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RECHERCHE EMPIRIQUE

Chapitre 4 : La deuxième expérimentation

Comme nous l’avons spécifié dans le chapitre 3 de cette partie, les constatations faites lors de l’expérimentation pilote de 2015 ont permis, d’une part, la mise au point du protocole expérimentale de l’expérimentation de 2016, et d’autre part, elles ont donné lieu à la conception d’un deuxième prototype de Dispositif Numérique de Collaboration (DNC) composé du logiciel INCA.

4.1 Objectifs

L’objectif de la deuxième expérimentation était d’éprouver les hypothèses formulées. Il s’agit de questionner les déterminants environnementaux, cognitifs et comportementaux des activités collaboratives utilisant des artefacts numériques pourvus d’un espace privé pour l’édition de cartes conceptuelles.

4.2 Méthodologie

Nous rappelons que, à la différence de l’expérimentation réalisée en 2015 avec des cartes mentales, l’expérimentation de 2016 a été réalisée avec des cartes conceptuelles INCA, pour les raisons présentées au chapitre 3 de cette partie. Entre le 14 mars 2016 et le 22 mars 2016, 12 groupes de 4 élèves de seconde ont réalisé

4 tâches collaboratives de construction de cartes conceptuelles en variant les modalités de réalisation de la tâche. Six groupes font partie du LPII de Jaunay- Marigny et les 6 autres groupes proviennent du lycée Aliénor d’Aquitaine à Poitiers. Les activités ont été intégrées dans le cadre des cours d’histoire, avec la collaboration des enseignants des deux lycées. L’expérimentation s’est déroulée dans les deux lycées avec du matériel fourni par le laboratoire TECHNE.

Clarification…

Dans la démarche méthodologique ci-après, nous présentons de nombreux exemples descriptifs de la méthode employée. Dans cette recherche, nous avons utilisé des acronymes pour nous référer à chacun des individus des groupes analysés : « AL » et « LP2I/LPII » ont été utilisés pour nous référer aux deux lycées. La lettre « G » suivi des chiffres « 1,2,3,4 » se réfère aux groupes traités. La lettre « E » (eg. ALG2.E) fait référence à la totalité des élèves, au groupe. La lettre « A » (eg. ALG2.A) fait référence à l’animateur. Le chiffre final du code d’identification correspond au numéro attribué à chaque élève dans le groupe (eg. ALG2.1).

À partir de la hiérarchisation des interactions proposée par Kerbrat-Orecchioni (1990, p.213) et Sinclair et Coulthard (1975), la méthodologie de la deuxième expérimentation est axée particulièrement sur l’identification des « échanges » au niveau du groupe et sur l’identification des « interventions » au niveau individuel. Rappelons que, dans le contexte d’un échange, l’intervention est la contribution du locuteur à un échange en particulier. Cette catégorisation des interventions a été proposée tant au niveau oral qu’au niveau numérique. L’analyse des interactions, qu’elles soient orales ou numériques, suppose l’analyse des performances de chacun des participants, situées dans le cadre de l’ensemble des interactions (Colomina et Onrubia, 2001). Pour rappel, dans cette recherche, nous parlons d’analyse d’interactions pour nous référer à l’ensemble des séquences et des échanges entre les élèves. Nous parlons d’analyse d’interventions pour faire référence à chacune des participations des élèves aux différents échanges. Nous distinguons les interactions orales et numériques, qui s’inscrivent :

- au niveau polylogue : « échanges » oraux et/ou numériques ou,

Selon Trinh (2002), les études qui analysent le discours dialogué ont abordé le terme « d’interaction » de manières différentes par rapport : à la participation des locuteurs, à l’unité de temps et de lieu, au critère thématique et au critère des séquences démarcatives. Au-delà de l’analyse des interactions, les autres éléments du discours qui ont été traités sont :

- l’évaluation de la participation des locuteurs au travers des flux de communication ;

- la spécification du minutage de chacune des interventions orales et actions numériques des élèves ;

- la classification du contenu des interventions orales liées à la tâche, au contexte, à la carte conceptuelle ou à l’instrument ;

- l’identification des échanges oraux et numériques par l’attribution d’un « ID » aux interventions orales et aux actions numériques reliées par un fort degré de cohérence sémantique et/ou pragmatique ;

- l’identification d’échanges simples (2-3 interventions par échange) et d’échanges complexes (au-delà de 4 interventions par échange) ;

- la différentiation des degrés de la discussion (élevé, progressif, bas) par rapport au nombre d’interventions dans les échanges.

4.2.1 Les 6 interactions médiatisées du Dispositif Numérique de Collaboration (DNC)

L’analyse des interactions médiatisées par ordinateur a fait l’objet de recherches centrées sur les processus cognitifs, le contenu des messages et, des argumentations, ou la construction des connaissances (Järvela et Häkkinen, 2002). Les interactions sont aussi analysées pour l’évaluation de l’utilisabilité des dispositifs numériques (Jong-Baeg, Derry, Steinkuehler, Street et Watson, 2000).

Nous avons donc examiné les interactions orales et numériques pour comprendre la manière dont les élèves ont utilisé les différents artefacts et ainsi porter un regard sur la médiation instrumentale des élèves. Les recherches de Coll, Palacios et Marchesi (2001) traitent de l’interaction non seulement comme des échanges communicatifs en co-présence mais aussi comme l’ensemble d’actions réalisées par les élèves avec les différents artefacts de l’activité. Pour ces auteurs, évaluer les interactions suppose d’évaluer chacune des actions des élèves mais

aussi les interactions verbales dans l’activité. Nous présenterons la méthode utilisée pour l’identification des interventions et des échanges oraux, ainsi que pour l’identification des interactions et des échanges numériques.

Comme nous l’avons vu dans le cadre théorique, la collaboration est un processus social qui intègre des approches individuelles. Les cinq registres de médiation de Peraya (médiation sémiocognitive, médiation sensorimotrice, médiation praxéologique, médiation réflexive, médiation identitaire) peuvent être utilisés pour analyser une activité médiatisée collaborative à partir des contributions individuelles.

Sur la base de la proposition de Peraya, cette recherche complète les travaux de la médiation instrumentale avec une application empirique des différents registres. Nous considérons que les interactions entre les individus, le groupe et les objets de l'activité collaborative, sont influencées par les caractéristiques des artefacts. En ce sens, Rabardel et Samurçay (2006) déclarent que l'efficacité des activités d'apprentissage est influencée par l'artefact utilisé. L'artefact peut être, entre autres, l'ordinateur, la souris, le papier utilisé dans l'activité d'apprentissage. Dans les activités numériques, le logiciel utilisé peut aussi être considéré comme un artefact.

Nous avons vu que le processus d'utilisation d'artefacts différents pour des objectifs spécifiques est appelé « médiation instrumentale » et cette dernière est composée de 5 registres de médiation dont la médiation réflexive et la médiation identitaire (Peraya, 2010). Rappelons que l'hypothèse principale qui guide cette recherche est que l'utilisation d'un espace de travail privé et collaboratif simultanément, peut favoriser la collaboration entre les élèves. Concrètement, cette hypothèse suppose que la médiation réflexive agit sur les processus individuels dans l'activité collaborative et que la médiation identitaire impacte les relations entre les individus dans l'espace de travail collaboratif.

Figure 8 Les 6 interactions médiatisées du DNC

La figure 8 représente les variables indépendantes de l’expérimentation : ARN AEP (« Avec Recours au Numérique, Avec Espace Privé »), ARN SEP (« Avec Recours au Numérique, Sans Espace Privé »), SRN AEP (« Sans Recours au Numérique, Avec Espace Privé »), SRN SEP (« Sans Recours au Numérique, Sans Espace Privé »). Rappelons que l’espace privé fait référence à l’espace qu’utilise l’élève de manière individuelle avec son équipement numérique individuel (ordinateur portable hybride avec écran tactile en l’occurrence), sans que les autres utilisateurs n’aient accès à ses contenus. L’espace public est celui où les élèves partagent leurs données.

Ainsi, en modalité AEP, les élèves ont d’abord travaillé en totale autonomie pendant 20 minutes dans leur espace privé, avant de pouvoir échanger avec le groupe. À ce moment-là, ils avaient la possibilité d’utiliser simultanément leur espace privé et l’espace public.

Basées sur la théorie de l’activité, la médiation instrumentale et le socioconstructivisme (El Mhouti et al., 2013; Engeström, 1987; Peraya, 2010; Rabardel, 1995), nous avons spécifié, dans le tableau 13 ci-après, les 6 types d’interactions médiatisées en groupe présentes dans notre Dispositif Numérique de

Collaboration (DNC) et nous les avons classés en 2 registres de médiation instrumentale (Peraya, 2010) :

Tableau 13 Matrice des 6 interactions médiatisées du DNC dans les registres de Peraya

Registres de Peraya L’interaction médiatisée La modalité d’interaction Médiation

réflexive (MR) Médiation identitaire (MI) Nº1 Interactions élève - instrument

A : l’interaction entre l’élève et l’outil médiatique « Avec

Recours au Numérique » (ARN) et « Avec Espace Privé » (AEP)

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