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RECHERCHE EMPIRIQUE

Fiche 5 Préconisations quant à la conduite de l’entretien collectif

2.2.4 Corpus 1 : les interactions orales

2.2.4.1 Les interactions, les séquences et les échanges orau

Les interactions, les séquences et les échanges font partie des unités dialogales définies par Kerbrat-Orecchioni (1990, p.213) et Sinclair et Coulthard (1975). Kerbrat-Orecchioni (1990, p.216) détermine une interaction de la manière suivante :

Pour qu’on ait affaire à une seule et même interaction, il faut et il suffit que l’on ait un groupe de participants modifiable mais sans rupture, qui dans un cadre spatio-

temporel modifiable mais sans rupture, parlent d’un objet modifiable mais sans rupture.

Trinh (2002) spécifie que les interactions se décomposent en « séquences ». Les séquences se composent d’« un bloc d’échanges reliés par un fort degré de cohérence sémantique et/ou pragmatique » (Kerbrat-Orecchioni, 1990, p.218). 2.2.4.2 Les interventions et les actes de langage

À la différence des échanges, qui correspondent aux unités dialogales, composées par plus de deux locuteurs, les interventions et les actes de langage font partie des unités monologales, qui sont composées par les contributions d’un seul locuteur (Kerbrat-Orecchioni, 1990; Sinclair et Coulthard, 1975; Trinh, 2002). Les interventions, correspondant aux contributions des locuteurs dans les échanges, peuvent intégrer un ou plusieurs types d’actes de langage. Les actes de langage sont «l’unité minimale de la grammaire conversationnelle » (Kerbrat-Orecchioni, 1990, p.230). S’appuyant sur la théorie des actes de langage d’Austin (1962), Searle (1985, p.45) essaie de comprendre l’intentionnalité des locuteurs : « c’est en accomplissant des actes linguistiques que les locuteurs mettent effectivement le langage en relation avec le réel ».

Se référant aux études de Barnes et Todd (1977) et à celles de Sinclair et Coulthard (1975), Sizmur (1996) a identifié les interventions qui appartiennent à

chaque échange, non seulement par les structures linguistiques, mais aussi par leur contenu et leur intention (actes de langage).

Dans le cadre de notre recherche, il était nécessaire d’évaluer l’intentionnalité des élèves car la simple analyse des contenus peut masquer les « attitudes sous- jacentes » (Blanchet, 2015), alors que leur intentionnalité rend compte de certaines stratégies de construction du sens. Pour Benveniste (1974), l’énonciation est la manière individuelle d’employer la langue, et peut impliquer trois niveaux d’analyse : linguistique, phonétique et cognitive. Comme l’indique Blanchet (2015), les sciences cognitives analysent les mécanismes cognitifs de l’énonciation. Ce mécanisme se déclenche dès lors que le locuteur produit des mots et/ou des phrases afin de donner du sens à ce qu’il veut transmettre.

2.2.4.2.1 Catégorisation des interventions de Sizmur et Osborne (1997)

Les différents types d’interventions orales permettent de distinguer les intentions des élèves les unes des autres. Les intentionnalités des locuteurs sont des « actes de langage », qui ne peuvent être accomplis « que si l’auditeur interprète et accepte l’intention du locuteur » (Blanchet, 2015, p.36).

Sizmur et Osborne (1997) ont identifié onze catégories d’interventions orales (spécifiées après la figure 6) présentes dans les activités collaboratives, chacune d’elles exprimant l’intention communicative prédominante des locuteurs (Halliday, 1973). En effet, nous l’avons vu, une intervention peut contenir un ou plusieurs actes de langage (intentions communicatives). Dans sa thèse doctorale, Sizmur (1996) parle de stratégies pour expliquer l’intention de chacun des locuteurs dans leurs interventions.

Les catégories identifiées par Sizmur et Osborne peuvent être rapprochées des processus favorisant la collaboration : l’élaboration, l’explication, l’argumentation, les questions et les réponses (Kobbe et al., 2007).

Comme nous pouvons le constater grâce à la figure 6 ci-après, Sizmur affirme que les interventions introduisant le discours peuvent être suivies de trois types de réponses différentes : (type i) non élaborées, (type ii) élaborées individuellement, (type iii) élaborées collaborativement.

Figure 6 Trois types de réponses à une intervention du type « introduction », Sizmur, 1996

Quand un élève formule une idée nouvelle (introduction), les autres élèves peuvent ne pas répondre (type i), répondre individuellement (type ii) ou répondre collaborativement (type iii).

L’ensemble des catégories identifiées par Sizmur et Osborne, que nous avons utilisées lors du codage des interventions de l’expérimentation pilote 2015, ont été décrites par Cerisier (2000, pp.292-296) comme suit :

L’ouverture (opening)

L’ouverture introduit une question nouvelle, venant complémenter ou spécifier l’échange. Elle prend le plus souvent la forme d’une question.

L’introduction (introducing)

L’introduction qualifie la formulation d’une idée nouvelle afin de la soumettre à la discussion. Il s’agit soit d’une affirmation, soit d’une question.

La relance (supporting)

La relance vise à maintenir ou relancer le même sujet sans pour autant introduire d’idée nouvelle. Elle prend la forme d’une sorte de validation générale d’une proposition ou d’un ensemble de propositions, exprimées le plus souvent par une répétition partielle ou une paraphrase.

L’élaboration (elaborating)

L’élaboration reprend et complète une intervention déjà formulée. Elle se présente sous la forme d’une question ou d’une affirmation.

La remise en question (challenging)

Ce type d’intervention manifeste la réfutation ou le rejet, explicite ou non mais clair, d’une idée exprimée précédemment.

La rétractation (retracting)

Elle caractérise la rétractation d’un locuteur à l’égard d’une idée qu’il a émise précédemment, souvent à la suite d’une intervention de type remise en question.

L’intégration (integrating)

L’intégration manifeste la prise en considération et la mise en accord de deux idées précédemment non reliées ou bien conflictuelles. Elle témoigne du lien établi entre plusieurs interventions et constitue une forme spécifique de l’intervention de type élaboration.

L’invitation à approuver (eliciting support)

Ce type d’intervention qualifie toutes les invitations lancées pour approuver ou évaluer une idée. La forme la plus commune de l’invitation à approuver est la question.

L’incitation à affiner (eliciting elaboration)

L’incitation à affiner invite les intervenants à discuter les termes et à juger de l’opportunité d’une élaboration.

La réserve (hedging)

Une intervention du type réserve est une réponse évasive à une question ou à une remise en question. C’est une façon de ne pas répondre à une question ou d’éviter une remise en question. C’est aussi une façon de reformuler de façon plus souple des déclarations trop directives ou tranchées.

La clarification « question-réponse » (query loop)

Sans apporter d’élément nouveau, sans engager de nouvelle élaboration, la clarification sert à préciser le sens d’une intervention précédente, le plus souvent structurée sous la forme d’une question enchaînée par sa réponse.

Dans cette recherche, nous avons établi un seul acte de langage par intervention. Le codage des actes de langage s’est fait par rapport à la finalité principale de l’intervention. Des exemples précis de codages d’interventions sont présents dans le tableau ci-après :

Tableau 6 Exemple de codages des interventions selon les catégories d’interventions de Sizmur et Osborne (groupe 6), 2015

Minutage Message Émetteur Destinataire Catégorie 35 min 02 s « Oui, en plus, on a mis “Coût énorme” et

35 min 04 s

« Oui, parce que le coût est énorme parce que c’est une entreprise qui est énorme, mais… euh… par rapport à l’église, par rapport au fait qu’ils écrivent tout à la main, et que tout était fait à la main, les peintures, tout ça, l’imprimerie est moins chère. Donc, plus accessible. »

LP2IG6.2 LP2IG6.1 Elaborating

35 min 18 s « Oui, mais le projet, en fait, ouais, faudrait plus mettre… » LP2IG6.3 LP2IG6.E Opening

35 min 20 s « C’est le projet qui est moins… » LP2IG6.2 LP2IG6.3 Introducing

35 min 21 s « Oui, je vais mettre “Projet énorme”, du coup. Mais je crois que ça a déjà été mis… »

LP2IG6.3 LP2IG6.2 Introducing

35 min 26 s « Mais “Projet énorme” ne répond pas à

la question… » LP2IG6.2 LP2IG6.3 Challenging 35 min 28 s « Mais en fait… » LP2IG6.4 LP2IG6.E Challenging

35 min 30 s « Ça… enfin, ça permet quand même

de… » LP2IG6.3 LP2IG6.E Elaborating

Pour l’expérimentation pilote de 2015, les interventions des élèves ont été analysées en considérant, d’un côté, la fréquence des interventions de la catégorie

Challenging (« remise en question ») comme indicateur de potentiels conflits

sociocognitifs, et de l’autre, la fréquence des interventions de la catégorie Supporting (« relance ») comme indicateur de possibles processus d’étayage.

Le processus de codage des messages a nécessité la catégorisation de l’ensemble des messages énoncés par les élèves lors de la tâche 4 : catégories

Opening, Introducing, Query Loop, Challenging… Ce processus a été nécessaire

afin de sélectionner uniquement les deux catégories utilisées dans les analyses de l’expérimentation de 2015 : Supporting et Challenging. Rappelons qu’un tel processus de codage implique que le nombre de participants soit réduit et l’impossibilité de faire des généralisations (Sizmur, 1996).

Dans ses travaux, Sizmur (1996) utilise les 11 catégories décrites précédemment afin de coder les interventions orales des élèves lors qu’ils parlent de la tâche.

Cependant, comme nous le verrons dans la section dédiée à l’analyse du contenu des interventions, les élèves ne parlent pas toujours de la tâche. Sizmur appelle « échange idéal » les interventions des élèves sur la tâche, alors qu’il parle

des « échanges du contexte » pour se référer aux moments où les élèves ne parlent pas de la tâche (eg. avoir faim, être ennuyé,…).

À la différence de Sizmur, dans l’expérimentation pilote de 2015 nous avons codé la totalité des interventions des élèves, indépendamment du fait qu’ils parlent ou non de la tâche.

D’ailleurs, au-delà du codage des interventions selon les catégories de Sizmur et Osborne (1997), nous avons comptabilisé le nombre d’interventions liées à l’outil lorsque les élèves parlent de l’outil utilisé pour l’expérimentation. Ces interventions peuvent nous donner des indications quant à l’instrumentation numérique de l’activité réalisée par les élèves. Ces interventions sont comprises également dans le nombre d’interventions de la catégorie Supporting. En effet, les interventions liées à l’outil maintiennent ou relancent le même sujet sans pour autant introduire d’idée nouvelle dans le groupe. Exemples de Supporting et d’interventions liées à l’outil : « C’est que ça buggue, en fait » (élève 1, groupe 5) ; « Ouais, là, c’est bon » (élève 2, groupe 5).

Pour garantir la fiabilité de notre système de codage, trois chercheurs ont codé une partie de l’analyse des interventions (25% d’une séance type de 400 messages).

Ensuite, nous avons appliqué le test Alpha de Cronbach sur le codage d’interventions effectué par les trois chercheurs. À noter que la valeur maximale d’Alpha est de 1 et que la valeur acceptable doit être supérieure à 0,80. Après avoir appliqué le test Alpha de Cronbach, nous avons obtenu 0,472 degré de fiabilité, ce qui est en dessous de la valeur acceptable. Suite à ces résultats jugés pas assez satisfaisants pour notre recherche, nous avons développé et appliqué un système de codage adapté à notre cas pour l’expérimentation de 2016 (cf. ADiCRE).