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Chapitre 4 : émotions, stress et personnalité 62

IV. Facteurs de personnalité 85

IV.1 Généralités et liens avec la pression temporelle au volant

L’expérience émotionnelle dépend des facteurs individuels de personnalité. Par exemple, une corrélation positive entre un score élevé d’extraversion et les émotions positives ainsi qu’une corrélation positive entre un score faible d'extraversion et les émotions négatives ont été mises en évidence (Luminet, 2002). La personnalité est constituée d’un ensemble de traits, soit des caractéristiques stables et durables à travers le temps et les situations, qui distinguent les individus entre eux et caractérisent leur comportement. Nous avons déjà vu que le trait de colère et le trait d’anxiété pouvaient modifier le comportement de conduite automobile. Au regard de la pression temporelle, ces deux traits se révèlent également pertinents. L’anxiété majorerait l’importance de l’objectif fixé sous contraintes temporelles et l’inquiétude de ne pas pourvoir atteindre l’objectif, ce qui pourrait augmenter en retour la pression temporelle. Le trait de colère, quant à lui, pourrait majorer les réactions émotionnelles au volant lorsque des événements routiers entravent l’atteinte du but et ainsi induire une conduite agressive sous pression temporelle. De plus, l’anxiété-trait et la colère- trait se définissent par une disposition à réagir par une anxiété-état/colère-état accrue (Spielberger, 1983, 1985). Une réaction émotionnelle situationnelle est, par conséquent, d’autant plus probable que les individus possèdent ces traits de personnalité. L’émotion-état dépendra de l’évaluation de la situation et des ressources disponibles.

IV.2 Personnalité de type A

La personnalité type A est caractérisée par une extrême urgence temporelle (à savoir une sensibilité à la pression temporelle et à ses conséquences), une impatience, une agitation, un sens accru de la compétitivité et de fréquentes démonstrations d’agressivité et d’hostilité (Friedman & Rosenman, 1959 ; Lundberg, 1993). Le type A est opposé au type B qui lui est patient, calme et avenant.

L’individu de type A se sent donc constamment pris par le temps pour faire toutes les choses qu’il croit ou espère pouvoir faire, d’où une urgence temporelle dans toutes ses activités. L’urgence temporelle est donc intrinsèque à l’individu, ce qui la différencie de la pression temporelle disposant, au moins en partie, d’une base extrinsèque.

L’intérêt pour le comportement de type A a débuté dans les années 30, suite à des observations psychophysiologiques. Des études épidémiologiques avaient montré une augmentation des risques cardio-vasculaires, indépendamment des facteurs de risques biomédicaux des maladies du cœur, chez les hommes de type A (Friedman, Thoreson, & Gill, 1981). De plus, un lien entre les processus psychophysiologiques et le comportement de type A a également été observé. Pour Glass (1977), les individus de type A essayent de contrôler l’ensemble des éléments de leur environnement, ce qui leur demande d’importants efforts lorsqu’ils doivent répondre à des situations particulièrement difficiles, notamment si ces situations menacent leur contrôle personnel. Il en découle une activation physiologique plus importante chez les types A. Des études plus récentes (Ragland & Brand, 1988) sont moins affirmatives sur le lien entre développement de maladies cardio-vasculaires et comportement de type A. Les différences observées dans les études seraient dues à l’emploi de méthodologies différentes. Le débat reste actuellement encore ouvert.

Classiquement en clinique et dans la littérature, trois échelles sont utilisées la Jenkins Activity Survey (Jenkins, Zyzanski, & Rosenman, 1971), l’échelle Type A de Framingham (Smith, Houston, & Zurawski, 1983) et l’échelle de Bortner (Bortner, 1969). Cette dernière, validée en français, permet de différencier différents degrés de cette typologie de personnalité :

- le type A1 ; presque tous les comportements de l’individu sont de type A. - le type A2 ; les comportements de l’individu sont surtout de type A. - le type AB ; les comportements de l’individu sont mixtes type A/type B. - le type B1 ; les comportements de l’individu sont surtout de type B. - le type B2 ; presque tous les comportements de l’individu sont de type B. Les individus de type A ont été étudiés dans plusieurs domaines, y compris dans le cadre de la conduite automobile (Nabi et al., 2005). Par exemple, selon une étude de Evans, Carrere, & Palsane, 1987, les conducteurs de bus de type A ont plus d’accidents, sont plus souvent absents, reçoivent plus de blâmes dans leur activité professionnelle et rapportent un stress lié à leur activité plus important que les conducteurs de bus de type B. Faunce, Mapledoram et Job (2004) ont montré que les individus de type A présentent moins d’attention sélective aux mots liés à l’échec que les types B. Les individus de type A auraient en effet des stratégies attentionnelles particulières (De la Casa, Gordillo, Mejias, Rengel, & Romero, 1998). En présence de deux tâches, les individus de type A focalisent leur attention sur le ou les stimuli de la tâche la plus importante. En revanche, dans des situations ambiguës, les individus de type A font preuve d’hypervigilance (De la Casa et al., 1998). Ces stratégies

sont congruentes avec ce qui caractérise les types A : déployer le maximum d’effort possible dans toutes les tâches qu’ils peuvent résoudre. Toutefois, Kirkcaldy, Shephard, & Furnham (2002) ont montré qu’une personne de type A possède un lieu de contrôle externe (Rotter, 1990) ainsi qu’un niveau de stress élevé, ce qui entraîne des conséquences négatives sur la satisfaction au travail et une augmentation des risques de maladies mentales et physiques.

Enfin, l’urgence temporelle a été étudiée chez les individus de type A en utilisant des tâches d’estimations temporelles. Avec des intervalles de durée de 60 s, Bortner et Rosenman (1967) ont montré que les estimations des individus de type A sont plus courtes que celles des individus de type B, suggérant ainsi que le temps subjectif des individus de type A passe plus vite (plus d’impulsions stockées dans l’accumulateur). De plus, Burnam, Pennebaker et Glass (1975) rapportent que les estimations de durées des types A sont plus proches des durées objectives que celles des types B. L’individu de type A serait ainsi un meilleur juge du temps objectif.

En résumé

L’anxiété et la colère, dans leur dimension trait, peuvent être pertinentes dans l’étude de la conduite automobile sous pression temporelle.

Les réactions situationnelles (état) peuvent varier d’une situation routière à l’autre.

Certains traits et certaines typologies de personnalité peuvent être plus ou moins sensibles à la pression temporelle ; c’est le cas de l’anxiété, de la colère et de la personnalité de type A.

Chapitre 5 : la conduite automobile sous pression temporelle