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Chapitre 4 : émotions, stress et personnalité 62

I. Classification des émotions 62

I.2 Approche dimensionnelle des émotions 68

I.2.1 De la théorie de l’activation

La théorie de l’activation repose sur des modèles physiologiques. L’intensité des réactions émotionnelles dépendrait du niveau d’éveil (ou degré d’activation, selon les auteurs) du système nerveux central.

L’auteur princeps de cette théorie est Lindsley (1951) qui postule que les émotions sont des manifestations extrêmes de processus intervenant normalement dans le maintien de la

vigilance. Une « dimension énergétique » à l’origine d’une tension d’intensité plus ou moins importante interviendrait dans l’exécution d’un comportement nécessaire à la survie de l’individu. Selon Lindsey (1951), un continuum existerait entre les états de vigilance et les états émotionnels et il serait quantifiable par le biais de l’excitabilité du système nerveux. Dans ce cadre, l’émotion découlerait de l’activation des processus nerveux qui serait plus intense que celle impliquée dans l’état de veille.

A partir des travaux de Lindsley, l’existence d’un continuum de variations du tonus nerveux allant des états de bas niveau (états de coma) aux états d’hyperactivation (ex. états convulsifs) est aujourd’hui admise.

I.2.2 À l’approche dimensionnelle des émotions

En menant des études sur l’expression non verbale des émotions, Osgood (1966) identifie trois facteurs : un facteur « activation » (opposant la complaisance d’un côté et un ensemble d’émotions complexes de l’autre), un facteur « plaisance » (opposant la rage/l’horreur à la joie/la jubilation) ainsi qu’un facteur « contrôle » (opposant le contentement/le cynisme et la peur/l’horreur. Ces conclusions vont être généralisées à l’expression verbale des émotions par Russell & Mehrabian, 1977, avec la description de trois dimensions indépendantes : le caractère plaisant du stimulus, son intensité et la dominance.

Les travaux de Lang et ses collaborateurs (1993, 1994) sont à la base de la théorie dimensionnelle la plus utilisée de nos jours. À partir des travaux de Hebb (1949), dans lesquels la motivation était définie comme un facteur déterminant « la direction » et « la vigueur » des comportements, Lang, Greenwald, Bradley et Hamm (1993) postulent que ces deux paramètres, que les auteurs renomment valence affective et activation, sont respectivement quantifiables en termes positive/négative (valence) et en termes d’intensité (activation). Les émotions peuvent donc être représentées selon deux axes. L’intensité renvoie à la disposition de l’organisme à réagir en fonction de divers niveaux d’activation. La valence correspond à la disposition de l’organisme à émettre des comportements d’approche ou d’évitement.

Lang (1995) adhère, par la suite, à la théorie tridimensionnelle des émotions (cf Osgood, 1966). La troisième dimension, soit la sensation de contrôle, renvoie à l’impression de contrôle d’un stimulus ou d’être contrôlé par ce stimulus. Cette dimension de contrôle est, cependant, statistiquement plus instable et moins partagée par les chercheurs que ne le sont la valence et l’activation, largement validées expérimentalement notamment au travers de travaux ayant montré leur association avec des indices physiologiques (ex. fréquence

cardiaque ou activité électrodermale ; Bradley, Cuthbert & Lang, 1996 ; Lang et al., 1993). Néanmoins, la sensation de contrôle permet de différencier la peur de la colère qui possèdent toutes deux une valence négative et une activation élevée, la première comportant une faible sensation de contrôle contrairement à la seconde.

Au total, valence, activation et, au moins en partie, sensation de contrôle renverraient à des paramètres motivationnels primitifs définissant une disposition générale à approcher ou éviter un stimulus ainsi que la vigueur de cette tendance directionnelle (Lang et al., 1993). Elles détermineraient ainsi l’évaluation émotionnelle d’un grand nombre de stimuli perceptifs et symboliques.

Bradley et Lang (1994) développent une échelle graphique pour évaluer les trois dimensions (Figure 7), surtout connue par son acronyme SAM (Self Assessment Manikin). Pour chaque dimension, un personnage représente un état selon 5 degrés dans la version courte, 9 degrés (5 degrés et 4 intermédiaires) ou 9 icônes. Par exemple, concernant la dimension de valence, à une extrémité de l’échelle apparaît un visage renfrogné et à l’autre extrémité un visage joyeux.

Figure 7 : les 3 échelles en 9 points du Self Assessment Manikin (Bradley & Lang, 1994). En haut, l’échelle de valence, au milieu l’échelle d’activation et en bas l’échelle de sensation de contrôle. Le rectangle contenant un cercle permet une évaluation intermédiaire entre deux personnages.

La SAM permet de palier les critiques souvent avancées à l’encontre des échelles verbales d’évaluation des émotions (Gil, 2009). En effet, les items verbaux manquent de pertinence pour évaluer le ressenti émotionnel, or la SAM peut être adaptée en fonction du sujet d’étude. En effet, elle permet de traduire les ressentis émotionnelles bien plus facilement que ne le permet l’évaluation verbale qui dépend, également, de différences interculturelles.

Aucune étude sur la conduite automobile ne semble avoir utilisé l’approche dimensionnelle des émotions pour évaluer des situations routières. Toutefois, comme il n’est pas toujours évident pour les individus de décrire leurs émotions, cette approche, médiatisée par la SAM, peut être pertinente pour évaluer le ressenti émotionnel, suivant les composantes d’activation, de valence et de sensation de contrôle, pendant la conduite ou suite à un événement routier particulier.

Il est, enfin, intéressant de noter que l’impatience décrite plus haut dans l’approche catégorielle des émotions, peut être interprétable comme une émotion selon le modèle factoriel. Premièrement, l’impatience possède une valence négative, souvent estimée par ses effets délétères sur les émotions positives. Le lien entre l’impatience et le stress est, d’ailleurs, interprétable en termes de valence négative (Consoli, Taine, Szabason, Lacour & Metra, 1997). Deuxièmement, l’impatience peut être considérée comme un état d’activation relativement élevé, lié à une réponse générale de préparation à l’action. En outre, une étude montrant le lien entre l’impatience et l’apparition de tics chez des patients chroniques (O’Connor, Gareau & Blowers, 1994), témoigne indirectement d’une composante activatrice de l’impatience. Troisièmement, une sensation de contrôle déficitaire peut être associée à l’impatience, au moins dans des premières étapes d’évaluation de la situation.

En résumé

L’émotion peut être décrite selon trois dimensions : la valence, l’activation et la sensation de contrôle.

Ces dimensions facilitent l’évaluation expérimentale ou en situation des ressentis émotionnels des individus, notamment grâce à la SAM.

L’approche dimensionnelle des émotions ne semble pas avoir été utilisée pour évaluer les émotions au volant mais elle pourrait servir de support à la description des ressentis émotionnels pendant la conduite.