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DEUXIEME PARTIE : CADRE THÉORIQUE

Chapitre 2 : Les processus de collaboration et de coopération

2.1 Vers une définition des processus de collaboration et de coopération

2.1.2 L’activité collaborative

Nous avons mentionné les propos de Baker (2015) quant à l’activité collaborative : elle fonctionne au niveau des idées, de la compréhension et des représentations. Dans cette section, nous allons présenter les types d’activités qui favorisent la création de nouvelles idées en groupe.

Pour Webb et Palincsar (1996), l’efficacité des apprentissages dépend des processus cognitifs, et ces processus peuvent être suscités par des activités d’apprentissage collaboratives. Les recherches de Weinberger et Fischer (2006) se réfèrent à des activités spécifiques qui favorisent l’apprentissage collaboratif. Afin de susciter l’engagement cognitif dans une activité collaborative, Chi et Wylie (2014) ont identifié trois activités significatives : la prise de notes, l’élaboration de cartes conceptuelles et l’auto-explication. Comme nous l’avons évoqué dans la section dédiée aux « déterminants cognitifs : cadre VEC », Kobbe et al. (2007, p.8)10

soulignent que les types d’activités qui promeuvent la collaboration sont souvent

liées à l’élaboration (Van Boxtel, Van der Linden et Kanselaar, 2000), l’explication, l’argumentation et aux questions et réponses :

L’élaboration se caractérise par l’association d’idées et de concepts nouveaux à ce qui est déjà connu, en le rendant personnellement plus significatif et en élargissant de multiples façons, par exemple en ajoutant des détails, en donnant des exemples, en faisant des analogies, en créant des visualisations ou en prévoyant des résultats. Les bonnes explications ne consistent pas uniquement à donner des solutions étape par étape mais aussi à articuler le raisonnement de la personne qui explique et à élaborer le concept (Bargh et Schul, 1980). Expliquer favorise l’apprentissage car cela invite les apprenants à vérifier les incohérences et les lacunes présentes dans leurs connaissances ainsi qu’à réorganiser et clarifier les matériaux afin de satisfaire le niveau de connaissance du public cible (Webb, 1989). Expliquer aide les élèves à clarifier une idée en l’élaborant ou en inférant de nouvelles idées11 (Chi et Wylie, 2014, p.15)

Argumenter consiste à générer la désapprobation et la validation des propos et à les justifier avec des exemples. Même si les arguments sont principalement destinés à convaincre quelqu’un d’autre de son propre point de vue, ils sont aussi efficaces pour donner des explications et mieux comprendre un sujet (Baker, 2003).

Poser des questions est une action fréquente dans les activités d’apprentissage collaboratif. Cependant, quand les apprenants sont invités à poser des questions, généralement ils posent des questions simples qui nécessitent peu d’effort cognitif. Les chercheurs Rosenshine, Meister, et Chapman (1996) ont identifié de nombreuses stratégies pour aider les apprenants à générer des questions plus efficaces et provocatrices (par exemple fournir des exemples de questions génériques ou utiliser des démarreurs de questions).

Marcelo et Perera (2007) ont complété ces processus avec des dimensions cognitives plus spécifiques : initiation, exploration d’idées, intégration-construction et résolution du problème. Comme plusieurs auteurs l’ont souligné (Chi et Wylie, 2014; Nesbit et Adesope, 2006), la réalisation de cartes conceptuelles est une activité qui déclenche les processus évoqués précédemment.

Dans le point suivant, nous allons expliquer en quoi la carte conceptuelle est efficace pour les activités collaboratives. Ensuite, nous allons nous attarder sur les autres composants de l’activité collaborative : les ressources, tout d’abord, puis le scénario.

2.1.2.1 Le type d’activité : le remue-méninge, la carte mentale et la carte conceptuelle Le remue-méninge, la carte mentale et la carte conceptuelle sont des types d’activité courantes pour le travail de groupe. Cependant, chacune de ces activités a des effets différents sur la collaboration.

Comme nous l’avons évoqué dans l’introduction, les remue-méninges (aussi appelés « pluie d’idées » ou « brainstorming ») sont une technique de groupe qui sert à générer des nouvelles idées. Une fois que les élèves ont proposé leurs idées, une deuxième phase consiste à les intégrer à partir de deux techniques d’association cognitive : les cartes conceptuelles et les cartes mentales. Les travaux de Buzan et Buzan (1999) cités par Dambreville (2014) soulignent que les cartes mentales améliorent les capacités cognitives, comme la compréhension et la réflexion mais également les compétences sociales, comme l’estime de soi et la socialisation des connaissances.

Cependant, Chi et Wylie (2014), Nesbit et Adesope (2006), ainsi que Baker (2015) précisent que, comparées aux cartes mentales, les cartes conceptuelles sont plus efficaces pour la construction de connaissances collaboratives. Selon Kobbe et al. (2007), les activités qui promeuvent l’élaboration de connaissances favorisent l’apprentissage collaboratif. Pour Bachimont (2004, p.65), une connaissance « est la capacité d’exercer une action pour atteindre un but […]. La connaissance n’est pas seulement cette action, mais la capacité d’exercer ou de réaliser cette action ». Comme nous l’avons déjà évoqué, Chi et Wylie (2014) constatent l’importance des cartes conceptuelles pour l’engagement actif des élèves. A cet égard, King (1993) remarque que pour qu’un élève analyse, synthétise ou évalue une information, il doit être impliqué dans la tâche, au lieu de recevoir les informations de manière passive. Puisque l’activité collaborative fonctionne au niveau des idées, l’implication cognitive des élèves est déterminante pour les résultats du groupe. Au-delà de l’implication individuelle de chacun des élèves du groupe, la création des cartes conceptuelles nécessite la coordination du groupe au sein de l’activité collaborative (Kobbe et al., 2007, p.9)12 :

Le rôle des activités est d’une importance centrale dans l’apprentissage collaboratif, car le type d’activités engagées a un fort impact sur les processus cognitifs. Cependant, ce que laissent présager les résultats d’apprentissage n’est pas seulement lié à ce que font les apprenants mais aussi à la manière dont ils le font.

Différentes études (Czerniak et Haney, 1998; Delbecq et al., 1975) ont consisté à évaluer les cartes conceptuelles réalisées en groupe et individuellement. Czerniak et Haney (1998) ont démontré que les élèves obtiennent de meilleures notes dans les cartes conceptuelles lorsqu’ils travaillent de manière collaborative plutôt qu’individuellement. Cependant, lors de la réalisation collaborative d’une tâche, il ne peut pas toujours être garanti que les productions de groupe soient plus performantes que les productions individuelles (Sizmur, 1996). Kobbe et al. (2007) font référence aux travaux de Hamilton (1997, p.8)13 pour indiquer que « l’élaboration de qualité requiert une réorganisation des connaissances de l’apprenant et que cela peut être favorisé quand les apprenants confrontent des concepts, au lieu de simplement créer des exemples personnellement ». D’un point de vue épistémologique, les concepts sont les idées spécifiques que les individus conçoivent et partagent dans une communauté, en caractérisant les notions (ex., un palmier) (Duplessis, 2007). Du point de vue des théories psychologiques, un concept est une connaissance à propos d’une catégorie en particulier (ex., oiseaux, nourriture, bonheur) (Barsalou, Simmons, Barbey et Wilson, 2003, p. 84; Chanquoy, Tricot et Sweller, 2007). Chanquoy et al. (2007, p.106) expliquent la formation de concepts selon trois processus :

1. le repérage de traits communs, qui correspond à la construction de la catégorie

2. l’élaboration d’une étiquette de la catégorie

3. l’établissement de relations avec d’autres concepts

Pour Barsalou et al. (2003), la connaissance joue un rôle central dans les activités cognitives. « La formation de concepts peut être définie comme le processus d’élaboration de la connaissance relativement stable d’un aspect du monde » (Chanquoy, Tricot et Sweller, 2007, p.106). Pour ces auteurs, la formation

de concepts est un processus très proche de la compréhension, sauf que la compréhension est attachée à une situation particulière et que la formation de concepts est plus générale. Ces auteurs expliquent également que la formation de concepts est un processus d’apprentissage qui peut être assimilé à l’élaboration de schémas. Les cartes conceptuelles elles-mêmes sont une sorte de schéma d’idées liées entre elles et hiérarchisées dans leur ensemble.

2.1.2.2 Les ressources et le scénario de l’activité collective

Quand les élèves sont censés faire des activités collaboratives, les enseignants ont tendance à dire aux élèves de s’asseoir l’un à côté de l’autre pour collaborer, mais la manière dont ils doivent travailler est rarement définie par l’enseignant (Baker, 2015). La définition d’un scénario est essentielle pour la conduite des activités d’apprentissage.

Plusieurs recherches (Aiken, Krosp, Shirani et Martin, 1994; Nunamaker, Dennis, Valacich, Vogel et George, 1991) ont porté sur les processus d’idéation en groupe avec des artefacts numériques collaboratifs. En effet, les environnements numériques permettent d’organiser les tâches de manière collective (Fischer et al., 2007). Stacey (1998) a relevé que la construction sociale de la connaissance était favorisée par l’utilisation des technologies. Dans certains cas, l’utilisation des technologies n’implique pas une réorganisation de l’activité par les enseignants :

Les différents types de tâches qu’on demande aux élèves de réaliser en classe sont les mêmes depuis 100 ans, ce qui varie au cours du temps, ce sont les équilibres entre ces types de tâches et les supports pour les réaliser

(Tricot, 2015, de 9min02 à 10min35).

Un exemple d’utilisation des technologies pour le travail de groupe est l’outil

GroupMind. Shih, Nguyen, Hirano, Redmiles et Hayes (2009) ont constaté que les

remue-méninges créés avec GroupMind sont plus performants qu’avec les tableaux blancs. Les expérimentations faites avec cet outil ont également montré que les contraintes liées à la structure et aux processus de l’activité de remue-méninge ont un effet important dans la dynamique de groupe et dans l’organisation des idées.

Dans le cas de l’utilisation d’artefacts numériques pour la création de remue- méninges, Shih et al. (2009) constatent que la plupart des artefacts numériques permettent de créer des idées dans un dépôt central au groupe. Les idées sont ensuite sélectionnées et présentées aux membres du groupe afin de déclencher de

nouvelles idées par la suite. Cette création séquentielle d’idées dans le groupe a été comparée par Hymes et Olson (1992) à la création d’idées individuelles et collectives dans deux espaces parallèles (un éditeur de textes personnel et l’espace de travail partagé décrit précédemment). Les résultats des recherches de ces auteurs montrent que la disposition de l’éditeur de textes parallèlement à l’espace de travail partagé permet une plus grande production d’idées. En ce sens, les élèves qui travaillent directement dans un espace partagé bloquent leurs productions d’idées individuelles.

Chapitre 3 :

L’importance de l’espace privé et collectif dans