• Aucun résultat trouvé

Paragraphe 2 : Du principe de réciprocité comme colonne vertébrale de la coopération décentralisée

A- De l ’idée cardinale du principe de réciprocité

A priori, l’expression de la réciprocité est possible dans tous les domaines et à tous les niveaux pour autant que les acteurs du Nord comme du Sud sachent se mettre en posture de réciprocité et de « Co- opération444». La réciprocité étant entendue comme l’action de « faire ensemble », de « Co- opérer », les conditions de mise en place de relations réciproques dans le cadre de la coopération des acteurs infra-étatiques renvoient en premier lieu aux conditions d’établissement d’un « bon » partenariat, à savoir la contractualisation. Et c’est dans le cadre de la libre administration que les collectivités territoriales réalisent les actions de coopération décentralisée445. Jamil Sayaha affirme que selon « cette logique de partenariat, chacun apporte des compétences et des expériences profitables à tous, chacun acquiert une expérience nouvelle446 ».

La réciprocité en effet marque un échange équivalent entre deux personnes ou deux groupes. Selon Jean Salmon, « la réciprocité est un principe selon lequel un sujet du droit international peut revendiquer le bénéfice de prestations équivalentes à celles d’autres sujets de droit et n’est pas tenu à des obligations différentes de celles de ces derniers447 ».

La coopération décentralisée doit être un engagement et une action négociée par les deux acteurs infra-étatiques partenaires. Cette négociation doit faire l’objet d’une formalisation écrite qui précise à la fois les rôles et les responsabilités de chaque acteur. Le travail de contractualisation conduit à établir une relation d’échange entre les acteurs de la coopération, où chacun peut faire valoir ses intérêts.

Le contrat permet de définir un équilibre global des engagements de chacun des acteurs partenaires. Ces allers retours entre les personnes morales de droit public constituent un facteur important de réciprocité, parce qu’eux seuls permettent une connaissance nécessaire de l’autre, du partenaire, de ses potentialités, de ses difficultés et de ses attentes. Elle est basée sur le partage équitable. Le partenariat doit être une source d’enrichissement pour l’une et

444ALOU (Serge) et DI LORETO (P), op, cit, p.46

445

NOIZET (C), op, cit, p.24.

446

SAYAH (Jamil), op. Cit.p.2.

447

110 pour l’autre partie448.Gouldner pose la « norme de réciprocité 449» comme une obligation morale internalisée par les individus avec une dimension temporelle : on vient en aide à ceux qui nous ont aidé dans le passé. Selon Nowak et Sigmand, ils érigent la réciprocité comme base de toute forme de coopération dans la société450.Simmel présente la réciprocité en garant de l’équilibre et de la cohésion sociale451. A ce sujet Gille Guillaud estime que la relation Nord-sud doit aussi être une relation Sud-Nord 452».

La problématique sur les actions réciproques permet d’observer ce qu’entendent réellement les acteurs de la coopération internationale. Les actions mises en place s’effectuent soit du Nord vers le Sud, soit du Sud vers le Nord, soit dans les deux sens. Par exemple la commune d’Angers apporte beaucoup de soutiens au District de Bamako dans les domaines d’équipements (l’éducation, la santé, et l’hydraulique et..) et de la formation. Cependant Bamako amène les angevins sur les sites touristiques.

Le principe de réciprocité a émergé avec la coopération décentralisée et c’est en quelque sorte sa source. La réciprocité implique un investissement des acteurs dans un partenariat qui profite à tous les partenaires. Les relations sont différentes selon les partenaires, selon une valeur de base, l’équité. Le partenariat équilibré est le principe de base de la réciprocité qui exclut ce type d’action unilatérale mais plutôt des actions consensuelles. Elle est relativement méconnue du fait des différentes formes qu’elle peut prendre. Dans les relations Nord/Sud, elle permet un enrichissement réciproque des acteurs par l’échange de savoir et de savoir-faire dans des domaines très variés. Cet enrichissement nécessite une mise en commun des actions définies mais aussi de mettre à égalité les apports Nord/Sud.

La relation d'échange Nord/Sud -traditionnellement déséquilibré implique souvent la méfiance, et l’opportunisme. Les valeurs de générosité, de partage équitable, de respect, même lorsqu'elles existent ne sont pas toujours visibles pour l'un ou l'autre des acteurs partenaires.

Aussi, les relations de partenariat doivent intégrer le principe de réciprocité pour l’enrichir

448 Guide de la coopération entre les collectivités territoriales, 11 février 2016

449Cité par OGANDAGA .NTYANGO GWENAELLE CATHERINE, Thèse sur la coopération décentralisée entre les olle ti it s te ito iales f a çaises et af i ai es. Les le ie s de l’i pli atio et de la ip o it , ai , p.

450 .. OGANDAGA .NTYANGO GWENAELLE CATHERINE, op , cit , p.199

451 OGANDAGA .NTYANGO GWENAELLE CATHERINE, op, cit, p.199

452Guillaud(Gille) , La coopération décentralisée, les partenariats entre le Nord et le Sud ,l’ha atta , , p.194

111 et le faire évoluer positivement vers la coopération. Un partenariat bien établi favorise l’entraide, une meilleure connaissance entre les acteurs qui travaillent ensemble, une compréhension mutuelle, une ouverture vers l’international que ce soit pour le Nord ou pour le Sud. Mais il propose aussi un développement local durable à travers le principe de solidarité. Les acteurs définissent ensemble selon leurs besoins, l’objet et les modes d’actions de leur partenariat. La réciprocité dans les relations permet de mettre en place des actions cohérentes et non des actions inadaptées aux différents lieux d’intervention.

La réciprocité interdit à plus long terme de remettre en place des pratiques néo-colonialistes et d’éviter les travers de la coopération bilatérale avec des projets utiles en main sans prise en compte des besoins des communautés locales. Il est primordial de prévenir des rapports inégaux entre les acteurs et d’éviter l’exécution des projets à source de tension. Ce qui permet d’éviter les relations unilatérales et les effets de domination453. Certains considèrent qu’il s’agit plutôt de la reconnaissance de l’égalité des personnes et de leurs compétences dans une recherche de complémentarité. La réciprocité est ici entendue comme un principe garant du traitement équitable des acteurs. Il y a réciprocité dans la mesure où chacun peut apporter à l’autre ses idées et ses programmes. Chaque acteur est à l’écoute des besoins et du potentiel de l’autre. Par ailleurs, la réciprocité permet aux acteurs des justifier plus facilement ses actions auprès de ses citoyens contribuables. Elle permet aussi à la coopération de s’inscrire dans la durabilité, notion fondamentale pour la réussite des relations de partenariat.

Les actions du Nord et du Sud ne sont pas du même ordre. Elles sont davantage visibles au Sud par la réalisation de programmes, cependant les actions au Nord ne sont pas négligeables même si elles s’effectuent sur un plan davantage immatériel à l’exception de certaines pratiques commerciales .La réciprocité permet de casser toute idée d’infériorité du Sud par rapport au Nord et de briser l’image du «Nord donneur et du Sud receveur454». Elle suppose que le Nord a aussi des besoins auxquels le Sud peut satisfaire. Cela permet de faire évoluer les mentalités du Sud habituées à appréhender la coopération comme un acte solidaire. Ainsi la réciprocité permet aux communautés du Sud de se responsabiliser, de se sentir valorisé à l’idée de répondre à certains besoins de l’acteur du Nord.

En partant de cette analyse, nous pouvons dire que la réciprocité permet de maintenir

453BELKHALFI. ALEXANDRA, FRESNEL HELENE, SAMAKE MAMADOU, la réciprocité dans les échanges Nord –Sud, Atelie B etag e et oop atio i te atio ale d’a age e t Mai , p.

112 l’équilibre entre les acteurs infra-étatiques dans les actions de coopération décentralisée. Cela nous amène à poser la question si ce principe est respecté dans le cadre de la coopération décentralisée entre les collectivités territoriales maliennes et leurs partenaires étrangers.

B- Une difficile réciprocité entre les collectivités territoriales maliennes et celles de

Documents relatifs