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DEUXIEME PARTIE : CADRE THÉORIQUE

Chapitre 1 : La théorie de l’apprentissage social

1.1 Les déterminants environnementau

1.1.2 L’instrumentation de l’activité 1 De l’artefact à l’instrument

« L’instrument est l’artefact en situation, inscrit dans un usage »,

En 1995, Rabardel exprime le besoin de différencier les « objets » des « systèmes anthropotechniques ». Il propose le terme d’« artefact » pour parler de l’objet (matériel ou symbolique) fabriqué par l’homme.

Pour lui, l’artefact est une partie de l’instrument. Rabardel souligne que : « les instruments ne sont pas conceptuellement neutres, ils contiennent une conception du monde qui s’impose peu ou prou à leurs utilisateurs, et influencent ainsi le développement de leurs compétences » (op.cit., p.213). De ce fait, l’artefact est partiellement indépendant de l’usage que les utilisateurs font de l’instrument. Pour Rabardel, un objet technique (artefact) ne fait pas un instrument. La manière dont l’objet a été pensé par l’homme est souvent différente de l’instrumentation réelle. Rabardel nomme cet écart « catachrèse ».

1.1.2.1.1 La genèse instrumentale

Pour Rabardel, la « genèse instrumentale » est l’appropriation de l’objet technique par le sujet pour en faire un instrument. Ce processus est composé de deux étapes : l’instrumentalisation et l’instrumentation. La première désigne le mouvement du sujet vers l’artefact, alors que la deuxième désigne le mouvement de l’artefact vers le sujet.

1.1.2.2 De la cognition distribuée à la médiation instrumentale

La théorie de la cognition distribuée (Hutchins, 1995) attribue un rôle aux objets et à leur système de fonctionnement dans la construction de l’action. Afin de comprendre le rôle des instruments dans la construction des processus de collaboration, les travaux de Peraya (2010) et de Cerisier (2011) sur la médiation instrumentale complètent le modèle de Rabardel. Selon Peraya, la médiation consiste à transformer la relation entre les sujets ou entre les sujets et les objets dans les différents environnements. Il évoque cinq médiations ou registres principaux :

1. La médiation sémiocognitive est appelée « épistémique » dans le cadre de Rabardel et Samurçay. Cette médiation traite du rapport entre la pensée, ses opérations et les signes externes de la culture.

2. La médiation sensorimotrice qui « est liée au développement de l’interactivité, des interfaces qui mobilisent la perception tactilo-kinesthésique »

3. La médiation praxéologique qui « s’adosse aux théories de l’action et consiste en l’effet du dispositif sur la réalisation de la tâche »

4. La médiation réflexive « est celle qui grâce à la distanciation qu’impose le dispositif par rapport à soi, aux autres, à la tâche et/ou à l’objet sur lequel porte l’activité, permet à l’acteur de développer un regard et une position méta sur son activité »

5. La médiation identitaire qui « est une forme particulière de médiation pragmatique et relationnelle ». La médiation identitaire porte sur « la gestion des différentes identités numériques qu’endosse un sujet, au sein des différents environnements qu’il fréquente ».

Pour comprendre la définition de « médiation » faite par Peraya, il convient d’approfondir les concepts de « média » et de « dispositif ». Peraya (1999, p.3), définit le dispositif comme « une instance, un lieu social d’interaction et de coopération possédant ses intentions, son fonctionnement matériel et symbolique enfin, ses modes d’interactions propre ». Le terme de « dispositif » est fréquemment utilisé en milieu académique pour désigner les « dispositifs de formation », qui sont un « ensemble organisé de moyens humains et matériels conçu, construit et mis en œuvre pour créer des conditions propices à des activités déterminées visant le développement des formés » (Corbin-Ménard, 2013, p.390). Peraya (2013, p.2) utilise le terme de « dispositif techno-pédagogique » pour désigner les plateformes, les environnements numériques de travail, les campus électroniques, etc. Les dispositifs médiatisent « des activités, notamment de production et d’écriture, celles de partage, d’échange, de mutualisation de ressources, de soutien et d’accompagnement, de gestion du dispositif de formation, d’évaluation, etc. » (op.cit.).

S’il faut tenir compte des caractéristiques techniques des objets, les travaux d’Anderson (1988, p.11) soulignent que les médias sont, avant tout, une activité humaine : « toute activité humaine exige un processus d’interactions sociales pour se construire, pour se réaliser ». Il souligne l’importance du lien social créé par la pratique médiatique entre les interlocuteurs dans des formes et des processus de communication qui sont influencés par le dispositif technique. Ces réflexions conduisent Peraya (1999,p.3) à définir le dispositif comme « une instance, un lieu

social d’interaction et de coopération possédant ses intentions, son fonctionnement matériel et symbolique enfin, ses modes d’interactions propre ».

Aujourd’hui, dans la pratique médiatique, les compétences numériques jouent un rôle déterminant. Fastrez et De Smedt, (2012, p.1) y font référence dans leurs travaux sur la « littératie médiatique », qu’ils définissent comme « l’ensemble des compétences caractérisant l’individu capable d’évoluer de façon critique et créative, autonome et socialisée dans l’environnement médiatique contemporain ». L’environnement médiatique ne se compose pas uniquement d’un artefact (ex. ordinateur), mais du binôme ordinateur-logiciel (Duchâteau, 1994). Nous parlons « d’environnement médiatique » quand l’élève qui utilise un artefact numérique est confronté de manière simultanée à de nombreux outils.

Dans ce sens, Fastrez et De Smedt, (2012, p.1) considèrent les médias selon 3 dimensions d’objets (informationnel, technique et social) et selon 4 types de tâches médiatiques : lecture, écriture, navigation et organisation.

Tableau 2 Les 3 dimensions d'objets selon 4 types de tâches médiatiques, Fastrez et De Smedt (2012)

Type de tâche Objet informationnel Objet technique Objet social Lecture Le média « fait

référence à quelque chose d’autre que lui- même, avec un langage qui lui est propre » Le média est « issu d’une production technique et permet de produire ou de diffuser des objets médiatiques » Le média « prend place dans un contexte relationnel » Écriture Navigation Organisation

Knutsen (2016) fait la différence entre les moments où les élèves produisent individuellement des connaissances et ceux où ils les reçoivent ou les construisent ensemble. Pour Meyriat (1985, p.21), l’information « n’existe pas tant qu’elle n’est pas effectivement reçue. Pour l’esprit qui la reçoit, elle est connaissance, et vient modifier son savoir implicite ou explicite ». Pour chacune des compétences (informationnelle, technique et sociale) que les élèves doivent avoir pour la réalisation de tâches, ils doivent aussi assumer des responsabilités propres au type de tâche : activités de réception, production, relation et organisation. Dans la section

dédiée à la méthodologique de l’expérimentation de 2016, nous allons approfondir les types de tâches médiatiques de Fastrez et De Smedt, ainsi que des responsabilités propres au type de tâche.

1.1.3 Les spécificités de la double communication médiatisée par