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DEUXIEME PARTIE : CADRE THÉORIQUE

Chapitre 1 : La théorie de l’apprentissage social

1.1 Les déterminants environnementau

1.2.3 Le conflit sociocognitif

Le conflit sociocognitif est, à la différence du conflit cognitif, la redéfinition par celui qui apprend, de ses connaissances par rapport à celles des autres. Tandis que le conflit cognitif touche seulement l’individu, le conflit sociocognitif touche la construction individuelle d’une connaissance au sein d’un collectif. La force de ce processus est qu’il permet de faire un lien entre ce qui se passe pour l’individu et ce qui se passe avec le groupe (Doise et Mugny, 1997). La théorie de la construction de connaissances souligne l’importance des conflits sociocognitifs (Cress et Kimmerle, 2008) pour les apprentissages. Les processus sociocognitifs d’apprentissage se produisent quand les individus interagissent les uns avec les autres par la parole et créent ainsi une connaissance partagée au sein du groupe. Selon une approche sociocognitiviste, les interactions de groupe permettent de favoriser l’ancrage social par le « partage et la négociation des connaissances et d’offrir ainsi aux apprenants l’occasion de développer un univers mental et culturel commun » (Lave et Wenger, 1991, cités par Deaudelin et Nault, 2003, p.32). Dans le développement de l’univers mental et culturel commun au groupe, il y a également un développement cognitif propre à chaque individu. La confrontation des différents points de vue amène

chacun à reconsidérer sa façon de penser. Cela est la base du conflit sociocognitif qui peut avoir « des conséquences positives au plan intra-individuel, en l’occurrence au niveau de la réflexion personnelle» (Baudrit, 2007, p.15). Comme le soutient Boisard-Castelluccia et Van Hoorebeke (2010), « ce type de désaccord est un élément naturel du bon fonctionnement d’une équipe ».

Carugati et Mugny (1985, p.59) révèlent que nous pouvons « considérer l’interaction sociale et conflictuelle comme structurante et génératrice de nouvelles connaissances ». Pour Dillenbourg et Tchounikine (2007), les interactions qui créent des connaissances sont entre autres la résolution de conflits, les explications ou la régulation mutuelle. Dans les travaux de Roux (2004), ce dernier témoigne du nombre de travaux empiriques qui ont montré que :

Les interactions sociales symétriques (Gilly, 1995; Mugny, 1985) (ex. co-résolution entre pairs) ou asymétriques (Barnier, 2001; Baudrit, 2003) (ex. expert-novice) et/ou la signification sociale (Roux et Gilly, 1993) (de la tâche à résoudre et/ou du contexte situationnel de résolution), interviennent intrinsèquement dans la mise en œuvre des activités cognitives résolutoires et dans la genèse des processus intra-individuels de développement de compétences.

Pour Crook (1998), l’apprentissage se produit quand il y a des conflits sociocognitifs suscités par la négociation de consensus entre les participants. Cette affirmation, qui place le processus de négociation au cœur de la collaboration, a aussi été appuyée par d’autres chercheurs (Dillenbourg et Baker, 1996; Jehng, 1997). A l’instar de Carugati et Mugny (1985), Remigy (1993) signale que 4 types de situations peuvent déclencher des changements cognitifs à partir d’interactions qui sont conflictuelles :

1. Les enfants ont des niveaux cognitifs différents, cette situation se produit quand les enfants sont classés en différents niveaux (préopératoire, intermédiaire, opératoire) ;

2. Il existe une opposition des centrations, les enfants ont des perspectives visuelles différentes par rapport à l’endroit où ils sont placés physiquement dans la salle ;

3. Les enfants ont des points de vue différents ;

4. Il y a une remise en question des productions par les autres, par exemple quand les adultes remettent en cause les productions de l’enfant.

Les divergences entre les élèves sont bénéfiques pour le progrès cognitif quand les conflits sont résolus de manière positive (Webb, 1982). Mais la seule présence du CSC n’assure pas l’apprentissage : plusieurs processus tels que la régulation du conflit, la culture affective des élèves ou leurs niveaux cognitifs peuvent modifier les effets des CSC.

Parce que les conflits sociocognitifs et les conflits d’intérêt dans le groupe influencent le travail collectif, Johnson et Johnson (2002) témoignent que les efforts collectifs peuvent échouer à moins que les conflits ne soient gérés de manière constructive. Pour cela, ces auteurs proposent des techniques de médiation entre pairs et de négociation intégrative. « Tout apprentissage réussi est un changement de conceptions, consécutif à des confrontations entre des informations nouvelles et le savoir antérieur de l’individu » (Boisard-Castelluccia et Van Hoorebeke, 2010, p.8) 1.3 Les déterminants comportementaux

Comme le signale Bandura, les déterminants cognitifs, comportementaux et environnementaux sont des facteurs réciproques l’un de l’autre. Les processus cognitifs peuvent agir sur la motivation et l’engagement et ceux-ci peuvent à leur tour agir sur les comportements. Pour Pentland (2015, p.19), l’engagement a lieu au sein d’un groupe et « conduit au développement des normes de comportement et de la pression sociale pour renforcer ces normes »8. Les déterminants comportementaux

sont influencés par les processus motivationnels des groupes collaboratifs. Pour Janssen, Erkens, Kanselaar et Jaspers (2007), la visualisation de la participation joue un rôle essentiel dans ces processus qui ont fait l’objet de recherche afin d’expliquer pourquoi les élèves font des efforts pour collaborer (Slavin, 1996).

A cet égard, la motivation et l’engagement sont déterminés par les relations affectives existantes entre les membres du groupe. A cela, Pentland ajoute que « l’engagement crée la confiance et augmente la valeur d’une relation, qui est la base de la pression sociale nécessaire pour établir des comportements coopératifs » (op.cit., p.74). En fait, comme Tricot (2015), ainsi que Chi et Wylie (2014) le

suggèrent, l’évaluation de l’engagement des élèves est essentielle pour savoir quels types de tâches à effectuer sont les plus efficaces pour apprendre en groupe.

Dans la section précédente, nous avons abordé le conflit (socio)cognitif. Boisard-Castelluccia et Van Hoorebeke (2010, p.8) font référence au « conflit affectif » pour se référer au « conflit d’ordre personnel et relationnel au sein du groupe, caractérisé par des frictions, des frustrations et des disputes entre différentes personnalités ». Le conflit (socio)cognitif et le conflit affectif sont deux processus indissociables l’un de l’autre. Il est important d’évaluer la relation ressentie des élèves envers les membres de leurs groupes afin de pouvoir comprendre, d’une part, les questions liées aux liens affectifs ou à des conflits existants dans le groupe, et d’autre part, l’engagement des élèves (Boisard- Castelluccia et Van Hoorebeke, 2010).