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Chapitre 4 : émotions, stress et personnalité 62

II. Théories cognitives des émotions 71

II.1 Le modèle de Lazarus 72

II.1.2 Stratégie d’ajustement : le coping 74

Le coping (de l’anglais to cope, soit « faire face », traduit en français par stratégie d’ajustement ou d’adaptation) est un concept qui a donc été développé au sein du modèle transactionnel du stress (Lazarus et Folkman, 1984). Il y est défini comme l’ensemble des efforts comportementaux et cognitifs ayant pour but de réduire, maîtriser ou tolérer les exigences externes et/ou internes qui menacent ou dépassent les ressources de l’individu. Les auteurs identifient deux types de coping : le coping centré problème et le coping centré émotion. Le coping centré problème vise à gérer, agir sur, ou modifier le problème qui est à l'origine de la transaction stressante. Il consiste à recueillir des informations et à agir sur la base de celles-ci pour changer la réalité de la transaction, évaluée comme stressante, afin qu'elle ne le soit plus. Ces stratégies sont variées et dépendent de la situation. Par exemple, dans une situation d’embouteillage sur autoroute, situation perçue comme étant stressante par un conducteur donné, celui-ci peut choisir de prendre la première sortie afin de « contourner » le problème.

Le coping centré émotion consiste à réguler la réaction émotionnelle engendrée par la transaction. Il comprend notamment des processus d'ordre cognitif visant à réduire la détresse émotionnelle (évitement, minimisation, acceptation, prise de distance), des stratégies

destinées à augmenter la détresse émotionnelle (autoaccusation), des efforts consistant à changer la façon dont la réalité est perçue par l'individu (sans essayer de la modifier) et des stratégies qui ont pour effet indirect de modifier la signification de la situation (exercice physique, recherche de support émotionnel, méditation ; Lazarus & Folkman, 1984, p. 150). Dans la situation d’embouteillage citée ci-dessus, le conducteur peut choisir de prendre de grandes inspirations dans son véhicule afin de diminuer les tensions engendrées par la situation.

Aujourd’hui, le coping est considéré comme un processus multivarié qui implique des facteurs personnels et environnementaux (inputs) et des effets sur le court et le long terme (output), influencés par les processus d'évaluation (Matthews, Zeidner, & Roberts, 2002). Ainsi, de nouvelles perspectives dans le champ du coping se sont développées (Hartmann, 2008). La perspective classique du coping rend compte d’événements passés ou présents, alors que la théorie du coping proactif, plus récente, intègre les aspects temporels du coping et, notamment, ceux mis en place face aux événements futurs (voir Schwarzer & Taubert, 2002). La théorie du coping proactif provient de l’opposition entre coping assimilatif et coping accommodatif, le premier modifiant l’environnement afin de poursuivre les buts, le second permettant de se modifier soi-même grâce à un coping flexible qui s’ajuste aux objectifs. Cette théorie renvoie au concept d’évolution personnelle et aux stratégies auto- régulées. Schwarzer et Knoll (2002) définissent quatre types de coping qui dépendent à la fois de la perspective temporelle et de la certitude subjective de la survenue des événements (Figure 8) :

- le coping réactionnel ; il s’agit de gérer un événement passé ou présent en compensant la perte ou en l’acceptant. Ce peut être le cas du professionnel qui a manqué un contrat mais qui va se rendre directement chez un autre client pour lui proposer le même contrat. Au sein de ce coping, les buts peuvent être réajustés. Ce coping peut être centré sur l’émotion, sur le problème mais aussi sur les liens sociaux.

- le coping anticipatoire ; l’événement critique n’est pas encore survenu mais l’individu estime qu’il est imminent et certain. Le coping est alors un effort pour gérer le risque perçu. L’individu peut ne pas tenir compte du risque, redéfinissant la situation différente de manière à ce que celle-ci soit plus attrayante ou moins menaçante.

- le coping préventif ; il vise à anticiper et à se préparer à des événements exceptionnels de la vie grâce à des « ressources de résistance » (ex. liens

sociaux) pour minimiser ses conséquences. Un conducteur peut, par exemple, inventorier des ressources de résistance en cas d’accident.

- le coping proactif ou dynamique ; il consiste à mettre en œuvre des efforts pour construire des ressources générales orientées vers l’accomplissement de défi et l’accomplissement personnel afin de faire face aux stresseurs futurs. Il repose sur 5 composantes : la connaissance des stresseurs potentiels, l’évaluation initiale de ceux-ci, l’importance de construire des ressources, l’obtention et l’utilisation d’un feedback des efforts mis en œuvre et la construction des ressources. Comme pour le coping préventif, le coping proactif nécessite de développer des compétences et de planifier les actions à long terme et ce, principalement dans la poursuite de buts ambitieux.

Figure 8 : différents types de coping issus de la théorie de Schwarzer et Knoll (2002) selon l’axe de certitudes et en fonction du temps.

Cette théorie dessine de nombreux liens avec le concept d’auto-efficacité (Bandura, 1997). En effet, sur le plan réactionnel, l’individu doit développer une croyance positive concernant sa capacité à faire face à une situation. Sur le plan anticipatoire, l’individu doit disposer de capacités à faire face avec succès à une situation. Sur le plan préventif, l’individu doit être capable d’initier seul et de planifier des actions de prévention. Sur le plan proactif, l’individu doit être capable de mettre en œuvre et de maintenir des actions et ce, malgré les difficultés.

Dans ces nouvelles conceptions, le coping peut ainsi être mis en place avant l’apparition d’une situation menaçante, voire même dans une situation qui ne l’est pas, puisqu’il repose sur une bonne maîtrise des demandes et sur la recherche de sens attribuable à

la situation (Folkman & Moskowitz, 2000). De plus, sous l’impulsion de la psychologie positive, les modèles récents du stress ont montré que les affects négatifs et positifs peuvent coexister (Affleck & Tennen, 1996). Enfin, dans le même ordre d’idées, Folkman (1997) diversifie sa conception des coping en incluant le coping par réévaluation positive et l’infiltration d’événements positifs. Mettant en place un coping par réévaluation positive, l’individu reformule la situation problématique afin de la rendre positive ; ce coping est donc relativement proche du coping anticipatoire mais il est opéré à l’instant T. L’infiltration d’événements positifs correspond à la mobilisation d’événements habituels positifs qui, intégrés à la situation difficile, apportent un certain réconfort à l’individu. Ainsi, même si l’évaluation initiale est défavorable, des émotions positives peuvent émerger (Figure 9).

Figure 9 : modèle transactionnel du stress révisé par Folkman (1997 ; schéma tiré de Graziani & Swendsen, 2004).

En résumé

Selon Lazarus et Folkman (1984), l’évaluation d’une situation repose sur une évaluation primaire (pertinence et valence) et une évaluation secondaire (ressources et coping) effectuées en parallèle.

En fonction de la pertinence, de la certitude et du caractère potentiellement menaçant de la situation, des émotions, négatives mais aussi positives, émergent.

Les situations de conduite automobile et les ressentis associés semblent être interprétables par le modèle des évaluations.

Les stratégies d’ajustement peuvent être centrées sur le problème ou sur les émotions mais aussi être de nature réactionnelle, préventive, anticipatoire et proactive.

Même face à une situation négative pour l’individu, celui-ci peut mettre en œuvre des stratégies d’ajustement entraînant des émotions positives.