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Chapitre 8 : Quels sont les déterminants de la pression temporelle au volant ? 152

I. Contraintes liées au déplacement et à l’activité 152

I.2 Chez les infirmières d’H.A.D 154

I.2.1 Contraintes temporelles

Une analyse qualitative des verbalisations des infirmières d’H.A.D. met en évidence que des contraintes temporelles élevées concordent le plus souvent avec des périodes de sous- effectifs pour causes de vacances ou d’arrêts maladie d’infirmières de la zone ou avec une charge de travail plus importante.

Trente-six trajets sont réalisés sous contraintes temporelles élevées et trente-deux sous faibles contraintes temporelles. Le nombre de patient pris en charge par tournée sous CT- est de 4,85 en moyenne (médiane : 5, min : 3, max : 6) et sous CT+, il est de 7,22 en moyenne (médiane :7, min : 7, max : 8). Pour information, le nombre de trajets a été respectivement de 7,12 sous CT- (médiane : 8, min : 4, max : 8) et 9,05 sous CT+ (médiane : 9, min : 8, max : 10).22

Les comparaisons réalisées entre ces deux types de trajet donnent les résultats suivants :

22

Les déplacements liés à la gestion de ressources matérielles expliquent le fait que le nombre de trajets est supérieur à [nombre de patients + 2], « +2 » correspondant au premier trajet aller du début de tournée et au dernier trajet de retour de la fin de la tournée.

- les infirmières passent significativement moins de temps chez les patients sous contraintes temporelles élevées (U=57 ; p<.01; sous CT+, médiane : 24 mn ; sous CT-, médiane : 36 mn). 23

- les caractéristiques des déplacements ne diffèrent pas significativement en fonction des contraintes temporelles :

o durée des trajets : U=539 ; ns (sous CT+, moyenne : 16 mn, médiane : 13 mn ; sous CT-, moyenne : 15 mn, médiane : 15 mn)

o longueur des trajets : U=477 ; ns (sous CT+, moyenne : 7,01, médiane : 4,3 km; sous CT-, moyenne : 7,86, médiane : 8,5 km)

- l’occurrence de gestion de ressources matérielles pendant les tournées est peu fréquente : observée 1 fois sous CT+, et 3 fois sous CT- ; sous CT-, quand les infirmières ont moins de patients à prendre en charge, elles terminent un peu avant la fin de leur tournée et en profitent pour aller chercher le matériel.

I.2.2 Pression temporelle

L’analyse a posteriori des verbalisations permet de différencier 38 trajets durant lesquels les infirmières déclarent ressentir de la pression temporelle (PT+) et 30 trajets sans pression temporelle déclarée (PT-).

Les comparaisons entre les trajets sous pression temporelle et ceux sans pression temporelle suggèrent que la pression temporelle n’est pas liée aux caractéristiques temporelles objectives de la tâche. En effet, on observe que :

- bien qu’elle soit un peu plus élevée lorsque les infirmières déclarent ressentir de la pression temporelle, la durée moyenne par patient [soins + trajets] n’est pas significativement différente dans les deux cas: U=484 ; ns (sous PT+, durée moyenne : 46 mn, médiane : 44 mn ; sous PT-, durée moyenne : 34 mn, médiane : 38 mn)

- la pression temporelle n’est pas liée au nombre de patients à prendre en charge et à la durée des soins (cf. méthodes pour le détail de la procédure d’analyse). o nombre de patients à prendre en charge : U=539 ; ns (sous PT+,

moyenne : 6,13, médiane : 7 ; sous PT-, moyenne : 6,10, médiane : 6).

23 L’analyse non paramétrique n’est pas influencée par des données atypiques. Il est toutefois à signaler la

présence d’un soin de 132 mn sous CT-. Cette donnée atypique ne remet pas en cause l’inclusion en CT- puisque le nombre de patients à prendre en charge dans cette tournée était de 3 (dont 2 soins rapides de moins de 15 mn) ; l’infirmière devait donc terminer sa tournée dans les temps, voire plus tôt, ce qui fût d’ailleurs le cas.

o durée des soins : U=238 ; ns (sous PT+, moyenne : 35 mn, médiane : 32 mn; sous PT-, moyenne : 28 mn, médiane : 26 mn).

- la pression temporelle n’est pas liée au nombre de trajets à effectuer au sein d’une même tournée ainsi que de la durée et de la longueur de ceux-ci.

o nombre de trajets : U=547 ; ns (sous PT+, moyenne : 8,03, médiane : 8 ; sous PT-, moyenne : 8,3, médiane : 8).

o durée de trajet: U=453 ; ns (sous PT+, moyenne : 16 mn, médiane : 15 mn ; sous PT-, moyenne : 15 mn, médiane : 14 mn).

o longueur de trajet : U=476 ; ns (sous PT+, moyenne : 8,27 km, médiane : 7 ; sous PT-, moyenne : 6,32 km, médiane : 6).

Il est intéressant de souligner que la fréquence d’utilisation du GPS ne diffère pas selon que les infirmières aient ou non de fortes contraintes temporelles et/ou qu’elles soient ou non sous pression temporelle (χ²(1, N=68)=0,047 ; ns). Le degré de connaissance du trajet ne serait donc pas un déterminant de la pression temporelle.

I.2.3 Pression temporelle et contraintes temporelles

Comme pour les conducteurs tout venant, chez les infirmières, les contraintes sur la tâche et sur les déplacements ne sont pas nécessaires à l’émergence de pression temporelle. Pour mettre cela en évidence, nous avons adopté la stratégie d’analyse suivante. Elle consiste à catégoriser de façon dichotomique les trajets en fonction des contraintes temporelles (faibles : CT- versus fortes : CT+) et en fonction de la pression temporelle rapportée (absente : PT- versus présente : PT+).

Pour rappel, un trajet est considéré comme réalisé sous contraintes temporelles élevées lorsque l’infirmière a plus de 6 patients à prendre en charge dans sa tournée du matin. Un trajet est considéré comme réalisé sous pression temporelle en fonction des évaluations effectuées par les infirmières en cours de trajet.

La résume les données croisées entre degré de contraintes temporelles et pression temporelle.

Figure 25: répartition en pourcentage des trajets selon que les infirmières ont des contraintes temporelles faibles (CT-) ou élevées (CT+) et sont sous pression temporelle (PT+) ou non (PT-).

Si la pression temporelle était directement liée aux contraintes temporelles, seuls des trajets [PT+/CT+] et [PT-/CT-] auraient du être observés. Ces deux cas sont effectivement retrouvés dans 58,82 % des trajets.

- Dans 33,82 % des cas, les infirmières ont une raison objective de se sentir sous pression temporelle puisqu’il existe des contraintes temporelles élevées [CT+/PT+].

o En entretien, les infirmières expliquent la synergie entre contraintes temporelles élevées et pression temporelle par une charge de travail plus élevée,

o IDE4 : « soit j’ai beaucoup de patients à cause d’une montée de charge, soit la tournée devait être classique et puis on apprend qu’il y a un patient qui se greffe. Là on est speed en général. » ; « La situation difficile c’est quand on a une tournée chargée. C’est le temps juste sans traîner. » o IDE3 : « Quand on a une tournée chargée et qu’on veut contenter tous les

patients parce qu’au bout d’un moment, on sait qu’ils vont appeler pour savoir où on est. Selon les soins à réaliser, il faut qu’on arrive plus ou moins dans les temps. »

- Dans 25 % des cas, les infirmières ont de faibles contraintes temporelles (3 à 4 patients) et ne ressentent pas de pression temporelle [CT-/PT-].

Toutefois, la pression temporelle et les contraintes temporelles ne sont pas toujours en synergie (42,18 % des trajets ; Figure 25). Si ces données montrent que les contraintes temporelles peuvent jouer un rôle dans l’émergence de la pression temporelle, elles ne sont donc pas suffisantes.

Nous allons maintenant nous intéresser aux données permettant de tester nos deux autres hypothèses, à savoir l’influence de l’enjeu et de l’incertitude Ces deux déterminants pourraient en particulier expliquer l’existence des trajets sous [PT-/CT+] et ceux sous [PT+/CT-].

II. Enjeu du déplacement et facteurs motivationnels