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Approche catégorielle des émotions en conduite automobile 64

Chapitre 4 : émotions, stress et personnalité 62

I. Classification des émotions 62

I.1 Approche catégorielle des émotions 62

I.1.2 Approche catégorielle des émotions en conduite automobile 64

Les études portant sur les émotions en situation de conduite automobile se sont principalement intéressées à la fréquence des émotions et à leurs conséquences mais aussi aux

différences interindividuelles dans l’expérience émotionnelle au volant. De nombreuses études se sont focalisées sur la colère en conduite automobile en utilisant des journaux de bord dans lesquels les conducteurs devaient noter des informations sur la situation de conduite ayant déclenché une réaction de colère et le moment de la journée où celle-ci a eu lieu. Ainsi, Underwood, Chapman, Wright et Crundall (1999) montrent que les conducteurs ressentent de la colère pendant un trajet sur cinq. Levelt (2003 ; cité par Mesken, Hagenzieker, Rothengatter & de Waard, 2007) met en évidence que la joie est l’émotion la plus fréquente en conduite puisqu’elle apparaît dans 54 % des trajets rapportés contre 22 % pour la colère et 8 % pour la peur. Contrairement à Levelt (2003), Mesken et al. (2007) montrent que l’anxiété est l’émotion la plus fréquente, suivie par la colère et la joie.

Une autre méthode fréquemment utilisée est celle des questionnaires auto-administrés. Par exemple, Parkinson (2001) mène une étude par questionnaire dans lequel plusieurs questions sur la fréquence de colère en situations de conduite et en dehors sont posées aux conducteurs : la conduite automobile semble être la situation de la vie quotidienne induisant le plus de colère.

Deffenbacher, Lynch, Filetti, Dahlen, et Oetting (2003) ont analysé le lien entre la colère-trait et la colère-état en conduite. Pour information, la colère-état renvoie à l’intensité de la colère à un moment donné et la colère-trait aux différences individuelles dans la propension à ressentir de la colère comme trait de personnalité, soit la manière habituelle de se comporter, de réagir ainsi que de percevoir son environnement et soi-même (Spielberger, Johnson, Russel et al., 1985). Cette distinction est également classique en ce qui concerne l’anxiété (Spielberger, 1983). Deffenbacher et al. (2003) ont ainsi montré que les conducteurs ayant une colère-trait élevée ont aussi une colère-état élevée et rapportent adopter plus de comportements agressifs et de prises de risques que les conducteurs ayant une colère-état faible. Ces résultats ont été corroborés par des études utilisant des questionnaires d’auto- évaluation, des enquêtes de conduite par journal de bord ou encore en simulateur de conduite. Par conséquent, en termes de colère, les conducteurs ne réagiraient pas de la même manière au volant.

A propos des conséquences comportementales des émotions, Arnett, Offer et Fine (1997) questionnent 59 jeunes conducteurs pendant 10 jours. Leurs données montrent que l’intensité de la colère est positivement reliée aux augmentations de vitesse. Des conducteurs notant sur un journal leurs comportements et leurs émotions durant un trajet en voiture rapportent une synergie entre les moments où ils ont ressenti de la colère et l’occurrence de presqu’accidents (Underwood et al., 1999). Le lien entre émotions et presqu’accidents est

également retrouvé pour l’anxiété (Carbonell Vaya, Banuls, Chisvert, Monteagudo, & Pastor, 1997). De plus, les conducteurs rapportent adopter une conduite agressive lorsqu’ils ressentent de la colère (Lajunen & Parker, 2001).

Mesken et al. (2007) insistent cependant sur la nécessité de prendre en compte les caractéristiques des événements routiers dans l’étude des émotions au volant afin d’analyser leur émergence plus finement. Dans cette étude, les participants conduisent un véhicule instrumenté et, toutes les trois minutes, ils rapportent verbalement des scores d’émotions et de risque perçu : ils indiquent s’ils ressentent une émotion, la qualifient (« en colère », « nerveux » ou « heureux ») et donnent une note d’intensité de 1 (faible) à 5 (importante). L’anxiété est principalement associée aux événements routiers mettant en péril la sécurité du conducteur. La colère est principalement associée aux événements routiers mettant en péril la progression du conducteur sur la route et impliquant un autre conducteur. De plus, contrairement à la joie et à l’anxiété, la colère est positivement associée aux augmentations de vitesse, voire aux dépassements des limites légales. La joie émerge, quant à elle, lorsqu’aucune entrave ne vient perturber le déroulement du trajet10.

Au total, la colère au volant est l’émotion la plus étudiée en conduite automobile. D’ailleurs, plusieurs tests visant à la quantifier ont été construits à la suite de ces études. Le plus fréquemment utilisé est l’échelle de colère au volant (Driving Anger Scale ; traduite et validée en français par Delhomme & Villieux, 2005) de Deffenbacher, Oetting Lynch (1994) mesurant la propension à éprouver de la colère au volant. Dans sa version longue, elle comporte 33 items repartis suivant six facteurs ou types de situations induisant de la colère : « Gestes hostiles » (3 items), « Discourtoisie » (9 items), « Conduite illégale » (4 items), « Présence des forces de l’ordre » (4 items), « Conduite lente » (6 items) et « Circulation entravée » (7 items). Les répondants indiquent leur intensité de colère pour chaque situation à l’aide d’une échelle de type Likert en cinq points allant de 1 « pas du tout » à 5 « très fortement ».

Bien que quelques outils aient été développés pour mesurer l’anxiété au volant (voir le Driving Cognitions Questionnary d’Ehlers, Taylor, Ehring et al., 2007), la plupart des études utilisent l’inventaire d’anxiété de Spielberger (1983), non spécifique à la conduite automobile. A notre connaissance, il n’existe pas d’outil spécifique évaluant les émotions positives au volant.

10La notion d’entrave à l’atteinte du but sera documentée dans la partie sur les évaluations cognitives ainsi que