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Les spécificités de la double communication médiatisée par ordinateur (CMO) et en co-présence

DEUXIEME PARTIE : CADRE THÉORIQUE

Chapitre 1 : La théorie de l’apprentissage social

1.1 Les déterminants environnementau

1.1.3 Les spécificités de la double communication médiatisée par ordinateur (CMO) et en co-présence

1.1.3.1 L’interactivité artefact-élève et l’interaction entre les élèves

Nous avons vu auparavant que les caractéristiques de l’artefact ont un impact sur la médiation instrumentale. Pour Grosz et Sidner (1990), l’interactivité élève- artefact (human-machine) a un impact sur les interactions. Selon Peraya (1999) et Barchechath et Pouts-Lajus (1990), le terme « interaction » ou « médiation » fait référence à la relation entre les interlocuteurs, tandis que le terme « interactivité » décrit la relation homme-machine.

Les caractéristiques des environnements d’apprentissage (en co-présence, à distance, numérique, hybrides) modifient l’activité en fonction de leurs possibilités techno-pédagogiques. « Toute forme de communication se fonde sur un système de représentation : […] il n’y a de communication que médiatisée » (1999, p.4). Peraya explique la communication « médiatisée » par ordinateur (CMO) en faisant référence à la médiatisation du dispositif informatique. Pour lui, le terme « médiatisation » est entendu au sens de « processus de scénarisation des contenus à travers un artefact technique, un dispositif médiatique ». Quand des élèves sont engagés dans une activité d’apprentissage mobilisant des ressources numériques, ils communiquent à la fois par écrit, au moyen de l’ordinateur et, en présentiel, par les interactions orales ou la communication non verbale.

Quand ils travaillent ensemble à distance en utilisant des ordinateurs, ils communiquent avec leurs camarades au moyen d’outils médiatiques de communication (chat, forum). Le travail coopératif assisté par ordinateur (en anglais

Computer-Supported Cooperative Work, CSCW) permet la réalisation d’activités

écrites de manière parallèle et simultanée par l’ensemble des membres d’un groupe. Cependant, lorsque les élèves communiquent oralement, ils peuvent uniquement communiquer séquentiellement afin de se comprendre.

L’un des avantages de l’édition écrite en simultanée, à la différence de la communication orale, est donc la réduction du blocage de la production d’idées (Hymes et Olson, 1992).

L’un des bénéfices de la communication en co-présence est que cette communication donne du contexte et facilite la compréhension des différences entre les membres (Kiesler et Cummings, 2002; Linebarger, Scholand, Ehlen, et Procopio, 2005). La communication en co-présence favorise les interactions, les relations interpersonnelles positives et un bien-être psychologique (Johnson et Johnson, 1996).

L'intérêt de notre recherche sur les interactions en co-présence des élèves est justifié par le potentiel de ce type de communication pour la collaboration. En effet, pour Clark et Brennan (1991), la communication en co-présence permet d’élaborer des énoncés dans un processus de pensée interactive, alors que dans les interactions asynchrones à distance, comme les conversations ou les courriels, les élèves ont plus de temps pour réfléchir à leurs contributions. Les longues périodes dont disposent les élèves pour approfondir leur réflexion dans les activités asynchrones, le sont au détriment de la création collaborative de connaissance. Baker (2015, p.461) détermine que plus la durée du travail individuel est longue, « plus chaque contribution dérivera des autres et plus il sera difficile de parvenir à une intégration définitive ».

Pour nous, la collaboration est un processus au cours duquel le savoir est créé à partir des contributions des élèves dans une même période de temps, dans le cadre de la même tâche. En outre, Johnson et Johnson (2002) témoignent que certaines activités cognitives et certaines dynamiques interpersonnelles peuvent uniquement se déclencher lorsque les élèves s’impliquent dans les apprentissages des autres, et cela comprend « l’explication orale de la façon de résoudre les problèmes, de discuter de la nature des concepts appris, d’enseigner ses connaissances aux camarades de classe et de relier l’apprentissage passé avec le présent » (op. cit., p.15). Cette implication augmente quand les interactions entre les membres du groupe sont en co-présence. Pour Chi (2000), les activités qui permettent la construction de connaissances individuelles sont liées à l’auto- explication, l’élaboration, la synthétisation, les questions-réponses, les explications aux autres et à la construction de diagrammes et de cartes conceptuelles.

Si nous reprenons les propos de Peraya selon lesquels « toute forme de communication se fonde sur un système de représentation », nous pouvons dire que, tant la communication en co-présence que celle écrite nécessitent un certain nombre de règles pour échanger des messages dans un contexte en particulier. Dans l’exemple d’une activité d’apprentissage en co-présence, médiatisée par ordinateur, où les élèves créent une carte conceptuelle, ils peuvent à la fois communiquer à l’oral ou au moyen du logiciel. Alors que la communication orale est synchrone et éphémère, quand les élèves écrivent leurs idées dans la carte conceptuelle, ils ont la possibilité de réfléchir ou de répondre aux idées des autres de manière asynchrone. Cette double communication à la fois à l’oral et à l’écrit permet aux élèves de reprendre les idées des autres soit dans l’instant, soit a posteriori, ce qui donne l’opportunité d’aborder un sujet à plusieurs reprises et de réfléchir aux concepts (De Wever, Schellens, Valcke et Van Keer, 2006). Dans l’étude de la communication en co-présence, nous ne pouvons pas négliger la communication gestuelle ou l’intonation des phrases. Les travaux de Michinov et Michinov (2008) montrent comment le contact en co-présence lors d’une activité collaborative en ligne influence le comportement des élèves. Quand les élèves énoncent des mots à voix haute, ils peuvent les mémoriser plus facilement que s’ils les lisent (MacLeod, 2011). 1.2 Les déterminants cognitifs dans les apprentissages : le cadre VEC

La conception de situations d’apprentissage est un objet de réflexion important afin de proposer des activités ajustées aux besoins des élèves.

Du point de vue de la psychologie cognitive, Tricot (2015, du début à 1min14) propose d’étudier l’apprentissage scolaire à partir de 4 processus : le processus d’engagement (motivationnel), le processus attentionnel, le processus relatif à la réalisation de la tâche (processus métacognitif) et le processus d’apprentissage (processus cognitif).

Dans cette section dédiée aux déterminants cognitifs, nous nous intéressons plus particulièrement aux processus cognitifs dans le contexte d’apprentissages collaboratifs médiatisés, qui correspondent à la médiation sémiocognitive (Peraya, 2010)

Les déterminants cognitifs définissent la perception des facteurs externes par les individus, ainsi que les effets et l’efficacité que les déterminants auront sur les individus, et la manière dont l’information sera organisée (Bandura, 1980). Nombreux sont les déterminants cognitifs qui peuvent être identifiés dans l’apprentissage social. Pour Kobbe et al. (2007), les principaux processus cognitifs en jeu dans les apprentissages sont l’élaboration de contenus (Webb, 1989) ; l’explication d’idées et de concepts (Chi, DeLeeuw, Chiu, et LaVancher, 1994) ; le questionnement profond (King, 1994) ; l’élaboration d’arguments (Kuhn, 1991) ; la résolution des divergences conceptuelles (Piaget, 1985) et les modélisations cognitives (Bandura, 1997). Puisque ces processus cognitifs relèvent de l’apprentissage social, nous pouvons ainsi parler de processus sociocognitifs. Les processus identifiés par Kobbe et al. (2007) sont nécessaires pour la négociation des consensus entre les membres d’un groupe qui travaillent ensemble. Quand les explications et les points de vue sont différents entre les membres du groupe, il est possible que des conflits sociocognitifs émergent dans l’univers mental propre à chaque individu. Le conflit sociocognitif (CSC) est l’un des trois déterminants (socio)cognitifs de cette recherche. C’était l’objet des recherches de Doise et Mugny (1997), et Perret-Clermont (1979). Or, d’autres déterminants (socio)cognitifs ont été identifiés par Bruner (1997) et Gilly (1995) : l’étayage ; Bandura (1980) et Pentland (2015) : la vicariance. Nous proposons l’analyse de l’apprentissage collaboratif à travers ces trois processus cognitifs présents dans les activités d’apprentissage collaboratives, que nous avons appelé le « cadre VEC » : la Vicariance, l’Étayage et le Conflit sociocognitif.

Même si les recherches de ces auteurs soutiennent que le travail de groupe peut favoriser les apprentissages, Webb et Farivar (1999) suggèrent que, dans les interactions entre les membres du groupe, chacun doit engager des efforts cognitifs personnels afin que l’apprentissage se produise. Les élèves doivent procéder à une réorganisation cognitive par une participation active. Nous allons aborder dans un premier temps la vicariance, puis l’étayage et enfin le conflit sociocognitif.

1.2.1 La vicariance

Comme Brassac (2000) le soutient, le sens se co-construit en interaction par le biais de la parole, mais aussi au travers des formes corporelles et matérielles. Bandura (1980) évoque la notion de processus vicariants, qui consiste en l’observation du comportement des autres. L’apprentissage vicariant est associé à

l’expérience directe des sujets quand les conséquences observées sont positives (Bandura, 1980, cité par Pentland, 2015, p.16).

Plutôt que de se concentrer sur les pensées et les émotions individuelles, la physique sociale se concentre sur l'apprentissage social en tant que principal moteur des habitudes et des normes. Une hypothèse fondamentale est que l'apprentissage à partir d'exemples de comportement d'autrui (et les caractéristiques contextuelles pertinentes) est un mécanisme important et probablement dominant de changement de comportement chez l'homme. 6

En outre, Pentland se réfère à l’influence sociale pour décrire la manière dont le comportement d’une personne peut affecter le comportement des autres. Ainsi, Bandura (1980) utilise le terme de « renforcement vicariant » pour décrire qu’autant les erreurs que les réussites des autres ont le pouvoir de provoquer sur autrui des comportements similaires par l’observation de leurs actions.

1.2.2 L’étayage

Suite aux travaux de Vygotsky sur la zone proximale de développement, Bruner (1983, p. 287) fait référence à l’étayage comme l’un des processus de l’apprentissage social :

C’est la distance entre le niveau de développement actuel tel qu’on peut le déterminer à travers la façon dont l’enfant résout des problèmes seul et le niveau de développement potentiel tel qu’on peut le déterminer à travers la façon dont l’enfant résout des problèmes lorsqu’il est assisté par l’adulte ou collabore avec des enfants plus avancés. […] Ce système de support, fourni par l’adulte à travers le discours ou la communication plus généralement, est un peu comme un étayage, à travers lequel l’adulte restreint la complexité de la tâche permettant à l’enfant de résoudre des problèmes qu’il ne peut accomplir seul.

L’étayage a aussi été définit par Gilly (1995) comme « les interactions dans lesquelles un sujet naïf est aidé par un sujet expert (adulte ou enfant plus avancé que le naïf) dans l’acquisition d’un savoir ou d’un savoir-faire » (p. 136). Les études de Webb (1982) sur des petits groupes d’élèves de cinquième et quatrième aux Etats-Unis concluent que « donner des explications est bénéfique pour l’apprentissage personnel ». Dans ses travaux, elle a utilisé des catégories telles que : donner des explications, recevoir des explications, répondre brièvement à une question, recevoir une réponse brève et ne pas recevoir une réponse à une question

ou une erreur. Selon elle, quand un élève expert donne des explications à un autre élève, le premier a dû passer par un processus de réflexion individuel, de structuration des idées, de clarification et de réorganisation. Les recherches sur l’apprentissage par les pairs montrent que tous les membres d’un groupe ne reçoivent pas de manière équilibrée les bénéfices de leurs pairs (Cohen et Lotan, 1995). Pour Webb, les élèves qui reçoivent le plus de bénéfices dans les apprentissages sont ceux qui donnent des explications aux autres, puisqu’ils ont su détecter et résoudre les problèmes auparavant. Quant aux élèves qui reçoivent l’aide des élèves experts, ils trouvent des bénéfices uniquement s’ils obtiennent une réponse juste et qu’ils mettent en œuvre les solutions aux problèmes immédiatement après avoir reçu les explications. En effet, afin de bénéficier des explications qu’ils reçoivent, les apprenants « doivent trouver l’opportunité d’appliquer l’aide reçue pour arriver à résoudre les problèmes eux-mêmes » (Webb, Troper et Fall, 1995, p.407) »7.