construction d’une école au Mali, l’autre de soutien à des pompiers de Madagascar680 ) renvoyant à la définition de l’intérêt local.

Nous pouvons dire que la loi 2017-051681a permis de clore toutes les velléités de débat sur la notion d’intérêt local de ces coopérations et de tourner la page des diverses contestations. Car elle donne la possibilité aux acteurs infra-étatiques d’intervenir dans les relations

internationales au nom de la solidarité.

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