• Aucun résultat trouvé

Chapitre 4 : émotions, stress et personnalité 62

III. Modèles du stress professionnel 81

Pour rappel, la pression temporelle est souvent désignée comme source de stress dans la littérature scientifique et dans la littérature grand public. De nombreux modèles de stress ont été développés, comme par exemple, celui de Lazarus et Folkman (1984)12 présenté plus

12 Bien que le modèle n’y fasse que trop peu référence, le stress n’est pas une émotion mais bien le produit de

haut. Le premier auteur ayant introduit la notion de stress est sans conteste Selye (1936). Le stress correspond à une réponse de l’organisme aux exigences de l’environnement. Il s’agit de manifestations corporelles non spécifiques à la suite d’une agression perçue comme telle par l’individu. Ces réponses non spécifiques sont induites par un agent stresseur, quelles qu’en soient les caractéristiques. Le « Syndrome Général d’Adaptation », décrit par Selye (1936, 1976) correspond au rétablissement de l’homéostasie par l’organisme suite à un stress et il est composé de 3 niveaux. Le premier niveau est celui de la réaction d’alarme survenue après le stress, le second est une phase de résistance mettant en jeu les moyens de défense de l’individu et le la troisième, un état d’épuisement si les ressources sont insuffisantes. Ce modèle a depuis été critiqué puisqu’il ne prend pas en considération les différences interindividuelles, puisque l’individu y est décrit comme étant passif et qu’il n’intègre pas les composantes psychologiques et les évaluations subjectives de la situation.

Karasek (1979) propose un modèle du stress professionnel. Deux déterminants sont développés dans ce modèle : les demandes psychologiques de travail, soit les exigences intellectuelles et la quantité de travail à fournir, et la latitude de décision, soit le degré de contrôle et d’autonomie de décision (Tableau 4). Selon Karasek (1979), un niveau élevé de latitude de décision permet de réduire les conséquences négatives des demandes professionnelles. En outre, dans cette condition, l’individu développerait de nouveaux comportements plus efficaces et une satisfaction personnelle importante. A l’inverse, un niveau élevé de demandes au travail associé à un niveau faible de latitude de décision entraîne un niveau élevé de tension (strain).

Tableau 4 : liens entre les demandes professionnelles et la latitude de décision selon le modèle de Karasek (1979).

Latitude de décision

Faible Élevée

Faibles

Travail passif Peu ou pas de stress

Travail sous basse tension (strain)

Demandes psychologiques

de travail Élevées Travail sous haute tension (strain) Stress élevé

Travail actif Stress modéré

Par la suite, Johnson et Hall (1988) ainsi que Karasek et Theorell (1990) ajoutent un facteur supplémentaire au modèle original : le soutien social qui représente une interface modulante du rapport « Demande/Contrôle ». Celui-ci aurait également des conséquences dans l’évaluation de l’intensité du stress perçu. Ce modèle en trois facteurs a été testé par Hellemans et Karnas (1999) en utilisant des questionnaires remplis par différents salariés du domaine tertiaire. Les données ainsi recueillies ont mis en évidence six facteurs :

- l’apprentissage (demande et contrôle), - le dérangement (contrôle),

- le soutien social du supérieur, - le soutien social des collègues,

- les contraintes temporelles inhérentes à l’activité de travail (demande), - la latitude de décision (contrôle).

En outre, cette étude a permis de dresser des profils types en fonction de ces facteurs. Les individus qui rapportent une faible latitude de décision, un soutien social très faible et des demandes très élevées, se perçoivent très stressés. Ceux qui ont des demandes psychologiques et professionnelles moins importantes que chez les « très stressés » se perçoivent comme modérément stressés. Enfin, ceux qui rapportent un soutien social élevé, des demandes très faibles et une latitude de décision très élevée ne sont pas du tout stressés. Au total, moins les individus possèdent de ressources au travail et plus ils se sentent stressés. Il est également à noter que la latitude de décision serait directement liée à la satisfaction professionnelle au travail. La possibilité de disposer de marges de manœuvre tiendrait une place importante au sein de cette latitude de décision.

Un autre modèle du stress professionnel a été développé par Siegrist dans les années 90. Contrairement au modèle de Karasek qui, comme exposé plus haut, repose sur une balance « demande/contrôle », le modèle de Siegrist (1996) postule un déséquilibre entre « effort/récompense ». L’effort regrouperait deux dimensions :

- l’effort extrinsèque proche du concept de « demande » de Karasek (1979) qui regroupe, par exemple, les contraintes temporelles inhérentes à l’activité, les heures supplémentaires la charge physique, l’augmentation de la demande ou encore les interruptions de tâche ;

- l’investissement de l’individu face aux demandes formulées qui dépend, par exemple, de la compétitivité, de l’hostilité, du besoin d’approbation, de l’impatience et de l’irritabilité disproportionnées ou encore de l’incapacité à la distanciation par rapport au travail. Ce deuxième aspect de la notion d’effort développé par Siegrist (1996) ajoute une dimension importante par rapport à Karasek, à savoir une évaluation subjective de la demande.

Trois types de récompenses peuvent survenir à court ou à long termes :

- l’estime reçue par des tiers (ex. les collègues ou les supérieurs hiérarchiques), - les gains monétaires ou les avantages en nature (ex. augmentation de salaire,

- le degré de contrôle de l’individu sur son statut professionnel (ex. perspectives de promotion, changement indésirable dans la situation de travail, insécurité de l’emploi, inadéquation du statut). Ce type de récompense est proche de la notion de contrôle du modèle de Karasek (1979).

Le stress apparaît alors lorsque l’effort fourni n’est pas récompensé en retour. Plus précisément, le modèle prévoit que le stress professionnel résulterait principalement d’un déséquilibre entre des efforts extrinsèques élevés et de faibles récompenses extrinsèques, associé à un niveau élevé d’effort intrinsèque (Siegrist & Peter, 2000). En l’absence de sur engagement de l’individu au sein de l’activité (effort intrinsèque), un travail caractérisé par des efforts extrinsèques élevés et de faibles récompenses peut, cependant, entraîner une expérience stressante étant donné que l’effort n’est pas renforcé. Le stress peut également survenir en l’absence d’effort extrinsèque si la récompense n’est pas conforme aux attentes de l’individu qui se serait sur engagé dans la tâche.

Deux dimensions des modèles de Karasek (1979) et de Siegrist (1996) seront ainsi pertinentes par rapport à la pression temporelle car elles pourraient déterminer l’émergence d’émotions négatives puis de stress : la sensation de contrôle et la sensation d’effort.

En résumé

Le stress professionnel dépend, au moins en partie, des demandes psychologiques et de la latitude de décision.

Des demandes excessives n’entraînent pas ou peu de stress lorsqu’elles sont associées à une latitude de décision élevée, elle-même liée à la satisfaction du travail.

L’individu peut développer des comportements plus efficaces lorsqu’il dispose d’une latitude de décision élevée, associée à des demandes importantes.

Le stress résulterait également d’une sensation d’effort subjective qui ne serait pas contrebalancée par l’obtention d’une récompense ou d’un stimulus renforçateur.

La sensation d’effort et la sensation de contrôle présentent un intérêt par rapport à la pression temporelle.