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Prise de décision en situation de conduite 32

Chapitre 2 : La conduite automobile 25

III. L’activité de conduite 32

III.1. Prise de décision en situation de conduite 32

La prise de décision en situation de conduite automobile mais aussi dans tout environnement dynamique repose sur des activités de diagnostic, de pronostic et d’anticipation. En effet, selon Daniellou (1986), la prise de décision consiste à anticiper et planifier des événements futurs (proches ou éloignés), en définissant conjointement des priorités et des objectifs à atteindre. La prise de décision concerne tout type de processus, quelles que soient leur complexité et leur dynamique. Ainsi, sur la route, les prises de décision s’effectuent au sein d’une interaction entre le véhicule et l’environnement routier, celle-ci constituant un processus rapide et complexe. La prise de décision doit donc, elle aussi, être rapide. A l’inverse, dans d’autres situations comme celles faisant intervenir les officiers en passerelle de navire au moment des manœuvres d’anti-collision, les prises de décision s’inscrivent au sein de processus lents mais complexes (Chauvin, 2001).

Payne, Bettman, Coupey et Johnson (1992) décrivent le comportement de décision comme un système adaptatif, caractérisé par une utilisation de stratégies choisies en fonction de la situation. La stratégie qui sera adoptée dépend de la tâche, mais surtout du contexte de cette tâche (Payne, 1982). Les caractéristiques de la tâche de conduite regroupent les différentes possibilités de résolution de celle-ci (ex. choix d’un itinéraire plutôt qu’un autre), l’existence d’un ou plusieurs aboutissements liés aux risques des actions entreprise (ex. décider de passer in extremis à une intersection pouvant entraîner un accident), la présence d’une ou plusieurs sorties possible(s) de l’information (ex. motrices ou verbales) ainsi que la vitesse du processus (lents/rapides). Les caractéristiques de contexte sont, elles, liées à la valeur que peuvent avoir les différentes alternatives de résolution de la tâche comme, par

exemple, l’attractivité plus importante d’une des alternatives. Par exemple, il arrive souvent que les conducteurs préfèrent accélérer lorsque le feu passe à l’orange que s’arrêter et devoir attendre au feu rouge.

Toutefois, d´autres caractéristiques peuvent entrer en jeu pour résoudre un problème particulier de décision. Par exemple, les différences individuelles (ex. âge, personnalité) et les capacités de traitement (Bettman, Johnson & Payne, 1990), l’enjeu et le niveau d’expertise (Shanteau, 1988) sont souvent déterminants dans la prise de décision. Mariné, Cellier et Valax (1988) évoquent, d’ailleurs, le recours à des « patterns situationnels » permettant la reconnaissance de situations connues. Par exemple, le conducteur peut décider de s’insérer dans un rond point en fonction de la configuration des véhicules déjà présents dans ce rond- point, configuration qu’il a déjà rencontrée dans d’autres situations similaires.

L’expérience est d’ailleurs au centre de la plupart des architectures ou modèles de la prise de décision. En effet, dans l’échelle double de Rasmussen (1983), la décision humain se réalise au travers d’un système organisé, hiérarchisé et adaptable, capable de traiter l’information sous 3 modes différents correspondant à 3 niveaux de familiarité avec l’activité et les situations :

- le niveau « fondé sur des savoir-faire » (Skill-based behaviour) ; c’est le niveau où sont mis en jeu les automatismes sensori-moteurs. Ils sont exécutés sans contrôle conscient, à l’exclusion de vérifications attentionnelles distribuées sur le cours de l’activité. L’activité mise en jeu au niveau basé sur des savoir- faire est sous le contrôle de « signaux » qui déclenchent et contrôlent l’exécution d’automatismes. Le traitement des signaux n’implique pas d’activité interprétative. Appliquée à la conduite automobile, ce stade de traitement correspond au contrôle de la trajectoire et de la vitesse du véhicule. Sous l’effet de l’expérience, ce niveau devient quasi-automatique pour le conducteur.

- le niveau «fondé sur des règles» (Rule-based behaviour) ; à ce niveau, l’activité repose sur la mise en place de routines d’action, contrôlées par des règles ou des procédures dérivées d’expériences antérieures. À ce niveau, le contrôle de l’activité ne repose plus sur les seules caractéristiques perceptives des informations («signaux») mais implique le traitement de «signes». Ce niveau est intermédiaire entre le niveau automatique et le niveau basé sur des connaissances, car bien que mettant en jeu des routines et des schémas, il exige un traitement cognitif de type interprétatif. Dans l’activité de conduite,

ce niveau correspond en particulier au contrôle à moyen-terme du trajet (panneaux de direction) et à la prise en compte du code de la route.

- Le niveau «fondé sur des connaissances» (Knowledge-based behaviour) ; il rend compte des activités requises pour traiter des situations inhabituelles ou originales, pour lesquelles le conducteur ne dispose pas de structure de connaissance fournissant un schéma de résolution adapté. La terminologie « basée sur des connaissances » signifie avant tout que l’activité est « contrôlée par des buts ». Il implique le traitement de « symboles ». Dans la conduite automobile, ce stade correspond au niveau stratégique de la conduite. La planification du trajet et la navigation dans un environnement dynamique constituent des activités prises en charge à ce niveau.

Ce modèle permet de mieux appréhender le comportement du conducteur et ses interactions avec l’environnement. Ainsi, le niveau fondé sur les connaissances nécessite que la signalisation relative aux directions puisse être perçue par le conducteur, avec un minimum de ressources attentionnelles garantissant ainsi une bonne performance de conduite.

Il en est de même du modèle de décision « amorcée par la reconnaissance » (Recognition-Primed Decision ; Klein, 1989). Ce modèle rend compte des processus par lesquels les individus peuvent prendre des décisions rapides mais efficaces en utilisant leur expérience pour évaluer une situation ainsi que pour générer et évaluer des programmes d’action séquentiels (versus en parallèle). Trois cas y sont décrits en fonction de la familiarité de la situation, déterminée en partie par l’expérience de l’opérateur. Dans le cas le plus simple, le preneur de décision reconnaît la situation sur la base d’un appariement d’indices avec ceux des schémas qu’il possède en mémoire, de ses buts et attentes et met en place des programmes d’actions typiques. Si la situation n’est pas reconnue ou si les attentes sont contredites, l’opérateur va rechercher des éléments d’informations complémentaires ou s’engager dans une activité de diagnostic nécessaire à la prise de décision Enfin, le preneur de décision peut avoir besoin de réaliser une évaluation plus profonde des programmes d’actions pour aboutir à une décision. Bien que ce modèle soit organisé par niveau, il décrit surtout un gradient de complexité/familiarité plutôt que des étapes séquentielles de traitement.

Dans tous les cas, pour prendre des décisions, le conducteur doit se construire une représentation pertinente de la situation. Par conséquent, les informations extraites de l’environnement peuvent permettre qu’une action correctrice ou préventive efficace soit immédiatement disponible. Ainsi, la prise de décision en conduite automobile vise à mettre en œuvre des actions de conduite afin d’atteindre le but fixé et ce, en prenant en compte les

informations extraites de l’environnement, les connaissances antérieures et l’évaluation du risque.

Quand un diagnostic est nécessaire pour la prise de décision (niveau basé sur les règles de Rasmussen), il s’inscrit dans une stratégie de gestion des risques et des coûts (Hoc, 1996). Pour Bainbridge (1981), le diagnostic de dysfonctionnements du système tend à comparer l’état actuel et l’état exigé par la tâche sur la base d’indices observés et d’interprétation (Decortis, de Keyser & Cacciabue, 1991). Mais conduire un véhicule nécessite une activité de diagnostic tourné vers le futur proche. Le conducteur doit actualiser en permanence une représentation dynamique de l’environnement routier. Il doit, en parallèle, réaliser une activité de pronostic, soit prédire les évolutions de l’environnement (ex. s’il aperçoit des véhicules en train de freiner, il peut prédire qu’il va lui aussi devoir freiner ou non, en fonction de sa vitesse et de l’interdistance avec ces véhicules). Cette activité de pronostic repose de manière centrale sur l’anticipation de l’évolution du processus ou de la situation dynamique. L'anticipation consiste à prévoir l’état futur d’un processus, les stratégies à mettre en œuvre ainsi que les résultats des actions engagées (Richard, 1980 ; Wolfs, 1992). Elle est liée à la détection de fluctuations anormales (surveillance) pouvant être précurseurs de dérèglements du système (diagnostic ; de Keyser, 1982). Elle permet ainsi à l’opérateur d’intervenir avant l’incident. Selon Hoc (1989), les processus possédant une latence de réponse importante ne permettent pas de procéder sur un mode d’essais et d’erreurs et nécessitent ainsi une anticipation accrue pour éviter les anomalies. Dans des situations de contrôle d’environnements dynamiques, l’opérateur doit ainsi réaliser simultanément deux pronostics : un sur l’évolution du processus si une modification est entreprise et un sur l’évolution du processus si aucune action n’est entreprise (Rogalski & Samurçay, 1993). L’activité d’anticipation doit également tenir compte du moment de mise en œuvre des actions afin qu’elles soient réalisables. Elle nécessite ainsi l’élaboration et la mobilisation de connaissances sur l’évolution du processus (Hoc, 1989). Par conséquent, l’anticipation est une activité plus fréquente chez les opérateurs experts que chez les débutants même si, paradoxalement, l’expertise réduit les prises d’informations et les ajustements des actions (Van Daele & Carpinelli, 1996). En conduite automobile, cette anticipation portera principalement sur les effets des actions entreprises, sur l’état futur du véhicule au sein du système t, ainsi que sur les priorités temporelles à accorder aux différentes tâches relatives à la conduite.

Au total, l’activité d’anticipation prépare l’opérateur aux événements futurs afin qu’il puisse filtrer les informations le moment venu, prendre des décisions mais aussi ajuster et planifier ses séquences d’action.

En résumé

L’activité de conduite nécessite la mise en œuvre d’activités de diagnostic, de pronostic et d’anticipation inclues les prises de décision.

La prise de décision est basée sur les connaissances, les règles et les savoirs faire de l’individu.

Elle permet la mise en œuvre d’actions.